C’est la bonne idée du jeudi soir, signée la candidate du Parti socialiste à la présidentielle Anne Hidalgo : une primaire pour départager les prétendants à la magistrature suprême. À gauche. C’est important d’écrire « à gauche » parce que c’est là que le bât blesse le plus, à mon sens.
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Cela a été abondamment commenté – et moqué mais il est quand même important de le rappeler : le fait que la proposition de primaire vienne d’une candidate en perte de vitesse (oui, c’est un des enseignements de la période : on peut continuer à chuter dans les sondages quand on part de 4% dans les sondages) peut apparaître comme un ultime appel à l’aide pour tenter de décoincer une situation qui emmène l’ancien parti hégémonique à gauche droit dans le mur. Le problème, c’est que les autres protagonistes de la gauche et des écologistes ne font montre d’aucune envie de venir sauver le vieux vaisseau amiral. D’ailleurs, on les comprendrait : au nom de quoi faudrait-il participer du sauvetage du PS ? Et pour quoi faire ? L’exercice du pouvoir a trop abîmé le parti de François Hollande pour que ceux qui n’en font pas ou plus partie trouvent le courage de venir à la rescousse d’une histoire presque centenaire et pourtant porteuse, à ses débuts et dans ses textes, de belles promesses. Mais l’on ne fait pas de la politique avec des promesses - surtout quand elles sont perçues comme des trahisons en puissance.
Au nom de la gauche ?
Le problème est aussi plus profond que cela : c’est au nom de la gauche, pas même d’une certaine idée de la gauche, mais de la gauche tout court, qu’Anne Hidalgo a lancé la proposition de primaire. Seulement, ceux à qui elle s’adressait hier en premier lieu, à savoir Yannick Jadot d’Europe Écologie-Les Verts et Jean-Luc Mélenchon de La France insoumise, les deux leaders dans les sondages de ce que l’on imagine être la gauche, de ce que, de l’extérieur, on imagine être la gauche, ne sont pas les meilleurs interlocuteurs pour une telle entreprise. Pour le premier, c’est l’écologie qui doit être la nouvelle colonne vertébrale et supplanter ce que le gauche avait d’histoire, de valeurs et de combats. Qu’on ne se méprenne pas : il s’agit pour lui de changer de paradigme plutôt que d’en trahir les fondements de la gauche - même si le jeu auquel s’adonne Yannick Jadot en la matière est quand même périlleux et que parfois, on ne sait plus trop où il habite. Pour le second, c’est plus complexe : s’il est indéniablement l’héritier de l’histoire longue de la gauche qui lui a permis, dans une large mesure, de faire le score important qu’il a fait à l’élection présidentielle de 2017, il entend aussi en proposer une altération du prisme idéologique : c’est tantôt le peuple, tantôt la France auxquels Jean-Luc Mélenchon préfère s’adresser.
Dès lors, on voit bien tout le problème de l’appel d’Anne Hidalgo - si tant est que l’on veuille bien y voir de la sincérité : la gauche n’est plus un objet pour les femmes et les hommes qui font de la politique. D’ailleurs la députée LFI Daniele Obono ne s’y est pas trompée mercredi soir sur BFMTV quand elle a affirmé : « L’enjeu, ce n’est pas la gauche, c’est la France ! » Dont acte. Mais quid de tous ceux qui s’y réfèrent encore, que ce soit dans les mouvements sociaux, dans les luttes ou dans les coeurs ? On me rétorque souvent que leur nombre se réduit comme peau de chagrin et qu’il faudrait plutôt se concentrer sur les abstentionnistes qui ne se situent pas ou plus selon le gradient gauche-droite. Dont acte à nouveau mais pas sûr, au vu des récentes élections intermédiaires ou des sondages, que cela soit suffisant. Mais il faut attendre, me répète-t-on, car on ne serait pas à l’abri d’une bonne surprise - et, sur ce sujet, je ne demande qu’à être détrompé.
Pour autant et pour revenir au sujet qui nous anime depuis mercredi soir, force est de constater que la proposition de primaire de la gauche est un bide total. Contrairement à ce que certains commentateurs avaient imaginé, rien n’a été calé avec les autres forces de gauche et des écologistes. Les socialistes espèrent sûrement en ressortir grandis car Anne Hidalgo pourrait apparaître, selon eux, comme la seule à avoir la décence de mettre son égo de côté pour affronter comme il se doit les périls fascisants auxquels nous faisons face (pas certain que ce soit ce que l’on retienne de la séquence mais je vois bien la tentative). Car il ne faut pas douter que le brusque revirement de la candidate du PS est à mettre en corrélation avec la montée en puissance de la candidature d’Éric Zemmour. Sa vidéo de lancement dans la campagne et son premier meeting sont de puissantes offensives dans la guerre culturelle que l’ancien polémiste entend mener - et ce, même si, à ce stade, cela ne se traduit pas encore en un gain substantiel de points dans les sondages.
Des idées puissantes mais des stratèges en bout de course
Enfin, il ne faut pas négliger un dernier paramètre : le remplacement, dans la stratégie socialiste, d’Anne Hidalgo par une personnalité à l’aura autrement plus grande et plus « consensuelle » comme on dit. Et cette personnalité a un nom : Christiane Taubira. L’ancienne garde des sceaux des gouvernements Ayrault et Valls entretient le mystère autour de sa participation à la présidentielle. Elle pourrait être la botte secrète (ou la roue de secours) pour un Parti socialiste qui ne sait plus à quelle sainte se vouer pour retrouver une place dans le jeu des grands partis politiques. S’il y aurait beaucoup à redire sur une telle incarnation de la gauche au vu de ses exercices précédents (comme l’ont rappelé si justement nos camarades de Frustation), il ne faut pas trop douter de sa capacité à aller gratter assez largement, à la fois dans l’électorat écologiste et dans l’électorat insoumis - même si, dans l’état major insoumis, on nous assure que si elle se déclare, son discours ne tiendra pas la route cinq minutes (sic). En tout état de cause, on ne voit pas trop à quoi cela servirait de passer de Jean-Luc Mélenchon à 9%, Yannick Jadot à 8 et Anne Hidalgo à 4 à Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Christiane Taubira à 7%… Mais, à dire vrai, tant que rien n’est effectif, cette dernière demeure un espoir et, comme dirait l’autre, l’espoir fait vivre.
Au-delà du vœu pieux (mais qui se réalisera peut-être, qui sait vraiment ?) du candidat commun de la gauche et des écologistes, la seule issue valable serait l’engagement d’une dynamique politique positive qu’aucun des candidats ne semblent en mesure d’amorcer à ce stade – si ce n’est d’en affirmer la prédiction à tout bout de champs. Pour cela, il faudrait que chacun tente de sortir de son strict couloir de nage pour aller chercher à embrasser plus largement (on a compris les projets et les propositions – parfois pléthoriques ! – des uns et des autres : so what ? Désolé mais ça ne décolle pas). Mais quand on entend les procès en pleurnicheries ou les anathèmes d’exclusion du champ républicain, on se dit que l’on est plutôt parti pour que tous restent campés sur leurs positions initiales. Reste pour le peuple de gauche (s’il existe encore) à croiser les doigts (mais pas les bras) pour que nos monolithes sûrs de leur fait ne coulent pas tous au fond de la piscine.
Est-ce qu’une candidature unique de la gauche à 25 %présente au 2 ème tour peut permettre de gagner la présidentielle et les législatives ??
J’en doute ! Sauf nier la réalité de la lutte des classes !
Jean Pierre dropsit le 09 décembre à 20:40
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