Accueil | Par Loïc Le Clerc | 15 janvier 2019

Réforme de la justice : le gouvernement veut passer en force contre l’avis de tous

Une justice moins accessible, plus chère et plus répressive. Voilà les grandes lignes du projet de loi de "réforme pour la justice" qui fait l’unanimité contre lui. Ce mardi, toute la profession est dans la rue alors que le texte revient à l’Assemblée.

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Il y avait du monde, ce mardi 15 janvier, place Saint-Michel à Paris. Des milliers de robes noires. Avocats, greffiers, magistrats, étudiants, etc., venus de toute la France. C’est tout le milieu de la justice qui s’était donné rendez-vous pour protester contre la réforme de la garde des sceaux Nicole Belloubet.

Rarement un texte de loi avait fait l’unanimité d’un corps professionnel contre lui. La ministre leur répond "corporatistes !". Voilà à peu près la teneur du "débat". Ce matin donc, c’est une justice « inhumaine et privatisée » qui est dénoncée à travers le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme, pour lequel le gouvernement a engagé la procédure accélérée.

 

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À la tribune, devant ces robes noires chauffées à blanc, la représentante de l’USM accuse le gouvernement d’avoir fait « voter dans la précipitation » ce projet de loi. Si le Sénat avait semblé entendre leurs revendications, l’Assemblée nationale a tout détricoté pour revenir à la version initiale, celle de l’exécutif. En première lecture, le projet de loi a été adopté par les députés à 88 voix contre 83. Symbole du désintérêt des législateurs. « A maltraiter la justice, vous maltraitez le peuple », entend-on au micro. Chaque prise de paroles est ponctuée de huées à l’encontre du gouvernement et d’applaudissements pour la détermination des avocats et autre magistrats.

 

Vers une justice injuste

Les reproches faits à ce projet de loi sont indénombrables. Mais la logique générale, comptable avant tout, est simpliste : désosser la justice en tant que service public afin d’en justifier sa privatisation, rendre la justice moins accessible tant sur les territoires que financièrement et privilégier le carcéral à l’éducatif en ce qui concerne les mineurs. À ce sujet, le représentant FSU rappelle qu’au 1er décembre 2018, 814 mineurs étaient incarcérés en France. Et depuis le 1er janvier 2019, les enfants peuvent être placé en centre de rétention administrative pour 90 jours.

« Erdogan en rêvait, Macron l’a fait », peut-on entendre au vol.

 

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Avec cette réforme, le gouvernement entend bien être encore plus répressif vis-à-vis des mineurs. Quant aux majeurs, ils sont près de 71.000 derrière les barreaux. Un record qui sera certainement battu en 2019. « Les prisons sont la honte de la République », lance la représentante de l’Observatoire international des prisons.

 

Bataille parlementaire

Dans les rangs des manifestants, cette chanson :

« Nous on défend la justice. Pirouette cacahouète. Nous on défend la justice, quand tu nous envoies la police, quand tu nous envoies la police. Ta réforme elle est bidon. Pirouette cacahouète. Ta réforme elle est bidon, elle finira dans un carton, elle finira dans un carton. »

Pour soutenir les acteurs du monde judiciaire, quelques députés ont fait le déplacement. Ugo Bernalicis pour La France insoumise, Elsa Faucillon, Fabien Roussel et Stéphane Peu pour le PCF ainsi que la socialiste George Pau-Langevin et Jean-Michel Clément du groupe Liberté et Territoires (ex-PS, ex-LREM). Ce dernier, ancien avocat, constate les « atteintes permanentes aux libertés » du macronisme. Il égraine ce qui a été fait en 19 mois : « Etat d’urgence dans le Droit commun. Loi Asile et Immigration. Loi anti-casseurs. »

Tous les parlementaires ont été vivement applaudis par la foule. À Regards, le député insoumis explique sa présence :

« Je suis là pour rappeler que nous nous opposons massivement à cette réforme de la justice par Nicole Belloubet qui soit disant est au profit du justiciable – rien que pour le justiciable, tout pour le justiciable – et finalement qui cherche surtout à éloigner le justiciable de la justice et du juge. »

L’examen du projet de loi reprend ce mardi à l’Assemblée nationale. La bataille continue, dans l’hémicycle comme dans la rue.

 

Loïc Le Clerc

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  • C’est drôle... à chaque nouvel article, on a la triste impression de relire inexorablement toujours le même...

    carlos Le 16 janvier 2019 à 13:23
  •  
  • Cette Justice devenue injuste est apparue dès l’élection de Sarkozy. La Garde des Sceaux de ce quinquennat était plus soucieuse de sa notoriété people que de sa charge régalienne. Elle a sabré tous les Tribunaux de proximité, rendant ainsi la première injustice faite au peuple, essentiellement en province, dans les territoires les plus desertiques. Ceci a mené à l’engorgement des Tribunaux regroupés au nom de la sacro sainte rentabilité. Puis sont nés les Tribunaux de comparutions immédiates qui ne sont que de l’abattage en règle des citoyens lambda (les cas iniques des Gilets Jaunes en sont la preuve irréfutable ). Christine Taubira aurait dû et pu inverser le cours inévitable de cette Justice devenue synonyme de l’injustice flagrante, malheureusement, il n’en fût rien. Avec ce gouvernement actuel, même Amnesty International et d’autres ONG de defenses des Droits de l’homme et du citoyen, en arrivent tous unanimement à cette unique et grave conclusion : le Pays des Droits de l’homme bafoue en toute connaissance de cause, nos libertés individuelles, les réduit à néant, et à présent, cette ministre actuelle de l’Injustice s’appuie sur sa majorité REM pour faire passer en force des lois répressives que nul n’avait osé auparavant. L’impunité des premiers de cordée et ses satellites est chose courante, le citoyen lambda quant à lui, morfle très dur à TITRE D’EXEMPLE pour MATER toutes envies de retour à la vraie JUSTICE ÉQUITABLE. Entre la chasse ouverte aux personnes immigrées, aux manifestants non violents, et désormais l’impossibilité financière d’être défendu par un avocat, la boucle est bouclée. Avec les nombreux FICHIERS de toutes sortes déjà existants et ceux qui sont en train d’être établis, la notion même de la justice va totalement disparaître. Ne restera que un pouvoir régalien aux ordres uniquement du gouvernement et surtout de son président. La police suivra de fait, et la gendarmerie et l’armée les rejoindrons inévitablement. Avoir 20 ans en France n’est plus enviable du tout. Autant émigrer sous des cieux plus cléments et encore respectueux.

    AFS Le 17 janvier 2019 à 14:39
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