Accueil | Par Loïc Le Clerc | 7 juillet 2020

Gouvernement Castex : la parité nivelée par le bas

Ça y est, on les connaît les ministres du gouvernement de Jean Castex. 32 têtes plus ou moins nouvelles, plus ou moins connues aussi, qui vont arpenter les plateaux de télé du matin au soir pour nous vanter le macronisme triomphant. Quid de la parité là dedans ?

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Mise à jour (17/08/2020) : le gouvernement aura mis un certain temps avant de faire connaître la totalité de ses membres. En ajoutant aux ministres les secrétaires d’État et les « ministres auprès de... », le gouvernement Castex est ainsi composé de 44 personnes, dont 22 femmes. Dans le détail, c’est toujours la même chanson : 8 femmes ministres pour 9 hommes, 14 femmes « sous-ministres » pour 13 hommes.

 

Vendredi 3 juillet, fraîchement nommé, Jean Castex se rend sur le plateau de TF1 pour sa première interview en tant que Premier ministre. Question d’Anne-Claire Coudray : « Est-ce que vous allez tenir le principe de la parité ? » Réponse de l’intéressé : « Ah ! la parité, absolument ! Ça ne se négocie pas, madame. » « Y compris sur des ministères régaliens ? », relance la journaliste. Jean Castex : « Nous verrons. Attendez, je ne peux pas vous répondre parce que ce n’est pas fini madame. Je comprends votre insistance, un peu de patience. Mais, la parité, bien entendu, c’est une chance, c’est une force et c’est une évidence. »

 

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Une évidence, mais pas à n’importe quel poste. Car si, au total, Emmanuel Macron et Jean Castex ont formé un exécutif avec plus de femmes que d’hommes [1], c’est bien au pied de la pyramide qu’on les retrouve en nombre.

 

On peut se réjouir que l’écologie retrouve un ministère bien à lui – après l’affaire de Rugy, c’est la ministre des Transports Élisabeth Borne qui en avait hérité –, qui plus est avec une femme à sa tête, Barbara Pompili. De plus, ce portefeuille retrouve sa place de numéro 2 dans l’ordre d’importance au gouvernement. Par contre, on désespère toujours de retrouver la « grande cause du quinquennat », le « ministère plein et entier du droit des femmes » relégué en bas de la hiérarchie en un sous-ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes – intitulé auquel ils viennent d’ajouter « Diversité et Égalité des chances ».

Et qu’en est-il du régalien ?

En France sont considérés comme tel les ministères suivants : la Défense, les Affaires étrangères, la Justice, les Finances et l’Intérieur. Résultats des courses : Jean-Yves Le Drian reste à l’Europe et aux Affaires étrangères, Bruno Le Maire reste à Bercy, Gérald Darmanin remplace Christophe Castaner à l’Intérieur, Éric Dupond-Moretti remplace Nicole Belloubet à la Justice et Florence Parly conserve les Armées. Il est intéressant de noter qu’Emmanuel Macron a pris cette habitude de remplacer des hommes par des femmes : Nyssen, Buzyn, Belloubet, Ndiaye [2] avant de rééquilibrer le tout en nommant d’autres femmes à des postes de moindres responsabilités.

La parité au gouvernement est une habitude politique française très récente : Jean-Marc Ayrault en 2012, c’était 17 femmes dont 9 ministres de plein exercice. Ayrault II, en 2014, et Cazeneuve en 2016 avaient certes moins de femmes que d’hommes dans son ensemble, mais plus de femmes ministres de plein exercice – ce qui n’est plus jamais arrivé depuis.

Heureusement, Emmanuel Macron est un homme de parole (non). En mars 2017, en pleine campagne présidentielle, il s’exclamait : « Le Premier ministre sera choisi sur des critères d’expérience et de compétences. J’aimerais que ce soit une femme. » Quel dommage que la France ne compte pas de femmes plus expérimentés et plus compétentes que Jean Castex !

 

Loïc Le Clerc

BONUS. Tournant social, virage social… On a compté, Emmanuel Macron en est déjà à 10 !

