La désignation ce week-end par le Conseil national du PCF de Ian Brossat comme tête de liste, pardon, "chef de file" du Parti communiste aux élections européennes contient deux informations. La première est donc qu’il y aura, à gauche, deux listes qui se positionneront en principe sur une critique sociale et radicale de la construction européenne. Une liste de La France insoumise et une liste du PCF, même si Ian Brossat n’écarte pas une alliance avec les autres partis de gauche. La désignation de celui-ci comme tête de liste indique bien la fin de toute perspective de discussion avec LFI. Il est le symbole de la discorde qui mit fin au Front de gauche à la suite de la décision des communistes parisiens de s’allier au premier tour avec Anne Hidalgo. Trois protagonistes – que l’on va retrouver – étaient alors aux premières loges : Pierre Laurent, secrétaire national et sénateur de Paris, Igor Zamichiei, secrétaire de la fédération PCF de Paris et Ian Brossat chef de file des élus parisiens et futur maire adjoint d’Anne Hidalgo.
Cette décision est-elle prise avec un espoir de succès, de reprise du leadership à la gauche de gauche ? Tous les sondages sont cruels et laissent peu d’espoir et le rapport est aujourd’hui de 1 à 10. Il y a moins d’un an, lors des législatives, tous les duels entre le PCF et LFI ont été remportée par les Insoumis – à l’exception de Gennevilliers (Elsa Faucillon) et du Puy de dôme (André Chassaigne). On ne voit aucunement l’espace politique pour un tel pari. Et les impétrants le savent bien.
Ils prennent cette décision alors même que les européennes se tiendront moins d’un an avant les élections municipales qui est le véritable enjeu des communistes car il les ancre encore dans une pratique et dans l’espace politique. Les conséquences d’une telle décision seront sans limite : partout les élus et les militants communistes seront conduits à choisir entre deux listes au prix d’un déchirement plus grand sur le plan local. Le résultat sera une très probable généralisation des listes concurrentes PCF/LFI. Le PCF ayant des difficultés à croire sauver les meubles avec le PS !
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Que veulent les trois principaux acteurs ?
Ian Brossat cherche une sortie pour le cas probable où Anne Hidalgo perdrait la ville de Paris. En étant tête de liste d’une liste nationale il grimpe en notoriété. Et pour une longue carrière ça compte.
Pierre Laurent espère sauver son poste de secrétaire national, fortement contesté. Il ne fait aucun doute qu’un deal a été passé avec les amis de Zamichiei qui exigeait une liste autonome du PCF aux européennes conduite par Ian Brossat. Ils viennent de l’obtenir. Pierre Laurent veut croire qu’il est encore en position centrale et peut représenter une alternative à la ligne dure de Zamichiei. Ce deal durera sûrement ce que dure les roses…
Quant à Igor Zamichiei, il est le grand vainqueur avant même la tenue du congrès du PCF. Il obtient la liste autonome. Igor Zamichiei n’est pas stupide. Il sait le résultat qu’elle obtiendra très certainement. Mais cela fait partie de la stratégie qu’il a très clairement énoncée : assumer la traversée du désert pour mieux rebondir. C’est bien parti pour l’insolation.
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Quand le parti communiste n’a pas de candidat à l’élection présidentielle, on pointe sa mort imminente . S’il désigne son chef de file pour les élections européennes, on s’interroge gravement sur "le jeu " auquel il se livrerait ! Et on commente cette décision comme une manœuvre d’appareil conduite par une poignée de dirigeants parisiens uniquement soucieux de se soustraire à l’hégémonie de LFI, au risque insensé de provoquer une division définitive entre les différents courants de la gauche.
La division à gauche est en réalité un choix stratégique de Mélenchon lui-même : pour qui en douterait, se souvenir des élections territoriales de Corse (2017) où il a préféré saborder ses propres candidats (au nom d’une prétendue "tambouille") plutôt que de les voir participer à une liste avec des communistes.
Se rappeler également son interview récente à Libération où il refuse toute référence à la notion même de gauche sous prétexte qu’elle aurait été polluée ou dévoyée par François Hollande...
En réalité le choix du parti communiste dérange LFI (et certains de ses amis). Il dérange tout simplement parce que c’est le choix de l’insoumission à....LFI !
C’est un choix difficile ? Peut-être. Mais c’est un choix courageux qui ouvre une perspective pour la gauche au moment où certains voudraient bien capter son patrimoine de luttes tout en se débarrassant des forces qui, sous des formes très diverses, continuent de l’incarner.
Pour ce qui me concerne, je voterai pour la liste conduite par Yann Brossat . Ce sera une liste communiste, ouverte, et rassembleuse qui sera, à l’évidence, la plus qualifiée pour incarner à la fois l’insoumission aux forces de l’Argent, l’ouverture à la gauche sociale dans toutes ses composantes, et l’exigence d’une autre Europe.
Quant aux petits calculs électoralistes et aux plans de carrière politiciens, je les laisse à ceux qui ne voient la politique qu’à travers ces petites lunettes déformantes.
Paul Antoine Luciani, ancien premier adjoint communiste au maire d’Ajaccio (2001-2014), aujourd’hui conseiller municipal d’opposition, toujours abonné à Regards.
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