Aucune révélation fracassante mais une multitudes de faits qui, additionnés les uns aux autres et à l’avant-veille du premier tour, livrent deux informations politiques dignes d’intérêt : jamais une élection présidentielle française n’avait été à ce point concernée par « la question des conflits d’intérêt » ; et cette « question » est tout particulièrement prégnante chez les candidats du centre, de la droite et de l’extrême-droite.
L’Organisation non gouvernementale Sum Of Us, installée dans onze pays et qui s’active pour « limiter le pouvoir grandissant des entreprises à travers le monde », a rendu public ce jeudi 20 avril une enquête intitulée « 2017, la présidentielle des conflits d’intérêt ».
Un rapport de 31 pages, réalisé par la journaliste Warda Mohamed, qui propose de revenir « sur les liens entre les principaux candidats à l’élection présidentielle française, leur équipe de campagne, et des entreprises françaises et étrangères ». Faute de temps, de moyen et convaincu que l’élection se jouera entre ces cinq candidats, Sum Of Us s’est focalisée sur les cas de Benoît Hamon, Emmanuel Macron, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.
Depuis 2013, la loi relative à la transparence de la vie publique désigne les conflits d’intérêts comme « des situations dans lesquelles une personne chargée de défendre un intérêt particulier ou général est en position — ou peut être soupçonnée d’être en position — d’abuser de sa fonction pour défendre un autre intérêt. ». Le rapport en recense 52, potentiels ou avérés, très inégalement répartis : Emmanuel Macron, François Fillon et, dans un registre plus opaque, Marine Le Pen, apparaissent en effet, et d’assez loin, les plus concernés.
Macron, Fillon, Le Pen, tiercé gagnant
Pour le candidat d’En marche ! (« qui a gagné plus de 2,8 millions chez Rothschild entre 2009 et 2012 », rappelle le rapport) et son entourage, ses liens étroits avec le monde la finance sont mis en exergue, tout comme la pratique récurrente du « pantouflage » (quand les responsables politiques passent de l’action publique à des postes importants dans le privé). Proche de dirigeants tels que Xavier Niel (free) ou Alexandre Bompard (Fnac Darty), l’ancien « bébé Hollande », banquier d’affaire puis ministre de l’économie, est entouré d’hommes ayant fait fructifier leurs affaires dans le privé.
Dans le cas de François Fillon, ce sont les clients de sa société 2F conseil qui posent questions : le groupe Axa, dont Henri de Castries, le Pdg jusqu’en 2016, parfois « cité comme possible ministre de l’Economie et des Finances en cas de victoire du candidat de la droite ». Ou Fimalac de Marc Ladreit de Lacharrière également propriétaire de la Revue des deux mondes désormais connue pour avoir très grassement rétribué les piges de Pénélope Fillon. Un milliardaire libanais, une banque d’affaire privée ou encore Vladimir Poutine apparaissent également dans les affaires de 2F Conseil.
Marine le Pen, elle, « visée par une enquête pour « financement illégal », se trouve au cœur d’un réseau auquel s’intéresse la justice ». Un « réseau » où l’on retrouve David Rachline, le jeune maire FN de Fréjus et sa société de conseil ou le très sulfureux Frédéric Chatillon, ex-gudard, propriétaire de – ou impliqué dans - plusieurs sociétés, notamment Riwal, « principal prestataire de Jeanne, le micro-parti du FN ». Chatillon est considéré par la Justice « comme le personnage central du système organisé par le FN depuis 2011 pour ses campagnes électorales ».
Pour une "mobilisation collective" contre les conflits d’intérêt
Face à ces trois cadors, Hamon et Mélenchon font, il faut bien l’avouer, pâle figure. Pour le candidat du PS, quelques personnes de son entourage, notamment Arnaud Montebourg, avec Mathieu Pigasse et la banque Lazard, et Kader Arif, « poursuivi en 2014 après que des membres de sa famille ont été soupçonnés d’avoir été avantagés dans l’obtention de marchés publics » présentent quelques potentialités de conflit d’intérêt. Pour Jean-luc Mélenchon, ce sont ses liens de « sympathie » avec l’industriel, sénateur LR et patron de presse Serge Dassault qui sont soulignés par le rapport. Qui ajoute que « l’enquête n’a pas permis d’établir des cas de conflits d’intérêts - potentiels ou avérés -au sein de son équipe de campagne ».
Au terme de cette étude synthétique, Sum Of Us adresse 4 recommandations : mettre un terme à la « misère cachée » de la lutte anticorruption ; lutter contre le « pantouflage », faire « sauter » le verrou de Bercy et mettre le Conseil constitutionnel à distance de toute influence des lobbies.
« Ce sont des axes qui se sont dessinés au fil de l’enquête », explique Nabil Berbour, chargé de campagne senior pour Sum Of Us, une ONG totalement indépendante des formations politiques. « On constate nous aussi que dans cette campagne, les candidats de gauche sont bien moins concernés que les autres par les conflits d’intérêts mais au-delà de ça, on reste convaincu qu’il faudra construire une mobilisation collective, un mouvement citoyen, pour avancer sur ce sujet ». À cette fin, le rapport à été transmis à plus de 500.000 personnes, membres de l’association, en France, ce jeudi, assure-t-il. A trois jours du premier tour, nul doute que la lecture en sera instructive.
Vous semblez oublier le PoutouGate.
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