En Allemagne, le parti socialdémocrate
et les Verts ont
défié vendredi 1er mars la
Chancellière Angela Merkel
en adoptant au Bundesrat,
chambre haute du parlement, un projet
de loi instituant un salaire minimum
de 8,5 euros de l’heure. Ce pays est,
avec le Danemark, la Finlande, l’Italie
et la Suède, un des derniers de l’Union
européenne à ne pas avoir de salaire
minimum institué. Jusqu’à présent, les
salaires minimum s’établissaient par négociation
au niveau de chaque branche
et de chaque région, certaines régions
étant dépourvues de salaires minimum
pour certaines branches. C’est ainsi que
l’on à vu apparaître les fameux emplois à
1 euro de l’heure...
Immédiatement, il y a fort peu de chances
que ce projet voit le jour. En effet, ce vote
a été obtenu à la faveur des dernières
élections régionales en Basse-Saxe remportée
en janvier par la coalition SPDVerts
qui a fait basculer la majorité dans
cette chambre. Il reste à faire voter cette
loi au Bundestag où la majorité CDU/
CSU/FDP règne... Voulant parer politiquement
à cette situation, les conservateurs
– CDU et CSU – veulent introduire
un salaire minimum obligatoire dans les
secteurs qui en sont encore dépourvus.
Comme les salaires minimums sont
déterminés par des négociations collectives,
rien ne garantit qu’ils ne soient
pas... minimums comme en témoignent
les 3,18 euros concédés aux coiffeurs
de Thuringe ! Pourtant, au-delà de la
posture électorale de l’opposition, il est
probable que le salaire minimum soit un
des principaux débats des prochaines
élections nationales de septembre 75 % des allemands y étant favorables
et pas moins de 6,5 millions de salariés
gagnant moins que ce seuil de 8,5 euros.
Le premier pays a avoir institué un salaire
minimum est la Nouvelle-Zélande
en 1894.

Le salaire minimum se définit
comme étant le niveau de rémunération,
défini par heure ou, en cas de durée légale
de travail, par semaine ou mois, en
dessous duquel un employeur ne peut
embaucher quelqu’un. On l’évalue généralement
en pourcentage du revenu salarial
médian, celui-ci variant dans les pays
industrialisés dans une fourchette allant
de 35 % à 60 %, le Japon et l’Espagne
étant dans le peloton de queue alors que
la France et la Nouvelle-Zélande, pays
pourtant réputé comme le champion de
la déréglementation néolibérale, sont les
plus avancés sur ce terrain. Il faut dire
que ce salaire minimum a longtemps
été et est toujours décrié par les libéraux
pour qui son existence empêche les
ajustements à la baisse des salaires qui
permettent aux marchés de l’emploi de
s’ajuster par les prix. C’est ce qui, selon
eux, produit un chômage qualifié alors
de structurel, ce salaire minimum n’étant
d’ailleurs pas la seule cause, la présence
de conventions collectives, de lois sociales
protégeant les salariés ou d’aides
sociales monétaires (allocation chômage,
revenu d’inactivité…) rentrant aussi dans
le champs d’explication des libéraux.
Obama volontaire
D’une certaine façon, la Nouvelle-
Zélande constitue un paradoxe qui invalide
immédiatement ces thèses. Véritable
laboratoire du néolibéralisme à partir de
1984, ce pays maintiendra toujours un
salaire minimum élevé, tout en affichant
aujourd’hui un taux de chômage des plus
faibles des pays industrialisés. La réalité
s’avère d’ailleurs plus complexe que
les thèses néoclassiques du chômage
structurel. C’est ainsi qu’il apparaît que le
salaire minimum a des vertus autres que
celle de produire du chômage : il inciterait
les salariés à investir dans leur emploi, les
entreprises à favoriser les gains de productivité,
et l’État à former sa population,
les efforts conjoints de ceux-ci favorisant
la croissance à long terme et donc le niveau
de l’emploi. Ce sont sans doute les
raisons qui ont poussé de plus en plus
de pays à adopter une législation sur un
salaire minimum au point que, selon le
Bureau International du Travail, 90 % des
pays en sont actuellement dotés.
