Maj. 19/11/2018 : résultats du 1er tour de cette législative partielle [1]
Depuis que Manuel Valls est parti défendre la couronne d’Espagne – au nom de la laïcité ? – son siège de député français est vacant. Pour remédier à cela, les 18 et 25 novembre se tiendront dans la 1ère circonscription de l’Essonne une législative partielle. Rien de bien alléchant ? Détrompez-vous !
Au printemps 2017, ils étaient 22 candidats à s’affronter. Pour cette partielle, c’est moitié moins. Exit Manuel Valls, certes, mais aussi Dieudonné ou Francis Lalanne.
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Sur la ligne de départ, ils sont donc onze, parmi lesquels on trouve principalement Michel Nouaille (PCF/Génération.s), Eva Sas (EELV/PS), Jean-François Bayle (LR, adjoint à Corbeil-Essonnes) et Grégory Saillol (RN). Les deux favoris sont Farida Amrani pour La France insoumise (LFI) et Francis Chouat pour… lui-même ? Ses copains de droite ?
Record de France de tambouille électorale ?
Il faudrait bien plus qu’un article pour expliquer la candidature du maire d’Evry. Politiquement d’abord, Francis Chouat est un ancien communiste, converti au socialisme, avant de suivre Manuel Valls comme son ombre toujours plus à droite.
Aujourd’hui candidat sans étiquette, Francis Chouat est indirectement soutenu par LREM – qui ne lui oppose aucun candidat – mais aussi et surtout par les cinq maires de droite de la circo, dont celui de Corbeil-Essonnes, le LR Jean-Pierre Bechter (qui, vous l’aurez noté, ne soutient donc pas son propre adjoint !).
Contacté par Regards, Mikaël Matingou, candidat sans étiquette, ex-PS et qui est aussi l’ancien directeur de cabinet du maire d’Evry, se dit « gêné » par la candidature de Francis Chouat. Il développe :
« Francis Chouat étale au grand jour une alliance entre un individu qui était de gauche et tous les maires de droite. Il joue sur la confusion mais n’assume pas d’être vu comme le candidat de la droite. »
Mais là où la candidature Chouat est intéressante, c’est sur l’échelle de la tambouille. Des « petits arrangements entre amis », comme le déplore Mikaël Matingou, qui tiennent du génie !
Francis Chouat est maire d’Evry et président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud. En 2020, Evry et Courcouronnes vont fusionner. S’il est élu député, il laisse donc deux sièges vacants. Et voici le deal qui se dessine : en échange de sa victoire, Francis Chouat "offrirait" la super-mairie à Stéphane Beaudet (ex-LR, maire de Courcouronnes, vice-président à la région et à l’agglomération) et la présidence du Grand Paris Sud à Jean-Pierre Bechter, voire à son actuel vice-président Michel Bisson (PS) ?
Car au PS aussi, on aime bien la tambouille. Les socialistes se sont donc rangés derrière la candidate EELV Eva Sas. Il ne faudrait pas non plus attaquer frontalement Francis Chouat… ni même aller soutenir le seul candidat réellement socialiste Mikaël Matingou ! Moralité : le maire d’Evry aura réussi à neutraliser le PS et LREM en une élection. Si seulement le mérite ne revenait pas à Manuel Valls…
Elle n’est pas belle la démocratie ?
À gauche, round de chauffe avant les européennes
De la tambouille des droites à la compétition des gauches. Outre le NPA et LO, on retrouve face à Farida Amrani deux candidatures de gauche : les alliances EELV/PS et PCF/Génération.s.
En juin 2017, EELV avait soutenu le candidat PCF – ce dernier avait obtenu 7,6% des voix et espère à présent profiter de la « déception Mélenchon », assure-t-il au Parisien. Le PS, embarrassé par l’ovni politique qu’est devenu Manuel Valls, s’était abstenu de toute position officielle. Désormais, les socialistes soutiennent EELV. Un renvoi d’ascenseur pour la départementale partielle dans le canton de Corbeil-Essonnes en juillet dernier, où les écolos étaient alignés derrière le parti à la rose.
Vous suivez ?
De son côté, le candidat communiste est maintenant appuyé par Génération.s. Un jeu de chaises musicales qui n’a pas de réel intérêt électoral, car leurs chances de l’emporter sont quasi nulles. Autour d’un café, Farida Amrani précise à Regards qu’elle est « la seule à avoir gardé le même logo et une ligne claire ».
À quoi bon, alors, présenter des candidats ? Au risque de faire perdre Farida Amrani ? Cette dernière nous explique avoir rencontré les différents partis de gauche pour leur évoquer sa « légitimité ». Mais non. Chacun prêche pour sa paroisse. Farida Amrani y voit un conflit national, une sorte de round de chauffe avant les européennes. Il n’en fallait pas plus pour agacer le directeur des campagnes de LFI Manuel Bompard, qui tweetait le 26 octobre dernier :
Pour les législatives partielles d'Evry, le #PCF et #Generations qui ne cessent pourtant d'appeler à l'unité divisent en ajoutant des candidatures face à @Farida_Amrani_. Les masques tombent.
— Manuel Bompard (@mbompard) 26 octobre 2018
Contacté par Regards, l’eurodéputé Génération.s Guillaume Balas renvoie la balle :
« Il faudrait pouvoir discuter avec LFI pour qu’elle montre qu’elle est en capacité de comprendre que la gauche est plurielle et pas simplement venir en disant "nous, on a notre stratégie, on a tout réglé, vous avez le droit de nous soutenir". C’est une conception de la politique assez particulière. »
Un retard à l’allumage qui n’empêchera aucunement les écolo-générationistes à appeler à voter contre Francis Chouat au deuxième tour. Pas dit que le PS aille dans ce même sens.
Une élection à plusieurs inconnues
Comme toute élection partielle, c’est l’abstention qui fait trembler les candidats, laquelle était déjà très élevée lors de la législative de 2017 : 63% au deuxième tour.
Pour Francis Chouat, moins d’électeurs il y aura, plus ses chances de l’emporter seront grandes. Farida Amrani constate d’ailleurs plusieurs anomalies, comme le fait que les gendarmes n’aient pas reçu les autorisations pour les procurations.
De fait, le réservoir de voix de Francis Chouat n’est plus à gauche, la « trahison » de Manuel Valls, pour reprendre le terme de Farida Amrani, ayant fait du mal. Et si les élus de droite le soutiennent, pas sûr que les électeurs de droite fassent de même. L’important étant pour Francis Chouat d’être au second tour pour appeler au "barrage républicain" contre LFI.
L’absence de Manuel Valls, aussi, est une donnée difficile à mesurer. Le personnage était clivant. Ses électeurs votaient pour lui avec conviction – et ils sont orphelins –, ses détracteurs votaient contre lui avec la même force – et ils ont perdu leur meilleur ennemi. Qui payera le plus son départ ? Farida Amrani espère que les électeurs ne seront pas dupes :
« Sur le pouvoir d’achat, par exemple, les gens ont une grosse colère contre Macron. Alors on répond : "Si vous envoyez Francis Chouat à l’Assemblée, à votre avis, dans quel groupe va-t-il siéger ?" On peut ne pas avoir les mêmes idées politiques. Le seul bulletin pour dire "non" à la politique d’Emmanuel Macron, c’est le nôtre. Francis Chouat n’est que la copie de Manuel Valls. Et encore, Valls avait une aura, pour certains. On refait le match du second tour. Sauf que cette fois, on revient au politique. »
Réponse dimanche soir.
Bonne chance à la liste Amrani !
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