Accueil | Analyse par Pierre Jacquemain | 20 septembre 2021

L’effet Sandrine Rousseau

Quel impact sur la gauche aurait la désignation de Sandrine Rousseau à la primaire écologiste ?

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La qualification surprise de Sandrine Rousseau au second tour de la primaire des écologistes perturbe les partisans d’une « écologie de gouvernement » portée par Yannick Jadot. Elle pourrait aussi avoir des conséquences au-delà de la famille écologiste et à gauche, l’ensemble des cartes pourraient bien être rebattues.

 

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Jadot et Hidalgo, ton sur ton

Du côté d’Anne Hidalgo, on se réjouirait d’une victoire de Sandrine Rousseau. Si Yannick Jadot devait être choisi, il risquerait de marcher sur ses plates-bandes et d’empêcher toute dynamique de part et d’autre. La proximité idéologique d’un Jadot avec la maire de Paris estomperait les distinctions. En revanche, une victoire de l’eurodéputé pourrait faire les affaires d’un Jean-Luc Mélenchon qui renverrait le couple Jadot-Hidalgo dans le camp des ventres mous de la social-démocratie, voire du social-libéralisme. Et Mélenchon espère toujours rallier Sandrine Rousseau en cas de victoire de Jadot.

« Ma qualification n’est une surprise que pour ceux qui n’ont pas vu ou pas voulu voir les évolutions de la société », a déclaré hier soir l’éco-féministe à l’issu des votes. Les catastrophes climatiques, le creusement des inégalités et l’urgence démocratique plaident, selon elle, pour une autre politique que celle « des petits pas » et assume une écologie radicale. « Le réalisme, c’est d’être radical », répète-t-elle. Un discours déjà bien rôdé par Jean-Luc Mélenchon qui, après une profonde mutation intellectuelle et politique, apparait comme l’un des candidats les plus crédibles sur la question écologique.

Ces deux-là, Rousseau et Mélenchon, se connaissent bien. Ils se sont affichés ensemble à plusieurs reprises lors de mobilisations sociales. Ils s’apprécient et partagent une vision de l’écologie politique qu’ils ne distinguent jamais de la question sociale. Ils sont sur le même segment politique et l’élection de Rousseau pourrait fragiliser la candidature de l’insoumis. D’autant que Rousseau a pour elle d’être une femme, nouveau visage de la politique et qui a réussi à porter un discours aussi innovant que globalisant sur ceux qu’elle appelle les « humiliés » (écologie, féminisme, antiracisme) et contre les systèmes de domination.

Le PS ringardisé ?

De son côté, le Parti socialiste a choisi de cliver sur le thème de la république. Il entend se « crédibiliser » et ne « rien céder sur les valeurs républicaines ». Ainsi, à l’occasion du Congrès du PS à Villeurbanne, Olivier Faure – qui vient d’être reconduit à la tête de son parti –, a prononcé un discours très ferme sur la République, ses valeurs et la laïcité. La question sociale y a été évoquée quand la question écologique a tout juste été effleurée. L’un des rares moments où Faure réussit à faire lever la salle, c’est sur l’obédience républicaine. Une orientation visiblement très partagée.

Dans son livre Une femme française, Anne Hidalgo, a ainsi dénommé ses chapitres : « nos promesses républicaines », « la République quoi qu’il en coûte », « quand la République doute », « pour une République écologique », « pour faire respirer la République ». Un discours très Jadot-compatible quand, au PS, on juge une Rousseau peu fréquentable parce que trop « islamogauchiste » (sic) ou « pas assez claire sur les questions de République », comme dirait Anne Hidalgo. L’étonnant résultat de Sandrine Rousseau peut instiller un doute.

L’accord des législatives 2022 percuté

Le PS n’est-il pas en train de passer à côté de la modernité ? Déjà la maire de Paris avait dû en rabattre face à une nouvelle génération d’élus écologistes en pointe contre deux de ses adjoints mis en cause dans des affaires d’abus et de harcèlement sexuel. Cette séquence avait ouvert une brèche entre les partenaires et mis en évidence un déphasage de la maire face aux attentes de la société.

Une victoire de Sandrine Rousseau pourrait également avoir pour effet de semer la discorde au sein d’EELV. Selon nos informations, sa direction est engagée dans des discussions sur les élections législatives de juin 2022 avec le PS et le PCF. Un accord sur les grandes lignes serait même d’ores et déjà validé par chacune des parties et qui comprendrait une répartition des circonscriptions entre les trois formations politiques (dont LFI serait exclu).

Ces tractations ne sont pas du goût de Sandrine Rousseau qui ne cache pas ses intentions de reprendre tout à zéro et de mettre fin à des pratiques qu’elle considère révolues. Une victoire de Rousseau pourrait donc provoquer un petit séisme au sein de la gauche. Avec en fin de parcours, si elle devait l’emporter, une réévaluation des stratégies électorales.

 

Pierre Jacquemain

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