Le capitalisme ne fait plus rêver. Sa puissance vorace reste de mise, mais sa promesse de grandeur est à plat. En France, Emmanuel Macron est son dernier parangon. La féerie de la start-up pour tous, le retour du mythe de l’entrepreneur dans la curieuse figure de l’auto-entrepreneuriat s’est brisé sur le mur du réel.
De sa toute-puissante position acquise dans l’euphorie néolibérale des années 1980 et la chute des modèles soviétiques, le capitalisme n’a cessé de vouloir s’imposer comme l’horizon final de la société humaine, en dépit des réalités qui émergeaient déjà de son règne brutal. Il avait éveillé les désirs, les comblant par de nouveaux produits et modes de vie fantasmés. Sa capacité d’adaptation était redoutable. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
En 2008, l’alléchante vitrine s’est brisée. La crise financière révélait l’aberration de la construction d’une économie financiarisée, tournant à vide pendant que les inégalités se creusaient et que la précarité s’installait au quotidien. Les antilibéraux et les mouvements anti-austérité donnaient alors à voir des couleurs de résistance, révélant la noirceur du monde sans parvenir à rallumer les étoiles. Ce qui a fait la force de l’imaginaire communiste – sa capacité à faire surgir les opprimés dans le domaine où se réglait leur destinée – se cherchait ici dans des formes de luttes créatives trébuchant sur le difficile chemin de l’unité.
Depuis, le Covid-19 et les manifestations de plus en plus intenses du dérèglement climatique ont porté un nouveau coup au mirage néolibéral. L’échec des négociations internationales, lors desquelles les pompiers pyromanes simulent l’action climatique, ne suffit plus à maintenir l’insouciance. Une génération s’est levée pour prendre le relais des pionniers du combat écologiste, rouvrant l’horizon des possibles pour l’humanité. Mais la sobriété et la sortie du règne de la croissance, pourtant nécessaires, peinent à faire rêver.
Partout où il a triomphé, le capitalisme a aussi fait siennes les oppressions de l’individu. Il s’est marié habilement avec la domination masculine, le racisme et les représentations du monde rétrogrades héritées de la longue histoire humaine. Cette nouvelle promesse de libération trahie vient aujourd’hui approfondir la fracture de la fantasmagorie néolibérale. Les concerné.e.s n’ont plus la patience que leur conseillent ceux qui profitent des privilèges institués. Pour assujettir l’individu, la puissance du rêve cède sa place à la faiblesse de la force.
La puissance actuelle du capitalisme réside finalement plus dans sa force de frappe que dans la force de son imaginaire. Il n’est alors pas étonnant de voir les logiques sécuritaires s’emballer et le lexique guerrier parfaire le virilisme de la politique. Le recours à la répression, implacable, vient suppléer la destruction des mécanismes de médiation politique. Dans la crise démocratique généralisée, les conflits sociaux se multiplient, les peuples ressurgissent sur le devant de la scène.
Dans sa régression, d’avenir radieux à devenir sordide, le capitalisme nous offre une leçon précieuse. La puissance des imaginaires est la seule puissance conquérante. La nôtre doit se déployer pour espérer renouer avec un destin populaire.