Accueil | Par Anaïs Fley, Hadrien Bortot, Victor Laby | 28 décembre 2020

Pour les 100 ans du PCF, on a donné la parole à ses jeunes

Cette semaine, le Parti communiste français a 100 ans. Quoi de mieux pour en parler (et le fêter) que ses jeunes adhérents ?

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Hadrien Bortot, 31 ans, secrétaire de section du PCF du XIXè arrondissement de Paris, membre du Conseil National du PCF

Le PCF a toujours fait partie de mon horizon politique. J’ai grandi avec ce qui était plus une culture qu’un idéal dogmatique. Les disques de Ferrat, les livres d’Aragon, les fêtes de la CGT, l’Humanité dimanche porté souvent à la maison par Abel un militant qui sillonnait la Moselle pour son journal. Des images de luttes de 95, de Marie Georges Buffet, ministre des sports de la France Championne du Monde, de la peur de Le Pen en 2002.

 

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Dans ma construction militante, ce communisme a longtemps été une présence bienveillante, un réfèrent politique à côté duquel existait une grande liberté. C’est dans cette galaxie que le Parti accompagnait en facilitant l’engagement des jeunes, des femmes, des travailleurs immigrés, que j’ai pu faire mes premières armes.

Lycéen, c’est le Parti qui me prêtait un mégaphone pour lutter contre la réforme Fillon ou le CPE. C’est lui qui m’a accompagné à 16 ans à la fête de l’Huma, c’est encore lui qui m’a fait coller mes premières affiches.

Je me souviens de l’effervescence de 2005 contre le TCE avec un PCF qui avait su coaliser et faire grandir un Non de Gauche et antilibéral. Naturellement, en 2007 pour mon premier vote, j’ai mis dans l’urne un bulletin Marie Georges Buffet. Toutes ces années le Parti ne m’a jamais rien demandé, on me prenait comme j’étais, un gamin curieux de tout avec l’envie de changer le monde.

Par la suite, j’ai découvert des mouvements plus radicaux plein de certitudes, dans des comités antifascistes, dans des facs, dans des squats, où les individus étaient tout entier jugés sur la base des positions qu’ils pouvaient prendre, où la recherche et l’expérience n’avaient pas leur place.

J’ai pris ma carte pendant l’expérience du Front de Gauche, presque dix ans après mon premier compagnonnage. L’effervescence des campagnes présidentielles pour le candidat des communistes Mélenchon, les assemblées citoyennes, l’énergie décuplée d’un Parti qui sait se sublimer pour être une force populaire au service de combats collectifs m’ont ouvert les yeux sur la nécessité d’un PCF organisé et ouvert sur les luttes.

Lors de mes premières réunions, j’étais plein de doutes sur cette liberté que m’avait offert le Parti comme sympathisant. J’y ai trouvé comme adhérent un espace d’élaboration démocratique où le jugement est absent. Les organisations locales du PCF sont encore un intellectuel collectif où chacun.e apporte son expertise, sa connaissance, quel que soit sa condition, son âge, son parcours.

J’ai pris un jour la charge de continuer à faire vivre cette organisation dans le 19e arrondissement. Le Parti est un lieu de transmission. Celles et ceux qui l’ont fait vivre avant moi m’ont appris, épaulé, conseillé dans cette tâche. C’est à ces savoirs pratiques et théoriques qui se passent de génération en génération qu’on mesure la profondeur historique du PCF.

Si on peut avoir mille raison de quitter le PCF, les communistes, la camaraderie, la croyance dans la nécessité d’être ensemble pour transformer le monde, font qu’on y reste. Le Parti est d’abord et avant tout celui d’une sociabilité militante. En conjuguant l’amitié et la fête au nécessaire débat d’idées et à cette profondeur historique, il est le vecteur de liens forts qui permettent de comprendre le monde et d’affronter la société capitaliste qui se nourrit d’individus isolés.

Lors du dernier congrès, je suis entré au Conseil National car je considère important que le Parti ne se repli pas sur lui-même et se laisse irriguer par les mouvements sociaux, écologiques, féministes, antiracistes qui secouent le monde. Le PCF n’a pas passé cent ans en se repliant sur sa légende romantique et en s’arcboutant sur sa propre caricature. Il a su à plusieurs moments de son histoire se faire extrêmement moderne pour se placer au cœur des rassemblements utiles au peuple, pour être acteur des ruptures avec le capitalisme et les systèmes de dominations. C’est ce chemin qu’il doit retrouver aujourd’hui, celui d’un PCF offensif, rassembleur, tourné vers les 100 ans à venir.

Anaïs Fley, 23 ans, étudiante en histoire des sciences à l’EHESS et secrétaire nationale de l’Union des étudiants communistes

A la question de l’engagement communiste, la réponse est aussi évidente que difficile à donner. Elle se pose un peu comme on pose la question du sens que l’on veut donner au temps qui passe. Pourquoi le communisme ? Pour émanciper la vie, tout simplement.

Mais, en 2020, la question pèse plus lourd. Elle se pose un siècle après que le choix du communisme et de la IIIe Internationale eut été fait au Congrès de Tours, après les plus grandes avancées du mouvement révolutionnaire et les plus formidables leçons d’humanité de la classe ouvrière, après le dévoiement des idées communistes et la faillite de l’Union soviétique. Elle se pose devant l’élan des mouvements révolutionnaires pour l’égalité et la justice, dont les dirigeantes à travers le monde prennent à bras le corps le cours de l’histoire et tracent de nouveaux sillons pour le communisme. Elle se pose face au mur vertigineux de la crise climatique, qui rebat les cartes des possibles et du temps dont nous disposons pour les construire, alors que le camp de la réaction resserre partout son étau autoritaire.

