Le monde était fait de nations qui tenaient (à) leur rang et se comparaient à l’aune de leur puissance, celle des PIB, des missiles et de leur démographie. La puissance naissait du progrès linéaire de la croissance, mais aussi dans les plis du verbe et des rêves, récits moins mesurables. Elle s’étalonnait à d’autres dans une nostalgie de grandeur et d’empire. À l’heure des chocs climatiques, des pandémies qui n’épargnent aucune souveraineté, des GAFA qui humilient les États, des effondrements démocratiques qui menacent, qu’est devenue la puissance ? Plus seulement la capacité à faire la guerre. Oui, la puissance est un projet politique. Mais il doit avoir un sens. Du sens.
La puissance, c’est la capacité d’agir d’un peuple. Je la relie à cinq impératifs. Traquer nos dépendances. Que voulons-nous maîtriser ? Où sont nos préférences collectives, à opposer aux marchés ? Pas pour tout, mais là où il le faut. Défendre les fiertés françaises : la culture, l’hospitalité, la langue, la Sécu, le made in France, l’excellence de la recherche… Ne pas s’en remettre à l’influence et à la gouvernance, car le soft power de quelques-uns ne garantit pas la puissance collective. Exiger de l’État des preuves de son retour à la raison. Sous la coupe du néolibéralisme, il a longtemps servi une philosophie et des intérêts qui épuisèrent la France. Éloigné de la société, il doit redevenir stratège et acteur. Enfin, oser la démocratie dans nos communautés politiques, la nation et l’Europe. Et si, en République, c’était bien dans le peuple que se puisait la puissance d’aujourd’hui ?
Le doute et la défiance poussent vers le déclin. La confiance ramène vers la puissance. Voilà pourquoi il faut trouver l’antidote au doute. Trop de déceptions et de trahisons l’ont alimenté. Il n’y aura pas de remède tiède.
Christian Paul