Les multiples dérobades de Nicolas Hulot sur des objectifs annoncés en grande pompe en début de mandat d’Emmanuel Macron ont quelque chose du râle final avant reconnaissance de décès.
Enfouissant derrière d’énièmes prolongations les ambitions de réduire la part du nucléaire d’ici 2050, cultivant un silence bien opportun à propos des polémiques autour de l’interdiction du glyphosate, finalement prolongé pour cinq ans par l’Union européenne, les annonces de la caution "écolo de gauche" du gouvernement sonnent désormais aussi creux que le trou dans lequel ses grandes intentions s’entassent les unes après les autres.
L’écologie à petites doses
Autre exemple, le ping-pong législatif autour du projet de loi hydrocarbures qui devait interdire la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels est en ce sens révélateur des difficultés que rencontrent les écologistes face à la machine gouvernementale.
Les multiples amendements susceptibles de rendre cette future loi contraignante ont ainsi été lentement détricotés par les passages en commissions, en plénière et devant le Sénat. Si l’influence des lobbies, le poids de la droite et du vieux monde s’entêtent dans leurs batailles d’arrière-garde, la recomposition de La République en marche avec l’intégration et le repêchage d’anciens écolos aurait pu contribuer obtenir quelques progrès.
Symptôme d’un rapport de forces évidemment biaisé face à une écrasante majorité du parti qui repousse l’écologie en marge des décisions politiques, on compte les rares survivants des partis verts comme Barbara Pompili, actuelle présidente de la Commission développement durable, l’actuel président de l’Assemblée nationale François de Rugy ou encore Matthieu Orphelin sur les doigts de la main.
Passés à LREM, ces derniers semblent avoir appris à se contenter de petits aménagements, sacrifiant au jeu politique le néolibéralisme et à la cohésion du parti la possibilité de mener une politique qui pourrait répondre avec exigence aux urgences posées par la destruction de l’environnement, son impact sur les populations et le réchauffement climatique.
Une présence à l’Assemblée
Faut-il pour autant abandonner l’espoir qu’une vision écologiste forte puisse émerger au sein des rangs serrés du gouvernement ou des députés ? Si le système et la composition législative actuelle laissent augurer de peu de changements, l’infusion à doses variables de préoccupations écologiques dans les programmes d’une partie de la gauche au moment de la présidentielle, notamment de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon aura néanmoins été l’indice d’une plus grande perméabilité des programmes des partis de gauche vis-à-vis des préoccupations jusque-là principalement portées par EELV.
Le député Sergio Coronado, ancien député EELV, avait ainsi apporté son soutien à Mélenchon lors de la campagne présidentielle, considérant ainsi que ce dernier avait franchi là « un pas considérable » en replaçant « l’écologie au cœur du projet d’émancipation ». De même, les dernières législatives auront permis, même en l’absence de députés officiellement affiliés à un parti vert, de disposer de quelques élus green-friendly, ultimes points de résistance et force de proposition dans la machine à broyer gouvernementale de toute politique écologiste ambitieuse.
Juliette Renaud, porte-parole des Amis de la terre France, organisation qui avait proposé de nombreux amendements sur le projet de loi hydrocarbure, constate : « On a évidemment moins de relais à l’Assemblée nationale que lors de la mandature précédente. Le groupe La République en marche est un groupe hétérogène qui montre pour l’instant une forte discipline de groupe. »
À l’Assemblée néanmoins, elle reconnaît que certains députés issus de différents partis comme Nouvelle gauche et la France insoumise écoutent et reprennent les remarques des associations. S’ils sont pour le moment condamnés à travailler ensemble de manière informelle, il semble cependant difficile d’imaginer les conditions d’émergence d’un contre-pouvoir à même de peser dans la balance.
Des résistances au sein des villes
À Paris comme dans d’autres villes cependant, le tableau funèbre mérite quelques nuances. Le conseil de Paris dispose actuellement de seize élus écologistes, soit 20% de la majorité, capables de peser véritablement dans la politique municipale. « On a un vrai effet de levier » explique David Belliard, conseiller de Paris et co-président du groupe écologiste de Paris.
Lors de l’adoption du Plan climat pour Paris, qui prévoyait notamment la neutralité carbone d’ici 2050, les élus verts ont ainsi « déposé plus de 75 amendements et vœux » sur les 120 qui le composent. Un rapport de forces qui permet, selon lui, d’avancer sur un certain nombre de propositions : la réduction de la part de l’automobile dans Paris, la piétonisation des berges, la préservation de la biodiversité dans le cas d’ouverture à la baignade d’espaces comme le lac Daumesnil. « On voit bien qu’on a obtenu gain de cause sur l’intégralité de ce qu’on a proposé. On l’a obtenu parce qu’on est dans une logique de rapport de forces politique que tout le monde connaît. » ajoute-t-il.
Des avancées à confronter notamment à l’organisation des JO de 2024, qui comprendra un certain nombre de constructions en Seine-Saint-Denis. Celle-ci avait provoqué l’ire de nombreux élus, et notamment une tribune de Jacques Boutault, maire EELV du 2e arrondissement de Paris.
