La ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, est dans une forme olympique. Ne passe pas un jour sans qu’elle vilipende un opposant politique. Seuls les coups bas sont autorisés.
Il y a tant d’exemples qu’il serait impossible de les mentionner tous ici. Prenons la polémique sur la mosquée de Strasbourg. Le 22 mars, la municipalité, à majorité écologiste, vote une subvention à la construction d’une mosquée – un projet initié il y a une dizaine d’années. Ce financement pourrait paraître contraire aux principes de séparations des églises et de l’État, mais n’oublions pas que l’Alsace est toujours sous le régime du Concordat et que donc il n’en est rien. Là-bas, ce sont des curés qui inaugurent les écoles publiques.
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La polémique n’est pas ici. Le souci, c’est que ce projet de mosquée est porté par la Confédération islamique Millî Görüs, liée à la Turquie – quoi, des Turcs en France ? –, et qu’elle refuserait de signer la « charte des principes pour l’islam de France ». Débarque Gérald Darmanin : « La mairie verte de Strasbourg finance une mosquée soutenue par une fédération qui a refusé de signer la charte des principes de l’islam de France et qui défend un islam politique. Vivement que tout le monde ouvre les yeux et que la loi séparatisme soit bientôt votée et promulguée ». Le ministre de l’Intérieur ajoute : « Même si la loi séparatisme n’est pas encore adoptée, devant la gravité des décisions prises par la municipalité verte de Strasbourg, j’ai demandé à la préfète de la région Grand Est et du Bas-Rhin de déférer la délibération d’octroi de subvention devant le juge administratif. »
C’est alors que Marlène Schiappa a sorti l’artillerie lourde : « Les maires du parti EELV sont sur une pente très glissante vis-à-vis de l’islamisme radical. Europe Écologie-les Verts pactise avec les tenants d’un islam politique et radical [...] Manifestement, les Verts ont un problème avec les principes de la République ». Rien que ça ! À noter que si c’était vrai, on se demande ce que Beauvau attend pour dissoudre un parti si dangereux pour la République.
La ministre en charge de la Citoyenneté s’embourbe dans un raisonnement sans queue ni tête : selon elle, cette confédération strasbourgeoise ne saurait tenir un lieu de culte car elle refuse par avance de signer la charte des principes républicains que va instaurer la loi Séparatisme. Mais quand une journaliste lui demande « Et s’ils la signent, c’est bon ? », Marlène Schiappa rétorque par la négative : il faut que les musulmans s’engagent « pour l’égalité femmes-hommes, pour la lutte contre l’homophobie » mais aussi pour le mariage pour tous. « L’une des vertus de cette charte, c’est que chacun se découvre, que chacun dise qui il est vraiment », poursuit-elle. Nous voilà en 2021 à vouloir imposer aux curés, aux rabbins et aux imams des opinions que nous n’imposerons jamais aux citoyens lambdas. Demain, un politique peut se présenter à une élection en promettant d’abolir le mariage pour tous mais il est interdit de le dire dans un lieu de culte. Quelle est cette République qui n’applique pas elle-même ses principes mais veut les graver dans les pierres des églises ? Nous l’avions déjà écrit ici, avec la loi Séparatisme, le gouvernement entend mettre un large coup de cutter dans la loi de 1901 sur la liberté d’association. Qui peut prétendre protéger les « valeurs de la République » en tailladant ses lois fondatrices ?
Deux poids, deux mesures
Vint alors un deuxième événement : l’intrusion dans le Conseil régional d’Occitanie de membres de l’Action française. Ceux-ci déploient une banderole contre les « islamo-gauchistes traîtres à la France », lancent des « La France aux Français » et revendiquent leur action en s’appuyant sur les propos de la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal. Une sorte de mini-prise du Capitole. Quelle a été la réaction de Marlène Schiappa ? « La violence et l’intimidation n’ont pas leur place en démocratie : tout mon soutien à Carole Delga [la présidente socialiste de la région, NDLR] face à cette tentative d’intrusion violente et abjecte émanant vraisemblablement de l’extrême droite. »
Voilà. « EELV est complaisant avec l’islamisme radical » mais Action française n’est que « vraisemblablement » un groupe d’extrême droite. Pour ceux qui l’ignorent, Action française est un groupuscule nationaliste et royaliste. On ne saurait faire plus anti-républicain. Et devinez qui y a fait ses armes étant plus jeune… Gérald Darmanin. On imagine mieux pourquoi Marlène Schiappa prend des pincettes pour dénoncer les agissements de l’extrême droite.
Et pour finir cette boucle du ressentiment et du clivage, retour de la polémique sur les réunions non-mixtes, cette fois avec Audrey Pulvar au cœur de la cible. Tout le monde s’y engouffre, des élus de la majorité, de droite et d’extrême droite mais aussi de gauche. Une vision commune se dessine : la République est partout chez elle. Et Marine Le Pen d’appeler à « mettre fin à cette escalade raciste de la part d’une partie de l’extrême gauche qui s’affranchit de toutes les règles légales, morales et républicaines ».
Le voilà le réel drame. Des décennies de stigmatisation de l’Autre (l’Arabe, le Musulman, le Rom, le Juif…), de normalisation du Rassemblement national, de politique de la haine. Le résultat est sidérant : les frontières de la « République » ont bougé. La gauche, dans sa grande partie, s’y voit exclue et Marine Le Pen est désormais la bienvenue. La République, c’est elle, n’en déplaise à Marlène Schiappa. Mais de quelle République parle-t-on ?
D’accord avec Loïc Le Clerc sur le fond. Pour autant, je tiens à apporter ce témoignage : lors de la dernière campagne municipale à Chalon sur Saône ( Maire Gilles Platret, LR bien marqué politiquement, tête de liste au futures régionales), les discussions préparatoires pour constituer une liste citoyenne de rassemblement de la gauche ( ce qui a toujours été le cas dans notre Ville depuis plusieurs mandatures) ont été rompues unilatéralement par EELV au moment de la rédaction de la charte d’engagement des candidats, EELV n’acceptant, en autres, ni la réfêrence au principe de " laïcité", ni celle à la nécessité d’ un engagement pour le " progrès social"...À mes yeux, (ancien Maire-adjoint chargé des sports, groupe municipal communistes et apparentés ), c’est un constat politique sur la réalité d’une certaine dérive d’EELV qui, du coup, est partie seule avec sa propre liste avec une défaite face au candidat sortant LR. Il ne sert à rien de nier cette réalité objective.
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