Si la question du communisme se pose donc à chacun·e en des termes nouveaux, celle de l’engagement communiste et de ses modalités pose plus de problèmes. Pour ma part, il a fallu que j’entre à l’université et que j’adhère à l’Union des étudiants communistes (UEC) pour obtenir mes premiers éléments de réponse. Cela faisait déjà un an que j’avais adhéré aux idées communistes, mais c’est en me mobilisant pour la première fois avec mes camarades de fac que je me suis enfin sentie investie de la responsabilité d’être communiste – et d’agir comme telle, en organisant l’activité révolutionnaire autour de moi, pour convaincre celles et ceux qui croisent mon chemin de le devenir à leur tour.

Il est relativement facile de ressentir au plus profond de soi la question communiste et d’y répondre par l’affirmative. Mais il est autrement plus compliqué d’embrasser l’engagement communiste vue la hauteur politique, éthique, morale, pratique que cela exige. Il est presque impossible de trouver cette force quand on est seul·e face aux crises qui menacent l’humanité. Voilà pourquoi nous avons besoin d’une organisation capable de soutenir cet engagement et de le faire grandir, dans tous les mouvements révolutionnaires de notre époque. Voilà pourquoi je suis au Parti communiste.

Victor Laby, 23 ans, étudiant en histoire à l’EHESS

Mes premiers souvenirs de gosse sont des souvenirs de manifs. Sur le dos de mon père dans une mobilisation en soutien aux ouvriers des usines de biscuits LU menacés par un plan de licenciement.

Mais c’est l’élection présidentielle de 2012, l’année de mes 14 ans, qui a produit chez moi ce qu’on pourrait appeler un déclic militant. La campagne du Front de gauche, son effervescence, sa dynamique joyeuse m’a convaincu d’adhérer aux jeunesses communistes du Nord. Avec la JC (le Mouvement Jeunes Communistes de France), c’est mille combats formateurs : blocus contre les suppressions de postes de profs dans les lycées, manifestation contre la colonisation de la Palestine, piquet de grève avec les cheminots en lutte, collectes alimentaires avec le Secours Populaire, organisation de voyages à la mer pour des familles précaires...

L’adhésion au Parti communiste français est arrivée un peu plus tard. À l’époque, comme beaucoup de jeunes de mon âge, j’étais assez méfiant envers la direction nationale du parti, je trouvais qu’elle n’arrivait pas à s’affirmer face à Jean-Luc Mélenchon. Je voyais sur le terrain l’abnégation militante des adhérents et le décalage avec notre invisibilité nationale m’excédait. C’est Fabien Roussel, alors secrétaire de la fédération du Nord, qui m’a convaincu d’adhérer au parti.

En 2015, dans un contexte de fortes tensions avec le Parti socialiste votant les pires cochonneries libérales à l’Assemblée Nationale mais aussi, dans une moindre mesure, avec le Parti de gauche voulant se débarrasser du Front de gauche, le PCF a décidé de se lancer dans les batailles des régionales dans les Hauts-de-France. Je me suis lancé à fond dans cette aventure. À bord d’une camionnette, on a parcouru toute la région le temps d’un été pour coller des affiches. Finalement, notre score a été légèrement supérieur à 5%. J’en garde tout de même un souvenir heureux.

Au dernier congrès, comme la plupart des jeunes du PCF, j’ai choisi de soutenir la motion d’André Chassaigne et de Fabien Roussel pour tourner la page des années d’effacement de notre parti. J’ai ressenti ce changement de direction et de projet comme une bouffée d’air frais. Le rajeunissement des cadres, avec l’émergence d’une nouvelle génération de militants, est pour moi presque aussi important que nos décisions de congrès.

J’ai pris part avec enthousiasme à la campagne des européennes menée par Ian Brossat, le fait que sa campagne soit saluée bien au-delà de nos rangs nous a redonné une fierté qui n’avait pas été éprouvée depuis la campagne présidentielle de 2012. Enfin ne plus avoir honte de dire aux copains qu’on milite au PCF.

J’espère que, si nous décidons de présenter un candidat communiste en 2022, la campagne sera dans la même veine. Si nous voulons retrouver notre ancrage populaire, je pense que nous devons assumer notre radicalité et être utile aux gens au quotidien. Assumons de vouloir détruire la société capitaliste et son cortège d’inégalités et de divisions.

Soyons aux côtés des jeunes qui manifestent pour le climat, des militants décoloniaux dans les quartiers populaires, des ouvriers qui luttent pour préserver notre industrie. Laissons-les nous investir, nous envahir, nous renforcer !

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  • Ce serait bien aussi de donner la parole à un historien. Un vrai, indépendant de tout parti. Vous l’avez fait d’ailleurs avec Roger Martelli, personnalité de valeur, mais il est aussi militant. Militer n’a rien de critiquable en soi, et en démocratie on peut le faire librement à droite ou à gauche. Mais l’opinion ne doit pas interférer avec la compétence.

    Il faudrait, pour parler du PCF, un historien vraiment indépendant. Et, afin qu’il s’exprime dans Regards, il devrait être choisi par une main neutre, soucieuse uniquement de vérité. Cela confine à l’impossible.

    Glycère BENOIT Le 28 décembre 2020 à 19:32
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