Ces jours-ci, les parlementaires débattent, si l’on peut dire, du projet de loi ELAN (Evolution du logement et aménagement numérique). Une nouvelle réforme où la majorité LREM entend bien imposer sa vision du monde si particulière, malgré les appels à la raison de l’opposition.
Vendredi 1er juin, l’Assemblée nationale a voté le passage de 100 à 10% de logements accessibles aux personnes handicapées dans les constructions neuves. Les 90% restants seront « évolutifs », peut-on lire dans le projet de loi ELAN.
Trois jours plus tard, lundi 4 juin, le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, osait affirmer sur franceinfo :
« Il y a une confusion sur le mot "accessibilité". On devrait utiliser le mot "adaptable". […] Tous les logements qui seront construits en application de cette loi seront accessibles à des personnes en situation de handicap qui viendraient dans l’appartement, au salon, aux toilettes. »
LREM n’a (au)qu’une parole
Faut-il rappeler qu’en juin 2017, le handicap avait été élevé au rang de "priorité du quinquennat" ? Au-delà de la novlangue macroniste – qui est si subtile qu’il suffit presque toujours de comprendre l’inverse de ce qui est dit pour être dans le vrai – ce projet de loi illustre à nouveau ce que le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, appelle les « droits de l’homme pauvre » : les droits fondamentaux ne sont pas pour tout le monde.
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Comme pour le projet de loi Alimentation et agriculture, le bon sens est mort au profit d’un lobbying qui ne dit pas son nom. Car le raisonnement est élémentaire : moins de contraintes de normes handicapés = plus de constructions. Mais comme le rappelle Marianne : « Le quota de logements accessibles, par définition, ne s’applique qu’aux habitations neuves, qui représentent... 1% du parc immobilier français ».
Les HLM, c’est pour les losers
Mais la future loi ELAN ne se contente pas de s’en prendre aux handicapés. Désormais, les organismes de HLM vont pouvoir vendre tous leurs logements, même ceux de Neuilly-sur-Seine où il n’y a déjà pas beaucoup de logements sociaux. Et ne penser pas que ce sont les locataires HLM qui vont en devenir propriétaires (c’est l’argument de la majorité), car, comme l’écrit Libération : « Un amendement porté notamment par la corapporteure du texte, Christelle Dubos, députée LREM de Gironde, va permettre à des fonds d’investissement ou des fonds de pension d’acheter en "nue propriété" des immeubles HLM entiers ».
Le gouvernement espère ainsi vendre 40.000 logements sociaux par an. De plus, l’exécutif entend regrouper les quelque 800 organismes HLM, histoire, là encore, de faire des économies. Les conditions d’attribution des logements sociaux pourraient aussi être révisées.
Pour le député LFI Eric Coquerel, avec cette loi ELAN, la majorité va « change[r] la nature des bailleurs sociaux : vous les obligez à avoir comme optique la question de la rentabilité. Plus que jamais, vous êtes le gouvernement des très riches. »
"Vous changez la nature des bailleurs sociaux : vous les obligez à avoir comme optique la question de la rentabilité. Plus que jamais, vous êtes le gouvernement des très riches" - Mon intervention en séance de l'Assemblée sur le Projet de loi #Elan pic.twitter.com/q0afMUJtdB
— Eric Coquerel (@ericcoquerel) 3 juin 2018
Un dernier coup sur les étudiants pour la route
Ils appellent ça le « bail mobilité ». Concrètement, il s’agit d’un nouveau contrat de location d’une durée de un à dix mois à destination des étudiants et des jeunes en contrat d’apprentissage, en formation professionnelle ou en stage. Problème : à la fin de ces dix mois, le bail n’est pas reconductible, donc ciao amigo !
Mais comme de toute façon, ces mêmes jeunes sont toujours dans l’attente de voir le couperet de Parcoursup leur tomber sur la nuque, le logement, ça n’est pas encore une question à l’ordre du jour.
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