CC Daniel BRIOT
Accueil | Par Loïc Le Clerc | 3 juillet 2019

Disparition de Steve Maia Caniço, mort de Zineb Redouane : la police déteste tout le monde ?

Quand les forces de l’ordre tuent, la légalité et/ou la légitimité de la violence ayant entraîné la mort ne font plus office que d’arguments permettant de lever toute responsabilité. Ceux qui appliquent la loi deviennent alors irresponsables de leurs actes.

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« Où est Steve ? » Cette question fait froid dans le dos. C’est la question que se posent les proches de Steve Maia Caniço, ce Nantais de 24 ans, disparu depuis douze jours. Depuis le 21 juin, où une banale soirée de fête de la musique est devenue le théâtre d’un défouloir policier.

Il est alors 4h30 du matin. Une centaine de personnes sont toujours au niveau du quai Wilson, sur un terrain vague, loin de toute habitation, profitant de la douceur de la nuit en cette période de canicule. L’été est là, c’est la fête. L’arrêt de la musique était prévu pour 4h. Voilà pourquoi la police intervient. La disparition de Steve, c’est l’histoire d’une mauvaise rencontre. Mais tout le problème, de plus en plus souvent, c’est que ces mauvaises rencontres, c’est avec les forces de l’ordre que les Français les font.

 

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Il est vrai que depuis des mois, l’ambiance entre citoyens et policiers, gendarmes et autre CRS est loin d’être au beau fixe. Mais la fête de la musique nom de Dieu ! Est-il normal que 14 personnes finissent dans la Loire pour échapper aux balles de LBD, aux grenades de désencerclements et aux gaz lacrymogènes, pour avoir fait la fête 30 minutes de trop ? Faut-il que toutes les interventions policières se déroulent avec un tel degré de violence ? Avec l’utilisation systématique de quasiment tout l’arsenal disponible ? Rappelons ici les sages paroles de Laurent Nuñez, secrétaire d’Etat à l’Intérieur : « Ce n’est pas parce qu’une main a été arrachée, parce qu’un œil a été éborgné que la violence est illégale ».

Les experts parlent aux irresponsables

Comme toujours, les principaux syndicats policiers déchargent leurs collègues de toute responsabilité : « Ils se sont défendus, ils se sont fait agresser parce qu’un commissaire a donné l’ordre d’aller évacuer à quinze des centaines de personnes. Y avait-il urgence ? On ne le croit pas. » Dans une chaîne de commandement, qui est le plus malin : celui qui donne un ordre idiot ou celui qui l’applique bêtement ? Quoi qu’il en soit, ce corporatisme absolu, notamment envers les policiers et gendarmes agissant contre toute règle de déontologie – ceux qui dénoncent des cas de corruption, par exemple, n’ont pas droit au même traitement –, est en passe de devenir le cœur du problème dans la relation entre les forces de l’ordre et la population. Protéger et servir, mais qui ?

Christophe Castaner a rapidement saisi l’inspection générale de la police nationale (IGPN) pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame car, selon le ministre de l’Intérieur, la disparition de Steve serait « peut-être » liée à l’intervention policière – tout en sachant que pour lui, les « violences policières », ça n’existe pas. Petite subtilité de cette enquête, expliqué par Libération : « En faisant le choix de saisir seulement l’IGPN d’une enquête administrative, le ministère a, de fait, verrouillé les investigations. La police des polices ne dispose effectivement d’aucun pouvoir de contrôle de l’autorité préfectorale, pourtant responsable de l’opération de maintien de l’ordre en cause. »

De son côté, Claude d’Harcourt, le préfet (irresponsable donc, selon Beauvau) de Loire-Atlantique, déclarera au micro de France Bleu Loire : « Les forces de l’ordre interviennent toujours de manière proportionnée. Mais face à des individus avinés, qui ont probablement pris de la drogue, il est difficile d’intervenir de façon rationnelle. » La rationalité des policiers serait altérée par l’ivresse des gens à qui ils ont à faire ?

Une semaine après les faits, le 29 juin, une marche pour Steve était organisée à Nantes. Le préfet, visiblement peu enclin à faire preuve d’humanité, ne serait-ce que pour tenter d’apaiser la situation, évoque un « rassemblement festif » – oui, oui, il parle bien de la marche en hommage au jeune homme disparu – et prévient : « Les organisateurs d’une manifestation non déclarée encourent des sanctions pénales allant jusqu’à six mois de prison et 7.500€ d’amende. En cas de risque avéré de troubles à l’ordre public, l’autorité administrative peut – en dernier ressort – décider d’interdire la manifestation. »

D’abord, on agit comme des bourrins pour mettre fin à une fête qui ne dérange personne, puis on menace les proches d’un jeune homme disparu après cette intervention policière. Mais rassurez-vous, le cadre légal est respecté et la loi a été rétablie de manière proportionnée. Et vive la République !

Et ils se demandent pourquoi on ne les aime pas ?

Les méthodes de la police française posent beaucoup de questions ces derniers temps – pas forcément du fait d’un réel durcissement mais surtout parce qu’elles sont de plus en plus flagrantes. Cette scène de Nantes n’est pas sans rappeler celle des militants d’Extinction Rebellion, assis, dont la seule « infraction » était de gêner la circulation – incroyable pour une manifestation. Les policiers les gazeront avec le même flegme avec lequel on pulvériserait de l’eau pour rafraîchir une foule.

Faut-il évoquer les centaines de gilet jaunes blessés, plus ou moins grièvement, lors de ces derniers mois ? S’il ne fallait choisir qu’un seul cas, ce serait la mort de Zineb Redouane. Tout comme le préfet de Loire-Atlantique, le ministre de l’Intérieur a depuis longtemps oublié le sens du mot « honte ». Car c’était bien Christophe Castaner qui doutait qu’une grenade lacrymogène reçue en plein visage – alors qu’elle fermait ses fenêtres pour se protéger de la manifestation qui avait lieu dans sa rue – ait pu être à l’origine du décès de cette Marseillaise de 80 ans. Il est même allé jusqu’à sous-entendre que, comme elle était morte le lendemain à l’hôpital, c’était plus de la responsabilité des médecins que des CRS. Il aura fallu attendre une autopsie effectuée en Algérie pour que la version officielle de l’Intérieur soit mis à mal. Sans conséquences, faut pas rêver.

« On ne meurt pas pour quelques notes de musique », écrivent dans un communiqué les membres du groupe Bérurier Noir, émus de la disparition incompréhensible de Steve. Et ils ont raison. En France, on ne meurt pas que pour ça.

 

Loïc Le Clerc

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  • Ça ne sert pas à grand chose de faire ce genre de bla-bla-blas dans un journal politique , lorsque les pseudo-représentants-du-peuple de cette même tendance politicarde , n’ont pas d’autre gabarit , que de faire en permanence à l’Assemblée , les pieds-de-légumes !!! ...
    .
    La démocratie est une escroquerie-permanente-organisée , depuis la fin de la Révolution en 1795 !!! ...
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    http://www.assassinat-karine-decombe-annonay.legal
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    Bernard Décombe Le 6 juillet 2019 à 20:41
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