La première donnée de l’élection législative partielle, dont le deuxième tour à eu lieu dimanche 25 novembre, est la déception. En 2017, la candidate LFI n’était distancée que de 139 voix par Manuel Valls ; cette fois, l’écart en sa défaveur est d’un peu plus de 2000 voix. Son résultat n’a pourtant rien de déshonorant. À l’issue du premier tour, son réservoir théorique de voix était de 4900 voix : elle en recueille un peu plus de 4500 au second. Mais son adversaire, lui, retrouve au second tour un nombre de voix proche du total des voix de droite et d’extrême droite au premier. Un tour ne chasse pas l’autre ; la clef d’interprétation d’une élection suppose de tenir compte des deux.
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L’élection partielle de l’Essonne s’est déroulée en plein cœur de la colère exprimée spectaculairement par les gilets jaunes. Elle ne s’est pas traduite par une mobilisation citoyenne, mais par une poussée exceptionnelle de l’abstention. Contrairement aux habitudes, celle-ci a même été un peu plus forte au second tour – généralement qualifié de décisif – qu’au premier. La déconnexion s’accentue entre le désarroi populaire et la représentation. La crise politique grossit chaque jour un peu plus.

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Dans ce contexte de désengagement civique, la seule force à tirer véritablement son épingle du jeu est le Rassemblement national de Marine Le Pen. Entre juin 2017 et novembre 2018, le candidat du RN a augmenté son capital électoral d’un bon tiers et dépasse même légèrement le résultat exceptionnel obtenu par le FN en 2012. Le total des gauches est resté stable en quelques mois, mais la distribution s’est resserrée : le 18 novembre, la candidate LFI a obtenu un score légèrement inférieur (17,8%) au total des alliances PC-Générations et PS-Verts (19%).
Echec de la gauche populiste et de la gauche rassemblée
Depuis plusieurs mois, le pari de LFI est de s’installer dans le mouvement des colères, de tourner le dos aux formes anciennes de l’union de la gauche (la tambouille des sigles), de souder un nous populaire par la détestation du eux des élites et de contredire ainsi la montée de l’extrême droite.
Plusieurs sondages électoraux récents (pour les prochaines élections européennes) suggéraient que l’on n’en était décidément pas là : les estimations en faveur de LFI étaient à la baisse, plus ou moins sensible, tandis que celles concernant le RN étaient sensiblement à la hausse.
Le résultat de la législative partielle s’inscrit dans une tendance voisine. Il ne suffit pas d’accompagner les colères, ni même de les attiser, pour empêcher que la colère ne se transforme en ressentiment. La stigmatisation indistincte d’un eux ne concurrence pas la dynamique de la haine et de l’exclusion. Au contraire, la colère sans l’espérance pousse au désengagement civique et aux solutions frelatées de l’extrême droite.
S’il fallait tirer une leçon globale des deux tours de scrutin, on pourrait l’exprimer en une phrase. Le premier tour montre que le populisme, même de gauche, n’enraie pas la montée de l’extrême droite ; le second tour suggère que la gauche rassemblée – mais non refondée – ne suffit pas à terrasser la macronie, surtout quand son rassemblement reste incomplet.
Si la gauche veut se relancer pour éviter le pire, il lui faut opérer à frais nouveaux ce qui a toujours fait la force des mouvements émancipateurs : accorder la lutte sociale et les constructions politiques autour de valeurs claires et de démarches démocratiques ; bâtir des ponts entre les refus et les colères et l’espérance adossée à un projet solide d’émancipation humaine.
Belle conclusion elliptique et un peu lunaire.
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