Depuis le 5 décembre, la société est toute entière mobilisée contre la réforme des retraites. Avant déjà, cela faisait des semaines que le monde de l’éducation était vent debout, des mois que les urgences étaient en grève. Ça craque de partout, comme le tweete en série le compte de La France insoumise. Qui n’est pas opposé à cette réforme ? Le patronat. Laurent Berger. Qui d’autre, sincèrement ? Dans ce combat – un des plus importants depuis looongtemps – le secrétaire général de la CGT est en première ligne. Philippe Martinez incarne l’opposition, la rue qui gronde, quand son homologue de la CFDT endosse le costume d’idiot utile du gouvernement.
LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>> Retraites : un syndicaliste ne devrait pas dire cela
Et la gauche politique dans tout ça ? Le 8 décembre, au micro de France Inter, Philippe Martinez l’interpelle : « À chaque fois qu’il y a un mouvement social, il faut que le politique joue son rôle, qu’il y ait un relais. Ça s’appelle un projet politique. Et ça, ce n’est plus de notre ressort […] Qu’ils se mettent d’accord, ou en tous cas, qu’ils fassent des propositions. C’est leur responsabilité de transformer en projet politique des revendications sociales ! »
Cette responsabilité, personne ne la prend. Bien sûr, tous sont sur le pied de grève, tous appellent à manifester, à bloquer, à organiser des meetings (communs ou pas), à s’opposer à Emmanuel Macron. Les écolos, les socialistes, les insoumis, les communistes, Génération.s, le NPA, LO, etc., etc. Mais, en vérité, la société ne les a pas attendu. Comme avec les gilets jaunes, la gauche politique souffre d’un train de retard sur la mobilisation contre la réforme des retraites.
Une idée la gauche ?
Sur Mediapart, trois questions sans réponse : « Qui pour prendre le relais politique ? Qui pour incarner l’opposition à Macron ? Comment faire pour échapper à un mauvais remake de 2017 et s’éviter, en 2022, d’avoir à choisir entre le libéralisme macroniste et l’extrême droite ? » Si jamais vous avez une ou plusieurs réponses, nous sommes preneurs…
Cette absence de politique, au sens noble du terme, démontre la faiblesse des partis et des représentants à répondre aux aspirations populaires. À l’heure de la plus importante grève depuis Mai-68 ! Combien de fois a-t-on entendu syndicalistes et manifestants leur lancer : « À vous maintenant ! Unissez-vous et faîtes votre job ! » ? Mais personne ne prend le relais. C’est l’inverse d’une récupération politique, c’est un abandon.
Le 11 décembre, au meeting des gauches à Saint-Denis, Olivier Besancenot ironisait : « Je tiens à remercier Édouard Philippe du fond du cœur, il a réussi à réunir tout le monde ». Pourtant, au-delà de l’ironie, cette phrase sonne tristement vraie. Toute la gauche est « contre Macron et son monde » certes, mais pour quoi ? Au moment où la gauche doit proposer un contre-projet de réforme des retraites (parce que ça n’était pas encore pensé ?), elle n’arrive même pas à s’unir. Alors, imaginez quand cette même gauche va devoir proposer un contre-projet de société… Partout dans le monde, le néolibéralisme est contesté par les peuples. En France aussi. 61% des Français rejettent encore la réforme des retraites. 69% estiment qu’Emmanuel Macron ne sera pas réélu en 2022. Mais pour le moment, au jeu du ressentiment, seul le néofascisme est en mesure de prendre le pouvoir.
Pendant ce temps-là, Marine Le Pen déroule
À l’approche de la présidentielle de 2017, la présence de Marine Le Pen au second tour ne faisait aucun doute pour personne – a contrario de son opposant assuré qui fut tantôt Alain Juppé, tantôt François Fillon… Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, rebelote : il ne fait aucun doute qu’en 2022, Marine Le Pen sera au second tour, et même qu’elle y sera face à Emmanuel Macron. Un mauvais remake. Un grand danger. Mais surtout une prédiction au doigt mouillé. Comme l’a dit Elsa Faucillon dans #LaMidinale de Regards : « 2022 se prépare maintenant : il faut mettre une claque à Macron et Le Pen ».
