Il y a le en même temps d’Emmanuel Macron. Il y a désormais le en même temps de Fabien Roussel. Le secrétaire national du PCF avance prudemment ses arguments en vue de la présidentielle 2022 : faire cavalier seul ou bien appuyer une candidature commune, telle est la décision qui n’a pas encore été officiellement prise place du Colonel Fabien. Dans une interview de dimanche dernier pour Dimanche en politique sur France 3, Fabien Roussel y a rappelé la ligne qui est celle du Parti depuis les années 1980 : le PCF s’adresse « au monde du travail » et, pour que la gauche ne trahisse pas, surtout lorsqu’elle est au pouvoir, il faut que le parti soit fort.
Nouvelle donne politique à gauche
Depuis 2017 et la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon – que les communistes ont soutenu comme en 2012 –, la donne a changé. Le PS n’est plus la force centrale de la gauche. Les insoumis et les écologistes se disputent le podium à chaque élection. Dès lors, la volonté de rééquilibrage de la gauche par la gauche grâce à un vote PCF apparaît un tantinet caduque. D’autant que la donne a également changé de l’autre côté de l’échiquier politique avec la présence, au plus haut niveau, du Rassemblement national. Ainsi l’hypothèse d’une candidature communiste en 2022 qui ferait un bon score pourrait empêcher la gauche d’accéder au second tour et laisser à nouveau le champ libre à Marine Le Pen.
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Mais c’est l’histoire du serpent qui se mord la queue parce qu’une candidature communiste à la présidentielle redonnerait un peu de surface médiatique au PCF – à l’instar de la campagne de Ian Brossat aux élections européennes malgré son faible résultat. Parce que derrière la présidentielle, la bataille des législatives sera féroce. Et là, les communistes en sont persuadés : une campagne présidentielle, c’est la garantie de faire de meilleurs scores aux législatives. C’est d’ailleurs sur cette base, entre autres, que la motion de Fabien Roussel l’avait emportée en 2018 face à celle du sortant Pierre Laurent : l’identité du Parti communiste devait être réaffirmée pour assurer la continuité de son existence, voire pour lui permettre de reprendre la place qu’il a eue dans le concert tonitruant des mouvements politiques français.
Les communistes franciliens pour l’union avec les insoumis pour les régionales
D’un scrutin à l’autre, la stratégie du PCF pourrait aussi varier. Dans la perspective des élections régionales, la dynamique autonomiste que l’on pouvait voir se dessiner au niveau de la direction du PCF semble inversée au niveau local. En Ile-de-France, les délégués départementaux étaient invités à déterminer avec qui ils souhaitaient partir pour le scrutin de juin. Le résultat a été sans appel : près de 70% ont jugé l’option insoumise « en plus grande proximité politique avec [leur] démarche antilibérale ». À noter que seuls neuf délégués départementaux voulaient une alliance avec la liste d’Audrey Pulvar et que ceux-ci sont tous Parisiens. C’est un revers politique pour les deux leaders parisiens que sont Ian Brossat, l’adjoint au logement de la maire de Paris et porte-parole du PCF, et Igor Zamichei, le patron de la fédération communiste de la capitale puisque cela veut dire qu’ils n’ont pas réussi à convaincre du bien-fondé d’une alliance avec le PS au-delà du périphérique. Même constat dans le Val-de-Marne qui regroupe six des huit délégués franciliens qui souhaitaient une candidature autonome.
Île-de-France 2021 : comme un air de 2022
En matière de préfiguration de la présidentielle 2022, on a vu mieux pour affirmer l’autonomie du Parti communiste. D’autant qu’à de multiples niveaux, la région Île-de-France ressemble à s’y méprendre à un ballon d’essai, sorte de préfiguration pour la suite, puisque chacun va y tester ses hypothèses : Valérie Pécresse, la présidente sortante, veut vérifier qu’elle peut bien incarner la droite, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, va pouvoir tester le potentiel d’attraction à droite de La République en Marche, Audrey Pulvar sera l’émissaire d’Anne Hidalgo qui prépare sa candidature présidentielle, les Verts tentent l’aventure autonome avec leur secrétaire national Julien Bayou et la députée insoumise Clémentine Autain veut incarner un rassemblement à gauche.
C’est avec la plus grande des prudences que le PCF va donc avancer ses pions, pris en tenailles entre ses promesses d’identité et d’autonomie et les volontés d’une partie de ses militants d’union des gauches. Un exercice d’équilibriste dangereux même si Fabien Roussel prend le soin de ne fâcher personne. Il ne faut pas insulter l’avenir. Et d’ici là, ce sera étape par étape, avec le pragmatisme électoral que l’on connait au PCF. Parce que s’il veut vivre, le PCF a besoin d’élus.
Fabien – le colonel, pas Roussel – avait pour devise ‘vaincre et vivre’. Le PCF lui, domicilié sous ce nom, veut vivre et ne pas mourir. A tout prix. C’est son seul but, afin de préserver la carrière des apparatchiks qui lui restent. Ce sont des professionnels, associés sous un label commercial, qui vendent de la denrée sur le marché électoral et n’en attendent rien d’autre qu’une rente de situation.
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