Il tourne, il tourne, Emmanuel Macron depuis le début de son quinquennat. Mais à force de tournants sociaux, on finit par tourner en rond, comme un c**. Et puis, ça fout la gerbe tous ces virages. Le 6 juillet dernier, Clémentine Autain lançait sur l’antenne de RFI : « Le tournant social de Macron n’arrivera jamais. » Certes, mais au moins on comprend mieux l’intitulé de son livre de campagne : Révolution.

juillet 2020. Emmanuel Macron nomme Jean Castex Premier ministre et lui impose Nicolas Revel comme directeur de cabinet (Philippe avait refusé). Un « gaulliste social » à Matignon, chaperonné par un ancien proche de Macron sous Hollande. Camille Pascal, ancien conseiller de Sarkozy, est admiratif : « Le coup de Macron est intelligent : il prend quelqu’un de droite, mais affirme un tournant social. » Virer quatre ministres représentant l’aile gauche du gouvernement et se la jouer social, il fallait oser.

juin 2020. Plan de relance post-Covid et François Patriat « pense que le gouvernement a fait un vrai virage social. Je ne vois pas ce que Mélenchon aurait fait de plus, à part imposer davantage. »

mai 2020. À propos du Ségur de la santé, « Emmanuel Macron veut en faire le tournant social de son quinquennat », lit-on sur Le quotidien du médecin. Dans un édito du Monde aussi, on assure que « c’est à la recherche du tournant social de son quinquennat qu’est parti Emmanuel Macron ».

mars 2020. Allocution d’Emmanuel Macron : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » Dans Le Point, le directeur Opinion et stratégie de l’Ifop Jérôme Fourquet évoque un « tournant social annoncé ».

juin 2019. Sur RTL, on s’interroge : « Un tournant social est-il possible ? » Édouard Philippe s’apprête à prononcer son discours de politique générale à l’Assemblée nationale et, toujours selon la radio, « tout le monde s’attend à un tournant social et éventuellement écologique ».

avril 2019. Deuxième vague d’annonces aux gilets jaunes et nouveau « tournant social », toujours dixit Alain Manu-mon-amour Duhamel : 6,5 milliards de baisse de l’impôt sur le revenu et de réindexation des petites retraites.

décembre 2018. Pour répondre aux gilets jaunes, Emmanuel Macron fait une allocution où il annonce une batterie de mesures : 10 milliards d’euros pour et par la prime d’activité, la défiscalisation des heures supplémentaire ou encore la CSG des retraités. Un « tournant social », un « virage social » s’enthousiasment en cœur Ruth Elkrief, Alain Duhamel et Bruno Jeudy, là où Le Point s’en désespère.

septembre 2018. Le « plan pauvreté » présenté par Emmanuel Macron est accueilli comme « le tournant social du quinquennat » par franceinfo, Les Échos ou encore par Laurent Joffrin de Libé, même si, de nouveau, le président dit qu’il ne faut pas le dire.

juillet 2018. Devant le Congrès réuni à Versailles : « "Si l’on veut partager le gâteau, la première condition est qu’il y ait un gâteau", a déclaré lundi le chef de l’État, dans un discours censé incarner le tournant social de son quinquennat », lit-on dans Le Point. Et aussi : « Emmanuel Macron entend faire de l’année 2019 le tournant social de son quinquennat, basé sur sa philosophie "d’émancipation" des individus ». Une année de tournant social, rien que ça.

juin 2018. Lors du 42e congrès de la Mutualité, à Montpellier, Emmanuel Macron a « précis[é] sa politique sociale alors que les critiques émergent sur le volet trop libéral de certaines mesures. Lors d’un discours au cordeau, le chef de l’ État n’a pas fait d’annonces surprises malgré le "grand tournant social" annoncé », lit-on sur France Inter. Tournant social annoncé, mais démenti aussitôt « parce que le social est déjà là ». Ouf !

Note aux lecteurs. Si jamais un virage social d’Emmanuel Macron nous a échappé, faites-nous signe à cette adresse : redaction@regards.fr

 

L.L.C.

Notes

[1Emmanuel Macron et Jean Castex n’ont fait connaître, lundi 6 juillet, que les noms des ministres et ministres délégués. Une deuxième salve de nominations des secrétaires d’État est attendu cette semaine.

[2Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement la moins médiatisée de l’histoire ? En remplaçant Benjamin Griveaux, nous avions observé ce renversement des invitations dans les médias dans notre « testostéromètre ». Les choses vont-elles à nouveau basculer en faveur de Gabriel Attal ? Réponse dans quelques mois.

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