Accueil | Par Caroline De Haas | 26 octobre 2021

Faire rimer « puissance » et « bienveillance »

Caroline De Haas, militante féministe.

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Le mot « puissance » ne me met pas très à l’aise. Comme si ce terme était intrinsèquement lié à la notion de violence. La puissance, dans notre imaginaire collectif, est souvent liée à la force physique, à l’idée d’imposer quelque chose, voire de forcer. Cette idée transporte avec elle tout un imaginaire viriliste, masculin. La puissance serait l’apanage des hommes. On ne dit pas d’une femme, ou rarement, qu’elle est puissante. La puissance serait synonyme de rapport de force. Un État puissant, c’est un État qui est craint. Cette idée est bien ancrée. Il est difficile de penser la puissance avec des termes qui ne soient pas guerriers ou agressifs.

Et si on essayait d’associer le terme puissance à celui de bienveillance ? Je sais à quel point ce dernier peut faire lever les yeux au ciel. Combien de fois ai-je entendu, lors des formations que j’anime en entreprise ou dans la fonction publique : « La bienveillance, dans cette boîte, ils en parlent tous les jours. Mais pour la mise en œuvre, c’est autre chose. » Essayons un instant de prendre ce mot au sérieux. Essayons de l’appliquer aux responsables politiques et même aux politiques publiques.

Au niveau des individus, cela impliquerait une façon assez radicalement différente de pratiquer la chose politique. Beaucoup des dirigeantes et dirigeants politiques que j’ai croisés avaient tendance à écraser leur entourage, en épuisant leurs équipes, en les intimidant. La puissance d’une personnalité politique semble liée à son degré d’autorité, ou plutôt d’autoritarisme, mélange de méchanceté et de violence dans ses rapports humains. La puissance d’une personne pourrait au contraire être illustrée par sa capacité à entraîner du monde vers un objectif commun, à faire grandir les individus qui nous entourent.

Au niveau d’un État et des politiques publiques, la puissance pourrait se mesurer autrement que par le rapport de force économique ou militaire. On pourrait imaginer qu’un État puissant est celui qui se donne la capacité d’accueillir un grand nombre de personnes vulnérables dans des conditions décentes. Ou celui qui peut garantir un revenu minimum à toute sa population. Nous pourrions remettre en cause nos indicateurs du quotidien, sans doute obsolètes, qu’il s’agisse de performance, de PIB, de croissance ou de productivité. La puissance d’une nation pourrait être mesurée à sa capacité à changer le monde ou à la façon dont les autres la prennent en modèle. Imaginons que la France mette en place une politique publique révolutionnaire qui permette d’en finir avec les violences sexuelles. Et que, dans la foulée, des dizaines de pays s’inspirent de cette politique. Ne serait-ce pas une forme de puissance ?
Utopie ? Je n’en suis pas sûre. Regardez comme la Nouvelle-Zélande est présente aujourd’hui dans l’espace public. À l’autre bout du monde, Jacinda Ardern vient d’être réélue première ministre. Sans doute sa gestion de la crise sanitaire, sa manière d’envisager le pouvoir, de le partager, de faire et de penser le bien commun – la politique – ont été des éléments déterminants de cette victoire. Les choses bougent et c’est tant mieux. Pourquoi cela n’arriverait-il pas jusque chez nous ? Je crois que c’est possible. Je reste, malgré tout, dans la catégorie des optimistes.

 

Caroline De Haas

 

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