« Changeons le système, pas le climat » : voici à nouveau la thèse forte défendue par les organisateurs du village-Aternatiba, le 5 et 6 octobre à Bayonne, au Pays basque. En effet, « depuis la COP21, au lieu de baisser, les émissions de gaz à effet de serre qui sont la cause principale des dérèglements climatiques poursuivent leur escalade à l’échelle mondiale, mais aussi en France ! », s’inquiète Geneviève Azam, économiste à ATTAC. Et ceci dans un contexte où les délégués des États de l’ONU, s’apprêtaient à rendre public en Corée du Sud le dernier rapport du GIEC, basé sur 6.000 études scientifiques, concernant l’impact d’un réchauffement global de 1,5 °C.
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« Rien n’est perdu, mais cela implique une transformation de fond et rapide de notre système de production », veut croire cependant Pauline Boyer, porte-parole d’Alternatiba. Ainsi, dans l’espoir de remettre sur le devant de la scène politique l’enjeu climatique, à côté des ONG (Greenpeace, ATTAC, Les Amis de la Terre, Negawatt, Réseau Action Climat...) plusieurs hommes et femmes politiques ont tenu à être présents ce week-end à Bayonne : trois anciens ministres de l’environnement Corinne Lepage, Yves Cochet et Delphine Batho ; Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble ; la députée de la France Insoumise Clémentine Autain ; Damien Carême, maire de Grande-Scynthe, l’ex-candidat à la présidentielle Benoit Hamon ; la militante éco-socialiste Corinne Morel Darleux…
Retour aux origines d’Alternatiba
La tenue d’un impressionnant rassemblement environnemental à Bayonne ne tient évidemment pas au hasard : outre les inondations des grandes marées qui y évoquent régulièrement l’urgence climatique, Alternatiba, littéralement alternative en basque, y a été impulsé initialement par l’ONG locale "Bizi !" avant d’essaimer et de s’imposer dans tout l’hexagone comme l’expression de la société civile lors du contre-sommet climatique de la COP21 de Paris. Loin des clichés également, « au Pays-Basque il y a aussi un héritage et une présence syndicaliste, très importante », analyse la militante éco-socialiste Corinne Morel Darleux.
Véritable pierre angulaire du village-alternatiba, plus de cinquante tables-rondes et de débats réunissaient politiques, représentants d’ONG et penseurs comme Paul Aries, Michel Berhocoirigoien et Pierre Larrouturou. Bien sûr, il était question des conséquences politiques et écologiques du rapport du GIEC à venir, mais aussi, de la promotion d’alternatives concrètes et réalisables au changement climatique en terme d’agriculture paysanne, de relocalisation de la production, d’éco-féminisme, de sobriété énergétique, d’éco-habitat, d’économie sociale et solidaire, de monnaie locale, de solidarité avec les migrants, etc.
« Tout est lié, analyse Maialen, une trentenaire venue rejoindre les 500 bénévoles sur la durée d’Alternatiba Bayonne, il y a 10 ans par exemple, la crise des subprimes a montré les limites d’un modèle économique qui repose sur l’usage croissant d’énergies fossiles. »
Le tour des alternatives
Temps fort du week-end également, quatre mois après son départ, samedi le quartier du petit-Bayonne accueillait en fanfare l’arrivée du Tour Alternatiba, ce tour cycliste des initiatives citoyennes pour le climat à travers l’hexagone et sur 5800 km. En effet, au fil des étapes se sont tenues plus de 200 actions de désobéissance en faveur de la bio-diversité et du climat, 200 vélorutions, 100 conférences et autant de formations à l’action non-violente. « Après l’expérience des faucheurs de chaises ou d’expériences concrètes non-violentes, nous mettons en pratique un peu ce que disait Saul Alinsky, c’est-à-dire que c’est l’action qui créé la conscience », raconte le militant de Bizi ! Jon Palais. Les vélos en tout genre du Tour Alternatiba étaient accompagnés sur les derniers kilomètres par la marraine de l’édition 2018, Mariama Diallo, porte-parole d’Alternatiba Dakar, ou encore par Cédric Herrou et Benoît Hamon pédalant côte à côte.
Enfin, le dimanche et en dépit d’une pluie battante, quasi décourageante, des dizaines de stands ont été malgré tout montés dans le but de faire découvrir et de promouvoir des solutions concrètes en matière d’habitat, de consommation, d’alimentation, de transports. « L’objectif est vraiment d’accélérer la généralisation des alternatives afin de transformer le système. C’est le sens de la campagne de plaidoyers locaux que nous avons lancée. Baptisée "alternatives territoriales", elle vise à pouvoir intervenir sur les plans climats que devront adopter les intercommunalités d’ici la fin de l’année », annonce Txetx Etchevrry, co-fondateur d’Alternatiba. Loin du fatalisme donc, de nouvelles perspectives pour la lutte climatique.