En l’espace de quelques jours, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions qui ne vont pas faciliter la tâche du gouvernement. Des jugements attendus tant sur la question des droits de tous à bénéficier d’une assurance chômage digne, sur la question des libertés – de manifester notamment – et sur la question des violences policières. Ainsi le Conseil d’État avait-il annulé, dès novembre dernier, plusieurs dispositions de la réforme de l’assurance chômage considérant qu’elles portaient « atteintes aux principes d’égalité ». S’agissant du nouveau mode de calcul du chômage – qui doit entrer en vigueur dès le 1er juillet prochain, avec des baisses significatives des montants des indemnités –, le juge des référés a estimé que les explications du gouvernement pour justifier l’application de ces nouvelles dispositions, étaient insuffisantes. Il s’est dit « dubitatif » après avoir entendu les arguments du gouvernement. Tous les syndicats s’accordent pour dénoncer une réforme qui va accroitre profondément les inégalités. Et la précarité. Le Conseil d’État devra rendre une nouvelle décision au cours de la semaine, après que le gouvernement aura complété son argumentaire, visiblement peu convaincant.
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C’est aussi la semaine dernière que le Conseil d’État s’est penché sur le recours controversé, par les forces de l’ordre, de la technique dite « des nasses », lors des manifestations. Une technique qui conduit à l’encerclement des manifestants et, le plus souvent, de procéder à des arrestations en masse. On se souvient notamment de la manifestation des gilets jaunes de mai 2019, où la technique avait été abondamment utilisée, provoquant la panique chez les manifestants et avaient, pour certains, forcé les grilles de la Pitié-Salpêtrière pour s’y réfugier. Saisis par plusieurs associations, les juges ont jugé « illégales » ces techniques non justifiées et « susceptibles d’affecter significativement la liberté de manifester et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir », indiquent-ils. C’est aussi trois autres points du schéma du maintien gouvernemental du maintien de l’ordre qui ont été retoqués – consacrant ainsi les libertés pour les journalistes, d’informer : « l’éloignement des journalistes en cas de dispersion, l’obligation d’accréditation pour les journalistes pour des informations en temps réel et l’obligation faite aux journalistes de ports de protection », précise le Conseil d’État. « Le Conseil d’État met une gifle à Darmanin », titre Libé. Terrible désaveu, en effet, pour le ministre de l’intérieur.
Autre polémique. Autre recours auprès du Conseil d’État et dont les conclusions seront observées de près. Quatre mois après les accusations en « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, la ministre Frédérique Vidal avait demandé une enquête au CNRS et se voit aujourd’hui poursuivi par six enseignants chercheurs pour « abus de pouvoir ». Les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth ont sollicité une procédure de référé et un recours en annulation devant la plus haute juridiction administrative. Si le Conseil d’État a rejeté le référé, la requête en annulation a été transmise au ministère de l’Enseignement supérieur qui devra, dans les deux mois, démontrer « que sa décision ne constitue pas un détournement des pouvoirs et des attributions qui lui sont confiés », confient les deux avocats au journal Le Monde. Le CNRS ayant refusé publiquement de répondre à la « commande » de la ministre, reste à savoir si la conduite de cette enquête, compte tenu des vives critiques qu’elle avait suscité, est sur les rails. Au Monde, Fabien Jobard, semble comprendre qu’aucune enquête n’est en cours. Et d’en conclure : « Cela voudrait dire qu’on gouverne à coups de propos comminatoires et de menaces et ce n’est pas tolérable ». En effet !
Même quand il rend un avis négatif, à l’instar du référé déposé par Clémentine Autain pour obtenir le droit de tenir meeting en Seine-Saint-Denis – qui avait été rendu impossible par décret du ministre de l’Intérieur et qui s’est malgré tout tenu hier à Montreuil sous forme de manifestation revendicative –, le Conseil d’État se voit obligé de réaffirmer « la nécessité que les libertés publiques soient garanties en période de Covid ». Comme si la Haute juridiction envoyait des signaux au gouvernement. Sous forme d’alerte permanente. Et comme nous l’écrivions ici en décembre 2020, de projets de loi en ordonnances, la politique menée par le gouvernement depuis le début du quinquennat se heurte régulièrement au mur de l’État de droit : le nombre des recours est en forte augmentation, singulièrement depuis la crise sanitaire. Vigilance !
Le Conseil d’Etat est le meilleur ennemi du gouvernement mais il l’est aussi du socialisme. Vigilance ! conclut l’article sous forme d’exhortation. Oui, vigilance, face à tous les dangers, appliquée aussi aux partis d’extrême-gauche qui veulent supprimer l’Etat de droit et le remplacer par l’Etat socialiste.
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