Dénonçant le projet de JO verts comme une énième opération de greenwashing, sacrifiant l’écologie et les populations de Seine-Saint-Denis au profit « d’une marchandisation du territoire », ce dernier révélait dans le même temps la difficulté des écologistes à faire face à un front politique « allant de la maire de Paris à Valérie Pécresse, et du Parti communiste à en En Marche ». L’impossibilité de s’opposer à cette coalition politique, mais également aux entreprises sponsors des Jeux, témoigne encore et toujours de la difficulté de résister aux liens entre néolibéralisme et le pouvoir actuel.
Fins de cycle en série
Julien Bayou, porte-parole d’EELV, analyse quant à lui la situation un peu différemment. « La social-démocratie est en fin de vie. Nous sommes confrontés à trois fins de cycles. C’est la fin du cycle d’institutionnalisation sans le rapport de forces. Comme le système institutionnel français ne garantit pas la juste représentation des intentions des électeurs, celle-ci ne pèse pas sur les orientations politiques. »
Mais c’est également, ajoute-t-il, « la fin de l’époque des lanceurs d’alertes sur tout un tas de sujet. Avant, les écolos parlaient dans le désert sur le nucléaire, le diesel, le revenu universel, les perturbateurs endocriniens. Aujourd’hui ces sujets sont plus généralement sur la table ».
Enfin, il s’agit selon lui de « la fin des partis traditionnels ». La redéfinition de l’ancien clivage gauche droite mais également l’opposition entre deux mondes, celui « productiviste de Macron, de Hollande, d’Attali », s’oppose désormais « à une autre façon d’envisager le développement durable ». Et si « dans cette situation, EELV accuse le coup », la volonté de tisser une nouvelle vision commune avec différents acteurs actuels de l’écologie est vivace pour 2018.
Un contexte qui n’épargne évidemment pas l’image de Nicolas Hulot chez les écologistes. Yannick Jadot, député européen EELV déclarait hier sur France Inter ne pas comprendre les reculs du ministre et ses « renoncements ». Pour Julien Bayou, « rien ne sortira du ministère, Hulot a aussi servi à dévitaliser le vote écolo. Malgré sa popularité et sa sincérité, il se heurte à StéphaneTravert et aux ministres charbonniers. C’était écrit ».
Des espoirs du côté de la société civile
Cette volonté de marquer une forme de rupture avec l’ancien monde politique invite évidemment à élargir le spectre de l’écologie politique, que l’on entend habituellement en son sens le plus restrictif. Celle-ci est également visible dans les multiples mobilisations des associations et de la société civile vis-à-vis des politiques agricoles, des grands projets inutiles ou contre le nucléaire.
Les mobilisations du 12 décembre prochain en sont un bel exemple. L’organisation du One Planet Summit sur la finance verte, nouveau coup de com du président après ses fanfaronnades lors de la COP 23, n’a pas manqué d’attirer l’attention des partis. Ce week-end, Jean-Luc Mélenchon appelait ainsi, lors de la convention de la France insoumise à Clermont Ferrand, à se mobiliser contre le nucléaire en faveur de la transition énergétique et à participer à la mobilisation initiée par Attac France et le mouvement 350.org lors d’une manifestation contre « le sommet climat-finance ».
Dans une atmosphère générale où partis d’opposition de gauche, syndicats mais également associations sont à la peine dans la construction d’un rapport de forces susceptible de s’opposer aux multiples démantèlements et attaques portées au choix contre le code du travail, l’écologie ou les libertés civiles, ces tentatives de rapprochement sont décisives. « Il faut construire des alliances plutôt que de chercher des expositions temporaires », analyse Julien Bayou.
Une bonne résolution qui témoigne bien d’une prise de conscience. Celle que les forces écologistes issues de la société civile sont actuellement essentielles pour maintenir un cap politique face à l’urgence environnementale, mais aussi dans la structuration d’un mouvement écologiste durable et crédible.
L’écologie a bien sûr une dimension politique , puisque si les scientifiques aident à comprendre notre écosystème et à mesurer son état de détérioration actuel, c’est aux citoyen-nes qu’il revient d’agir pour transformer le monde.
L’écolo- business est aux commandes et c’est lui qui tire avantage de tous les sommets" environnementaux" et des normes qui en découlent. Il rend notre environnement plus "clean" à condition qu’il soit un gisement de "profitabilité". Après avoir abîmé les milieux naturels, parfois de manière irréversible, il a même le culot d’affirmer qu’il est prêt à appliquer "la règle verte"... pourvu qu’il y trouve son compte.
Alors, oui, en l’état actuel des choses, ce n’est pas l’écologie politique qui est en cause. Le glas sonne plutôt pour une écologie politicienne, incarnée aujourd’hui par M.Hulot, lequel cherche à aménager l’existant, avec de bons sentiments et de
belles paroles sur "le droit à l’environnement", mais sans toucher à la structure de l’économie capitaliste et au pouvoir des riches.
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