Nous avons publié un article « À quoi joue Ian Brossat ? », non parce que nous suivons chaque projet de la Ville de Paris mais parce qu’un désaccord sur un de ces projets a été l’occasion d’une colère très politique de l’élu communiste parisien.
De façon extrêmement clivante, il faisait de la France insoumise et des écologistes des alliés de la droite antilogement social. Ce clash intervient dans un moment où se dessine l’avenir de la gauche. Il fait suite à l’étonnante prise de position d’Anne Hidalgo, maire de Paris, candidate putative à l’élection présidentielle, qui s’est distinguée par sa très violente mise en cause des écologistes et de LFI au sujet de la République.
Nous maintenons notre surprise de trouver un porte-parole du Parti communiste français sur cette attitude de clivage, au-delà du sujet ponctuel qui, comme nous l’écrivions, mérite un débat. Nous n’étions pas d’accord avec Manuel Valls lorsqu’il théorisait les deux gauches irréconciliables. Nous persistons à refuser ces amalgames et autres anathèmes qui divisent plus que de raison.
Droit de réponse de Ian Brossat
« A quoi joue Regards ?
Le journal Regards a publié le 26 janvier 2021, par l’intermédiaire de son rédacteur en chef Pierre Jacquemain, un article où se mêlent de grossières erreurs factuelles, un manque évident de déontologie et une analyse pour le moins inappropriée. Quelques précisions et remarques s’imposent.
D’abord, la forme. Regards s’intéresse à une opération de logements sociaux sur laquelle des dissensions politiques existent, rien de plus légitime. En revanche, il est regrettable et même inquiétant que la rédaction d’un tel article n’implique ni une étude sérieuse du sujet – ses enjeux, le contexte urbain, l’historique politique – ni la sollicitation des parties prenantes pour recueillir leur avis. Qu’il est loin le temps où Regards se distinguait par ses reportages de terrain, engagés, au plus près des luttes politiques et sociales, sur les républicains espagnols, l’antifascisme ou les mouvements de décolonisation. Quand le journalisme puise son inspiration exclusivement sur les réseaux sociaux, il est à craindre qu’il se dévitalise.
Les faits, ensuite. De quoi parlons-nous ? D’un programme de logements sociaux, mené par le bailleur social Paris Habitat, qui prévoit 80 logements sociaux dont 25 logements destinés à des personnes sortant de la rue, ainsi qu’une école et une crèche. Ce projet se situe rue Erlanger, dans le 16e arrondissement de Paris, qui demeure – malgré nos efforts et la multiplication par deux du nombre de logements sociaux entre 2014 et 2020 – très déficitaire au regard des objectifs fixés par la loi. L’arrondissement de l’ouest parisien compte ainsi moins de 8% de logements sociaux. Le rééquilibrage territorial de l’offre de logement social est une priorité, elle doit permettre à chaque quartier de prendre sa part ; c’est tout l’objectif d’un tel projet qui devrait, logiquement, souder la gauche. Or, que s’est-il passé ? Une alliance contre-nature associant la droite, les écologistes et la France Insoumise ont permis l’adoption d’un vœu au Conseil de Paris demandant l’arrêt du projet, argument repris par le tribunal administratif pour justifier l’annulation du permis de construire.
Regards demande « à quoi je joue ». Je ne joue pas : je constate avec effarement et une dose de colère que des logements sociaux sont sacrifiés alors même que nous traversons une crise sociale et économique sans précédent, que des milliers de familles n’attendent qu’une chose, pouvoir accéder à un logement social. La Fondation Abbé Pierre s’apprête à publier son rapport annuel sur l’état du mal-logement en France, et les chiffres s’annoncent une nouvelle fois alarmants. Quel est donc ce journalisme qui n’est même pas capable de comprendre qu’un adjoint au logement puisse s’indigner sincèrement de voir 80 logements sociaux attaqués de la sorte dans l’un des quartiers les plus cossus de la capitale, et face à ce dévoiement de l’écologie comme nouvel égoïsme territorial ?
Pour certains, ces 80 logements sociaux constitueraient l’emblème d’une politique anti-écologique. C’est en tout cas l’analyse – si tant est que l’on puisse lui faire cet honneur – que propose l’article. Force est de constater que Pierre Jacquemain ne connait pas le projet proposé et moins encore l’environnement urbain dans lequel il s’insère. Regards souligne ainsi qu’il se situe « sur l’un des rares espaces verts du 16ème arrondissement ». C’est sans doute la phrase la plus cruelle de l’article, pour son auteur et pour le journal qu’il engage. Nul espace vert sur la parcelle : il s’agit d’une cour d’école bitumée. Une visite sur place ou une simple recherche Internet permet de le constater. Par ailleurs, il convient de rappeler que le bois de Boulogne est à quelques centaines de mètres, accessibles en… 6 minutes à pied : les 850 hectares d’espaces verts qui le composent le classent parmi les plus grands parcs urbains d’Europe. Voilà une définition de la rareté particulièrement curieuse. Et la mairie d’arrondissement elle-même de souligner que le 16e est l’un des arrondissements les plus verts de la capitale.
Je regrette donc tout à la fois un article bâclé, fallacieux et d’une partialité confondante. La crise sociale et écologique nécessite des convictions plutôt que des anathèmes, et un débat sérieux et étayé. Puisse Regards y retrouver sa place. »
Brossat n’aime pas la liberté d’expression quand elle se concentre sur ses faits et gestes politiques. Et surtout il ne répond pas sur le fond. La politique réelle de la ville de Paris est-elle en conformité avec la politique théorique de cette même municipalité ? L’urgence climatique est-elle véritablement le fil rouge de la politique réelle de Mme Hidalgo qui donne des leçons d’écologie au monde entier ?
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