La trêve des confiseurs, ces quelques jours entre Noël et la nouvelle année, est rarement un moment d’intense activité politique. Seulement, pour Christiane Taubira qui, dans une vidéo relativement ratée, avait annoncé sa candidature le 17 décembre dernier – ou plutôt l’entame d’une réflexion autour de la potentialité de sa candidature, rendez-vous mi-janvier –, ne pouvait se payer le luxe d’un mutisme hivernal : après quelques sorties sur le terrain, comme on dit dans les états-majors, l’ancienne Garde des Sceaux a pris la plume dans Le Monde pour commencer à dessiner un projet présidentiel.
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« Nous, la gauche »
Premier enseignement notable : Christiane Taubira ne jette d’anathème sur personne à gauche. Même entre les lignes, même de façon indirecte, elle se place très clairement en rassembleuse. En cela, son approche stratégique diffère de celles de ses camarades Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo qui, chacun, souhaite le rassemblement mais nécessairement derrière lui – le tout en prenant bien soin d’égratigner, avec un systématisme qui interpelle, ses plus proches concurrents.
Pour autant, la parole de Christiane Taubira n’est pas celle d’une simple commentatrice ou observatrice : elle est candidate. Mais le projet qu’elle envisage, c’est de réussir à structurer la gauche et les écologistes autour d’une force propulsive unitaire. Beaucoup de celles et ceux qui ont lu sa tribune savent les convergences et les divergences qui existent entre les différentes famille de la gauche. Christiane Taubira les rappelle et n’évite pas de parler des pommes de discorde comme l’Union européenne ou les « taux et champs d’application de la TVA » (ah bon ? c’est un sujet de controverse à gauche ?). Le problème demeure néanmoins entier puisqu’elle n’apporte pas véritablement de réponse si ce n’est une conviction : ces désaccords ne sont pas insurmontables.
Autre bougé de la part de l’ancienne ministre de la Justice des gouvernements Ayrault et Valls : un début de reconnaissance de la « responsabilité », voire de la « faute » de la présidence Hollande dans la situation de la gauche aujourd’hui. Dont acte. Mais quelle réalité tangible accorder à cette esquisse d’aggiornamento ? Pour ne pas y voir le sceau d’un opportunisme circonstanciel, il faudra que la candidate Taubira arrive à développer un récit sur le présent comme sur le futur qui soit sans concession aucune mais surtout d’une densité et d’une puissance qui feront oublier – ou qui les prendront en prétexte – ce qu’a posteriori, beaucoup considèrent comme des égarements politiques du passé.
L’urgence certes mais l’urgence de quoi ?
Dernier point important dans le texte de Christiane Taubira : l’urgence politique. Ce n’est pas une nouveauté puisque les autres candidats de la gauche et des écologistes y font souvent référence. L’urgence écologique, l’urgence face au péril fasciste, l’urgence démocratique, l’urgence sociale. Pourtant, avec ses mots qui font sa force et qui lui ressemblent, loin du langage technocratique de certains autres candidats, l’ancienne députée de Guyane essaie de développer une autre voie : se placer au-dessus de la mêlée. C’est d’ailleurs là que réside son principal atout dans cette campagne : contrairement aux autres, elle ne peut être taxée de s’être lancée pour des raisons d’égo ou de survie d’un appareil politique. Elle a même réussi à donner l’impression d’y être allée contre son gré.
Le revers de la médaille en absence d’égo, c’est l’impréparation : qui a-t-elle appelé avant de se lancer ? Quelle relation entretient-elle avec le Parti socialiste ? Elle veut l’unité à gauche mais quelle est la nature de ses liens avec la France insoumise, le Parti communiste ou Europe Écologie-Les Verts ? Elle les appelle tous les jours ou bien elle écrit des tribunes et entend tracer son sillon dans son coin ? Mieux : ce qu’entend incarner Christiane Taubira, c’est la pression du peuple de gauche qui veut une candidature commune. Mais concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? La pétition-plateforme de la Primaire populaire est-elle suffisante pour offrir un débouché digne de ce nom ? Et surtout, y a-t-il une chance pour que Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon y participent ? Sinon, quelles alternatives ? Ce sont toutes ces questions qui restent encore, à la veille de la nouvelle année, à répondre pour Christiane Taubira. Car sinon, sa candidature est nécessairement vouée à l’échec.
Christiane Taubira ne jette l’anathème sur personne à gauche et à l’extrême-gauche. Elle a raison de son point de vue et sur le plan de l’efficacité électorale. Par ailleurs on ne peut condamner chez autrui, l’alliance avec les partis extrémistes, ce qu’on se permet à soi.
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