Mais pour mettre cette claque, il faut une main. JLM 2022 ? Son image est plus qu’écornée depuis ses 19% de 2017. Fabien Roussel ? Vous n’y pensez pas… Yannick Jadot ? Oui, si on veut faire gagner un candidat qui trouve sympa l’alliance écologistes-conservateurs en Autriche. Ségolène Royal, Bernard Cazeneuve, Raphaël Glucksmann ? Le fait est qu’en ce début d’année 2020, la gauche n’a pas de tête. La gauche de gauche encore moins.
Et pendant ce temps-là disions-nous, elle déroule. Marine Le Pen continue sa vie politique comme elle l’a toujours fait, sereinement. Ne pas trop parler, ne pas trop s’exposer. Les événements du pays jouent pour elle. Le vent souffle dans sa direction. Président après président, gouvernement après gouvernement, sa vision politique s’installe. Ça n’est plus de la dédiabolisation, c’est du mimétisme.
Imaginez sa sérénité : à quelques jours des municipales, la présidente du RN annonce sa candidature à la présidentielle ! Les autres ne feront que suivre.
La stratégie a remplacé la pensée
Qui pense à gauche ? La question peut paraître abstraite, mais elle se pose lourdement, et depuis un moment. À La France insoumise, Charlotte Girard et François Cocq ont quitté le navire. Qui a pris la relève de la pensée ? En off, un cadre de LFI nous répond : « Apparemment pas grand monde vu que depuis des mois LFI se contente de recycler de vieilles idées, qui plus est à contre-temps. Il est en tous cas clair que ce n’est plus une boite à idées. » Au PCF, qui pense ? Christian Piquet ? De quoi entamer sereinement la conversion écolo du PCF… ou pas. À EELV, qui pense ? Jérôme Gleizes ? Les écolos jouent plus aux boutiquiers qu’aux philosophes. On dirait des communistes !
Il fut un temps où LFI affichait une ambition en matière de pensée : son programme, avant tout, mais aussi un « laboratoire d’idées », une « école de formation », entre autres. Sauf que sans les Girard, Cocq et autre Guénolé, les coquilles finissent vite vides. Même Jean-Luc Mélenchon semble incapable de penser. Au Monde, Manuel Bompard explique qu’il « faut montrer qu’il y a d’autres politiques possibles ». Sauf qu’il ne s’agit pas de se contenter de marteler « retraite à 60 ans après 40 annuités », comme si ce mot d’ordre allait provoquer un nouveau 1917. Il faut retrouver du corps, du contenu et de la radicalité. Et ce pour réinvestir le champ politique, car celui du syndicalisme n’en a pas besoin. La gauche se doit d’offrir aux Français un idéal de société, un horizon. Pas un tract jetable.
Et l’échéance immédiate des élections municipales n’arrange rien. C’est le festival de la tambouille. Un grand écart olympique entre les lignes politiques nationales et les alliances locales, empreintes de toutes les réalités militantes. Si la stratégie a remplacé la pensée, ça n’est même pas une stratégie fine, claire et cohérente qui a pris le pas. Au football, on dit qu’à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne. En politique, on ne sait pas qui gagne, on sait qui perd à la fin.
« Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas, Monsieur
On ne pense pas, on prie
[...]
On n’cause pas, Monsieur
On n’cause pas, on compte »Ces gens-là, Jacques Brel
Désolé.
Ils ne sont pas d’accord, c’est un fait.
Par contre, écrire qu’il n’y a pas de réflexion en cours dans les partis, c’est pure paresse. Il faut aller chercher l’info, quand on ne l’a pas.
J’aime beaucoup Regards, que je lis depuis les années 70, dont je suis les différents noms (la NC, puis Revolution, enfin Regards).
Cet article, extrêmement partial, ne correspond pas du tout à l’esprit de Regards, et à la réalité observable !
J’en profite pour signaler qu’une publication papier semestrielle, comme celle que je viens de recevoir, me fait réfléchir (on y revient). Ce rythme ne me convient pas. Pourquoi pas annuelle ?
Le numérique,... je le lis moins, et il est certes intéressant mais un peu... léger.
Politis, Regards, Mediapart, l’Huma, l’Huma Dimanche, et les autres. La presse aussi réfléchit (souvent), à gauche. Alors, continuez.
Répondre