Accueil | Par Loïc Le Clerc | 27 mai 2021

L’art délicat de la censure politique selon Gérald Darmanin

Quand il s’agit d’interdire un rassemblement politique, ou bien d’attaquer un adversaire, le ministre de l’Intérieur choisit toujours minutieusement ses cibles. Mais pour quelle cohérence ?

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Bon courage à celui ou celle qui envisagerait de théoriser le darmanisme. Le courant serait bien à droite, pour sûr, mais pour quelle cohérence politique ? Figurez-vous : une manifestation qui rassemblerait 35.000 personnes, un meeting en plein air et deux autres dans des lieux clos. Eh bien, face à ce choix cornélien, sous couvert de se préoccuper de la situation sanitaire du pays, le darmanisme opte pour interdire le second.

 

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Que, le 26 mai, la candidate aux élections régionales en Île-de-France Audrey Pulvar et sa coach Anne Hidalgo aient rempli une salle dans Paris ? Aucun problème.

Que, le 12 juin, le candidat d’extrême droite Jordan Bardella organise un meeting en intérieur ? Aucun souci.

Que les syndicats de policiers rameutent 35.000 personnes devant l’Assemblée nationale ? Aucune contre-indication. Il faut dire qu’il aurait été légèrement stupide que la préfecture interdise une manifestation à laquelle participaient le ministre de l’Intérieur et le préfet.

Mais il faut bien une exception à une règle. Ce sera pour Clémentine Autain. La tête de liste « Pouvoir vivre en Île-de-France » a publié un communiqué pour s’indigner de la sorte : « Malgré l’amélioration de la situation sanitaire dans notre pays et en dépit des difficultés à mener campagne avec les restrictions diverses liées à la pandémie, le ministre de l’Intérieur vient de publier un décret précisant les modalités de la campagne électorale : [...] le décret fixe désormais à 50 personnes la jauge autorisée concernant les rassemblements électoraux sur la voie publique après le 9 juin ».

De fait, le meeting prévu pour le 13 juin est rendu impossible. Mais n’allez pas dire aux autorités compétentes qu’il est « interdit » !

Le paradoxe est net : alors que les musées, les théâtres, les cinémas rouvrent, alors qu’il est possible d’organiser des réunions dans des lieux clos avec un maximum de 800 personnes, de 1000 personnes dans un stade, impossible de rassembler plus de 50 personnes en plein air.

Clémentine Autain a de suite annoncé qu’elle déposait un référé-liberté devant le tribunal administratif. Voici ce qu’elle disait à nos confrères du Monde : « Avant de faire imprimer les affiches, j’ai appelé la semaine dernière le préfet de Seine-Saint-Denis, et cela ne semblait pas poser problème. Mais il m’a rappelé hier, puis ce matin : mon meeting ne peut avoir lieu, par application d’un décret du 21 mai. ». Le sens du timing.

Combien de personnes aurait rassemblé le meeting en question, lequel devait se tenir sur la place Jean-Jaurès, à Montreuil ? Impossible à dire. Plusieurs centaines de personnes, mais certainement pas 35.000.

Cette affaire n’est pas sans rappeler les violentes attaques de l’exécutif à l’endroit d’Audrey Pulvar. Gérald Darmanin joue de sa double-casquette actuelle : ministre de l’Intérieur et candidat dans la région des Hauts-de-France. Pratique pour empoisonner la vie de ses adversaires politiques. Julien Bayou devrait rester sur ses gardes.

Quelle logique, quelle cohérence derrière tout cela ? Si vous avez la réponse, nous sommes preneurs. En attendant, il semble qu’il y ait un deux poids deux mesures évident. De la même façon que Gérald Darmanin a fait rayonner la France en en faisant le seul pays au monde à interdire une manifestation pour la Palestine – au prétexte de ne pas vouloir laisser s’exprimer un discours de haine –, il peut laisser tranquillement se dérouler un rassemblement hostile à l’encontre des institutions républicaines (en l’occurrence la représentation nationale et la justice).

Le seul point commun dans toutes ces décisions, c’est que l’extrême droite est ménagée. Et encore, le mot est faible ! Gérald Darmanin, visiblement nostalgique de la Manif pour tous, n’a-t-il pas participé à la même manifestation que Jordan Bardella et Éric Zemmour ? Mais c’est bien lui l’incarnation régalienne du rempart contre le séparatisme. On marche sur la tête !

 

Loïc Le Clerc

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