Dans une lettre adressée aux militants le jour de son départ, Emmanuelle Cosse disait partir « la conscience tranquille ». De quoi indigner Esther Benbassa : « L’histoire ne retient pas les traîtres ». « Trahis », « abasourdis », « déçus », tels sont les mots utilisés par les membres d’EE-LV, encore sous le choc. Jeudi 11 février, Cosse est nommée ministre du Logement et démissionne de ses fonctions à la tête du parti (lire aussi "La parole perdue d’Emmanuelle Cosse"). La sénatrice EE-LV n’en revient toujours pas : « On savait qu’en politique, la trahison est très fréquente, mais là, elle est partie du jour au lendemain ! On ne peut pas faire de la politique sans foi ni loi. Quel exemple pour la jeunesse ! »
« En train de devenir un groupuscule »
Pour Françoise Diehlmann, qui vient aussi de quitter le parti, EE-LV est en train de « retomber dans les tares des Verts. Leurs côtés négatifs reviennent au premier plan, comme une gifle ». L’ex-conseillère régionale d’Île-de-France déplore la « pensée dominante » qui s’est installée :
« Ce parti n’existe plus, Il y a eu beaucoup de déception, beaucoup de gens partent. Les deux derniers secrétaires nationaux et les présidents de groupe parlementaire sont partis. Ce n’est pas rien. EE-LV est en train de devenir un groupuscule ».
Ils sont plusieurs à dater le début de la crise à EE-LV au départ de Cécile Duflot du gouvernement, en mars 2014. Pour le sénateur écologiste Jean Desessard : « C’était une erreur, un caprice sur le fond, mais surtout sur la forme. Elle a entraîné un processus qui a abouti à atomiser EE-LV ». Une analyse partagée par Françoise Diehlmann, pour qui « Emmanuelle Cosse n’est pas la cause, mais un effet » du départ de Duflot. L’heure est donc aux remises en question à EE-LV, qui doit « travailler à se reconstruire, même si dans un premier temps, le fait qu’il y ait déstabilisation est humain », analyse Esther Benbassa. La sénatrice appelle au changement :
« Le fonctionnement du parti doit changer. Ce n’est pas normal que nous ayons produit ces apparatchiks. Il faut couper le mal à la racine. »
Jean Desessard modère cette analyse : « Dans une classe, suivant le professeur, l’ambiance du lycée, on peut être bon ou mauvais élève ». Mais le problème des écologistes viendrait aussi de l’absence de débat. D’après Françoise Diehlmann, jamais la question de la participation gouvernementale n’a été mise sur la table. Pour Jean Desessard, cette affaire amène EE-LV à revoir son rapport au pouvoir :
« Même si l’on participe au gouvernement, il faut garder une certaine forme de recul et de radicalité. EE-LV saura-t-il allier une écologie pragmatique et une écologie radicale, où faudra-t-il deux partis ? »
« La reconstruction d’une écologie politique »
À l’instar de l’absence de critiques de l’UDE à l’encontre du PS, Françoise Diehlmann estime que la position inverse, "tout sauf le PS", ne sert pas plus les intérêts écologistes. Elle prend un exemple pour illustrer la débâcle : « Quand dans le Nord-Pas-de-Calais on exige la tête de liste et qu’on se retrouve à y aller sans le PS, sans le PCF, on casse l’union de la gauche et on a des régions où la gauche a complètement disparu. Voilà ce que j’appelle de la trahison. » Comme le rappelle Jean Desessard :
« On avait tous applaudi la garantie universelle des loyers de Cécile Duflot, lorsqu’elle était au gouvernement. Aujourd’hui, c’est remis en cause par le gouvernement, donc comment Emmanuelle Cosse peut arriver sur une décision si importante ? »
Que dire des dossiers Sivens et Notre-Dame-des-Landes ? Pour Françoise Diehlmann, la question qui se pose est la suivante : « Est-ce qu’on peut agir dans ce gouvernement ? » Mais pour Jérôme Gleizes, conseiller EELV de Paris, « une rupture totale avec le PS au prochain congrès serait suicidaire ».
D’après Esther Benbassa, « EE-LV est encore un parti de militants, de jeunes, qui ont de vrais idéaux, qui veulent se battre ». Elle voit derrière ce remaniement ministériel, un « travail de sape de Hollande » pour casser le parti afin qu’il ne présente pas de candidat à l’élection présidentielle. La sénatrice estime que cela va plutôt « stimuler une candidature écologiste », et surtout celle de Nicolas Hulot, d’après Jérôme Gleizes. Il estime que l’urgence est à la « reconstruction d’une écologie politique pour éviter le pire en 2017 ».
Françoise Diehlmann en est persuadée, pour 2017, « il y aura sans doute Cécile Duflot, pour représenter le seul parti EE-LV », bien qu’elle aimerait voir un Nicolas Hulot rassembler « tous les écologistes et au-delà ». Reste à savoir où est passée Duflot. Pas le moindre commentaire de sa part depuis le remaniement. En attendant d’y voir plus clair, remémorons-nous la parole autoréalisatrice d’Emmanuelle Cosse :
A ne jamais tenir ses engagements, on ne doit plus s'étonner de ne pas être soutenu.
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) 25 Septembre 2015
Ouais enfin, Françoise soutenait cette entrée au gouvernement, le parti non, et en amont.
Donc les petites colères post-traumatiques, j’en ai un peu soupé, moi. Laissez-nous reconstruire notre parti plutôt que d’être dispendieux-euses en aigreur.
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