Le 12 février 2012, dans son discours
sur l’Etat de l’Union, Barack Obama
a créé la surprise en déclarant vouloir
augmenter le salaire minimum horaire
de 24%, qui passerait ainsi de 7,25 dollars
à 9 dollars. L’argument est simple :
« Personne ne devrait travailler à temps
plein et vivre dans la pauvreté » a indiqué
le Président à cette occasion. Même si
le salaire minimum est bien plus faible
qu’en France, même si les cotisations
sociales patronales qui s’y rapportent y
sont moindres, cette volonté de Barack
Obama témoigne d’un volontarisme que
nous avions perdu l’habitude de voir de
l’autre côté de l’Atlantique, d’autant que
ce salaire minimum n’a pas été revalorisé
depuis 2009. Créé au niveau fédéral par
Franklin D. Roosevelt en 1938, celui-ci
se substitue souvent aux salaires minimums
des Etats, certains Etats tels que
La Caroline du sud, le Tennessee, l’Alabama,
le Mississippi ou la Louisiane n’en
ayant pas. Les Etats même les plus généreux
tels que celui de Washington ou de
l’Oregon n’affichent que 9 dollars : cela
signifie que tous les salaires minimaux
des Etats seront de facto caducs du fait
d’une telle évolution, sachant que celui
qui compte est, bien entendu, le plus favorable
pour les salariés. Mais avant d’accroître
le pouvoir d’achat des Américains
et de relancer la consommation, Barack
Obama devra convaincre les républicains
du Congrès, très hostiles à l’idée.
Au Royaume-Uni, celui-ci a été introduit
très tardivement par le nouveau gouvernement
de Tony Blair en 1999. Un an
plus tard, les conservateurs faisaient leur
aggiornamento sur la question et le retour
de ceux-ci aux affaires n’a pas changé la
donne. En Chine, les différents salaires
minimums mensuels sont fixés au niveau
des agglomérations et des provinces.
Ceux-ci ont été augmentés en février,
le salaire le plus élevé restant celui de
l’agglomération de Shenzhen avec 1500
Yuans mesnuels – environ 178 euros –
devançant de peu ceux de ShangHai -
1450 Yuans – et de Pékin - 1260 Yuans.
Mieux, on constate en ce début d’année
un rattrapage de 23 % en moyenne pour
les provinces du centre. Comme le déclarait
à l’AFP Stephen Green, économiste
pour la Chine de la Standard Chartered
Bank à Hong Kong, « la politique du gouvernement
reflète des changements au
niveau du marché », marché dans lequel
« le manque de main d’oeuvre est devenu
monnaie courante. »
Et la France ?
La généralisation et la hausse du salaire
minimum semble inéluctable, d’autant
que contrairement à ce que prétend la
doctrine économique néoclassique, il
semblerait qu’il puisse y avoir des effets
positifs pour le capitalisme lui-même, de
nombreux exemples passés nous l’ayant
montré. Est-ce à dire que celui-ci devrait
augmenter dans le cas de la France ?
Nous avons vu à quel point le nouveau
gouvernement Hollande a été timide sur
ce point, la majeure partie des économistes
estimant que le SMIC ayant déjà
atteint un haut niveau, à la différence des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne,
une nouvelle hausse aurait des
effets négatifs en terme de chômage.
C’est dans cet esprit qu’au moment de
la mise en place de la loi sur la réduction
du temps de travail, des réductions de
cotisations sociales sur les bas salaires
ont été mises en place pour permettre
une hausse du SMIC horaire sans augmenter
le « coût » du travail. Sauf que le
coût à payer se traduit aujourd’hui dans
l’endettement de l’Etat, endettement qui
est le bouc émissaire justifiant les plans
d’austérité et les reculs sociaux. Comme
le préconise la Fondation Copernic1,
une solution alternative ne serait-elle pas
d’accompagner cette hausse du SMIC
par « un mécanisme de cotisations interentreprises
qui permettrait d’éviter les
soutiens fiscaux ou les allègements de
cotisations sociales. Une caisse pourrait
ainsi être créée sur le modèle de la
Sécurité sociale et financée par des
cotisations obligatoires pour toutes les
entreprises... Les cotisations seraient
versées avec un barème progressif permettant
des cotisations quasi-nulles pour
certaines TPE, importantes pour les plus
grandes entreprises très profitables » ?
Une nouvelle voie à explorer pour ne pas
limiter l’augmentation du SMIC à la seule
capacité d’absorption du capitalisme afin
d’ouvrir à l’égalité d’autres champs des
possibles.
Là si l’Allemagne recule, il y aura beaucoup de citoyens dans la rue....
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