Il y avait du monde, ce mardi 15 janvier, place Saint-Michel à Paris. Des milliers de robes noires. Avocats, greffiers, magistrats, étudiants, etc., venus de toute la France. C’est tout le milieu de la justice qui s’était donné rendez-vous pour protester contre la réforme de la garde des sceaux Nicole Belloubet.
Rarement un texte de loi avait fait l’unanimité d’un corps professionnel contre lui. La ministre leur répond "corporatistes !". Voilà à peu près la teneur du "débat". Ce matin donc, c’est une justice « inhumaine et privatisée » qui est dénoncée à travers le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme, pour lequel le gouvernement a engagé la procédure accélérée.
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À la tribune, devant ces robes noires chauffées à blanc, la représentante de l’USM accuse le gouvernement d’avoir fait « voter dans la précipitation » ce projet de loi. Si le Sénat avait semblé entendre leurs revendications, l’Assemblée nationale a tout détricoté pour revenir à la version initiale, celle de l’exécutif. En première lecture, le projet de loi a été adopté par les députés à 88 voix contre 83. Symbole du désintérêt des législateurs. « A maltraiter la justice, vous maltraitez le peuple », entend-on au micro. Chaque prise de paroles est ponctuée de huées à l’encontre du gouvernement et d’applaudissements pour la détermination des avocats et autre magistrats.

Vers une justice injuste
Les reproches faits à ce projet de loi sont indénombrables. Mais la logique générale, comptable avant tout, est simpliste : désosser la justice en tant que service public afin d’en justifier sa privatisation, rendre la justice moins accessible tant sur les territoires que financièrement et privilégier le carcéral à l’éducatif en ce qui concerne les mineurs. À ce sujet, le représentant FSU rappelle qu’au 1er décembre 2018, 814 mineurs étaient incarcérés en France. Et depuis le 1er janvier 2019, les enfants peuvent être placé en centre de rétention administrative pour 90 jours.
« Erdogan en rêvait, Macron l’a fait », peut-on entendre au vol.
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Avec cette réforme, le gouvernement entend bien être encore plus répressif vis-à-vis des mineurs. Quant aux majeurs, ils sont près de 71.000 derrière les barreaux. Un record qui sera certainement battu en 2019. « Les prisons sont la honte de la République », lance la représentante de l’Observatoire international des prisons.

Bataille parlementaire
Dans les rangs des manifestants, cette chanson :
« Nous on défend la justice. Pirouette cacahouète. Nous on défend la justice, quand tu nous envoies la police, quand tu nous envoies la police. Ta réforme elle est bidon. Pirouette cacahouète. Ta réforme elle est bidon, elle finira dans un carton, elle finira dans un carton. »
Pour soutenir les acteurs du monde judiciaire, quelques députés ont fait le déplacement. Ugo Bernalicis pour La France insoumise, Elsa Faucillon, Fabien Roussel et Stéphane Peu pour le PCF ainsi que la socialiste George Pau-Langevin et Jean-Michel Clément du groupe Liberté et Territoires (ex-PS, ex-LREM). Ce dernier, ancien avocat, constate les « atteintes permanentes aux libertés » du macronisme. Il égraine ce qui a été fait en 19 mois : « Etat d’urgence dans le Droit commun. Loi Asile et Immigration. Loi anti-casseurs. »
Tous les parlementaires ont été vivement applaudis par la foule. À Regards, le député insoumis explique sa présence :
« Je suis là pour rappeler que nous nous opposons massivement à cette réforme de la justice par Nicole Belloubet qui soit disant est au profit du justiciable – rien que pour le justiciable, tout pour le justiciable – et finalement qui cherche surtout à éloigner le justiciable de la justice et du juge. »
L’examen du projet de loi reprend ce mardi à l’Assemblée nationale. La bataille continue, dans l’hémicycle comme dans la rue.

C’est drôle... à chaque nouvel article, on a la triste impression de relire inexorablement toujours le même...
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