La télévision est friande de ce qu’elle nomme un « moment de vérité ». Dimanche 17 novembre, l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy nous en a offert un superbe, sur le plateau de franceinfo. Il y est question de la proposition de loi « tendant à assurer le respect des valeurs de la République face aux menaces communautaristes » déposée par le sénateur LR Bruno Retailleau qui veut interdire les listes communautaires aux élections, ou plus précisément « une interdiction de tout élément, direct ou indirect, relevant de discours contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité et qui soutiennent les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse ».
Voici l’échange :
Ali Baddou : « Est-ce qu’il faudrait interdire les listes indépendantistes, en Corse ? »
François-Xavier Bellamy : « On ne peut pas tout confondre, ça n’est pas le même sujet. »
Ali Baddou : « Qu’est-ce qui atteint à la souveraineté nationale davantage que ceux qui souhaitent l’indépendance ? »
François-Xavier Bellamy : « Dans l’indépendantisme, il y a une idée politique – que je ne partage absolument pas – qui me paraît contraire à l’unité de la République, mais qui est exprimée par des gens qui pensent que leur région ne fait pas partie de la Nation française. Ça n’a rien à voir avec le fait que des gens qui se reconnaissent comme des citoyens français veulent que la France évolue dans le sens de leur communauté religieuse. »
Ali Baddou : « Les royalistes par exemple, ils doivent se présenter ou pas ? Par définition, ils sont anti-républicains. »
François-Xavier Bellamy : « Vous êtes sérieux ? Vous croyez que la République aujourd’hui est menacée par les royalistes ? »
Ali Baddou : « Dans ce cas-là, soyez clair. Dites "listes musulmanes" au lieu de dire "listes communautaires". »
François-Xavier Bellamy : « Une liste musulmane qui se présente à une élection pour dire que son programme, c’est l’islam, me paraît être contraire à ce que devrait être la politique dans la République. Regardons la réalité en face, aujourd’hui, ce ne sont pas des listes royalistes qui menacent la République. »
[...]
Ali Baddou : « Donc ça n’est pas une question de principes. »
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François-Xavier Bellamy n’est pas un imbécile. Il est la mauvaise (la bonne ?) conscience de la droite dite républicaine. Son problème, c’est d’être radical intellectuellement, sans être outrancier dans la forme. Il sait ce qu’il dit. Le message est donc on-ne-peut-plus-clair : sur le principe, il n’est pas favorable à l’interdiction des listes communautaristes, à moins que celles-ci ne soient « musulmanes ». Le problème n’est pas le « communautarisme » mais le « danger » qui plane sur la République. Et puis surtout, il ne faudrait pas se mettre à dos ses amis. Rappelons ici les mots de Bruno Retailleau, il y a un peu plus d’un an : « Je souhaite créer un projet à la rencontre de toutes les droites françaises – orléaniste, légitimiste et bonapartiste – pour arriver à les rassembler ».
Grand remplacement électoral
Pourquoi est-ce qu’on parle de tout ça, vous demandez-vous ? La faute à Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France. Ça lui est venu d’un coup : tiens, et si on demandait à Emmanuel Macron d’interdire à la liste de l’Union des Démocrates Musulmans de France (UDMF) de se présenter à des élections !? Évidemment, on ne dit pas les choses comme ça. Mais ça devient difficile à la droite de ne pas viser explicitement les musulmans dans chacune de leurs idées politiques (coucou Valérie Boyer).
Pourquoi Xavier Bertrand ? Parce que dans sa région, l’UDMF a obtenu des scores à deux chiffres aux dernières européennes. Par exemple : 40% à Maubeuge. Impressionnant ! C’est le grand remplacement électoral ! Enfin, dans un bureau de vote de Maubeuge, où ces 40% correspondent à… 70 bulletins. C’est ça qui est pratique avec les pourcentages. En réalité, l’UDMF n’est pas un danger, pas même une préoccupation électorale (ils ont fait 0,13% aux européennes).
Comme nous l’a dit ici même Bernard Godard, les démocrates musulmans « ont une fascination pour la démocratie chrétienne ». On ne parle-là donc pas d’identité, pas de religion, mais de pré carré électoral. Au moins, les LR marqueront l’histoire. On se souviendra longtemps de la musique qu’ils jouaient pendant que leur navire coulait.