Accueil | Chronique par Bernard Marx | 10 mars 2021

Réforme de l’assurance-chômage : l’aptonymie de la ministre du Travail

Elisabeth Borne a remis sur la table une réforme indéfendable de l’assurance-chômage destinée à être appliquée par décret à partir du 1er juillet prochain. De quoi s’agit-il ? Pourquoi faire une telle réforme ? Quels seront les effets ? Et quelle réforme faut-il faire ? Mad Marx répond à tout.

Vos réactions
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

MAD MARX. Tout le monde n’a pas, comme moi, la chance de s’appeler Marx, comme Karl, ou Groucho et, cerise sur le gâteau, de se prénommer Bernard, comme Bernard Marx le héros du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley.

En matière d’aptonymie (c’est le nom donné à l’étude de la relation entre les patronymes et les activités de celles et ceux qui les portent), les références pour la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion sont plutôt à rechercher du côté du père d’Ubu, Alfred Jarry, ou d’Alphonse Allais. On leur attribue, en effet, alternativement la sentence « Quand on passe les bornes, il n’y a plus de limites ».

 

LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>>
Réforme de l’assurance-chômage : le Covid, c’est fini, on peut reprendre une activité normale ?

 

Et c’est ainsi, effectivement, qu’Elisabeth Borne a remis sur la table une réforme indéfendable de l’assurance-chômage destinée à être appliquée par décret à partir du 1er juillet prochain. Une réforme tellement indéfendable que même Dominique Seux ne l’a pas fait, face à Thomas Piketty vendredi 5 mars sur les antennes de France Inter. Et histoire de bien confirmer cette aptonymie, la ministre Elisabeth Borne a tiré en rafale, affirmant : « Je suis une femme de gauche et la justice sociale et l’égalité des chances sont les combats de ma vie. Et c’est en Emmanuel Macron que j’ai trouvé leur meilleur défenseur ». Et aussi : « Le gouvernement n’a de leçons à recevoir de personne sur la protection des plus fragiles ». Et encore : « La réforme que j’ai présentée hier est le fruit de six mois d’échanges ininterrompus avec les partenaires sociaux. Cette réforme veut lutter contre la précarité et assurer plus d’équité ».

Côté partenaires sociaux, justement, les cinq confédérations syndicales représentant les salariés ont publié un communiqué commun dans lequel ils affirment leur « profond désaccord » avec une réforme que l’un des dirigeants syndicaux qui n’est pas le plus radical, Laurent Berger, a qualifié « d’injuste, anachronique, incohérente et déséquilibrée ».

Mais regardons les choses de plus près. Et essayons de répondre aux questions basiques : de quoi s’agit-il ? Pourquoi faire une telle réforme ? Quels seront les effets ? Et quelle réforme faut-il faire ?

De quoi s’agit-il ?

Tout simplement de mettre en œuvre, à partir du 1er juillet de nouvelles règles restrictives de l’assurance-chômage, dans le droit fil de celles décidées par décret en juillet 2019.

Celui-ci contenait trois dispositifs de diminution des allocations :

  • Une réforme du calcul de l’allocation (mensualisation du salaire journalier de référence) pénalisant considérablement les travailleurs précaires et sur contrats courts renouvelés plus ou moins régulièrement.
  • Un allongement de 4 à 6 mois de travail pour l’ouverture des droits à une allocation et pour leur rechargement.
  • Une dégressivité de 30% des allocations chômage pour les salaires supérieurs à 4500 euros bruts.
  • Plus une disposition de bonus-malus sur les cotisations supposée inciter les employeurs à moins recourir au travail précaire et aux contrats courts.

Les dispositions concernant les modalités de calcul de l’allocation et l’instauration d’un bonus- malus sur les cotisations chômage avaient été retoquées par le Conseil d’État. Le gouvernement a suspendu les autres dispositions notamment celle concernant l’allongement des droits mais sans effet rétroactif et avec déjà des dégâts considérables constatés pour des dizaines de milliers de salariés précaires.

Et voici donc que le gouvernement décide de repasser ce plat pourri. À commencer, dès le 1er juillet, par le nouveau mode de calcul de l’indemnisation des demandeurs d’emploi, en fixant seulement une limite à la baisse. La dégressivité de 30% de l’allocation pour les rémunérations au-dessus de 4500 euros sera elle aussi enclenchée à compter du 1er juillet au bout de huit mois d’indemnisation (et donc effective à partir de mars 2022). L’allongement de la durée de travail conditionnant l’ouverture des droits à l’assurance-chômage pourra prendre effet dès le 1er octobre tout en restant soumise à des critères d’amélioration de la situation de l’emploi. Quant à la fausse fenêtre du bonus-malus… elle restera pour sa part fermée plus longtemps, au moins jusqu’en septembre 2022.

Quels seront les effets ?

Selon la CFDT, le nombre de perdants dans cette réforme (estimé en 2019 à 830.000 par l’Unedic) restera colossal. Certains demandeurs d’emploi dont les plus précaires risquant toujours de voir leur allocation baisser de 250 euros par mois en moyenne. Alors que la réforme de 2019 visait officiellement un objectif d’économie sur les prestations de 1 à 1,3 milliard d’euros, celle-ci devrait en réaliser le triple : de 3 à 4 milliards d’euros.

En pleine crise sanitaire, commente la CFDT, le gouvernement fait le choix de faire peser les efforts exclusivement sur les demandeurs d’emploi et qui plus est, sur celles et ceux dont la situation d’emploi est la plus précaire.

« Aie confiance » !

Encore ne s’agit-il ici que des effets les plus directs et les plus immédiats. En fait, l’acharnement gouvernemental a, au moins, deux dimensions :

  • D’une part, il fait franchir un pas supplémentaire dans la prise de contrôle de l’assurance-chômage par l’État et la technocratie, au détriment de la négociation et de la gestion paritaire par les organisations patronales et syndicales. Cela figurerait du reste explicitement dans le programme du candidat Macron. L’offensive est menée depuis des années. La suppression de la cotisation chômage des salariés remplacée par la CSG a mis en cause la légitimité des syndicats à participer à la gestion. En 2019, le gouvernement a fixé un cadre inacceptable à la négociation sociale pour mieux reprendre les choses en main et décider unilatéralement par décret. Aujourd’hui il décide à nouveau à la place des organisations sociales. En attendant d’autres étapes encore plus définitives comme celle préconisée par trois économistes influents et néolibéraux du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre [1]. Ceux -ci recommandent une emprise totale de l’État sur l’Unédic et l’assurance-chômage par son intégration dans la loi de Finance de la Sécurité sociale. On en connait les effets sur le système hospitalier. Comme l’explique l’économiste atterré Henri Sterdyniak, « ils prétendent rationaliser le système de prestations sociales, c’est-à-dire en fait supprimer la spécificité de l’assurance chômage en tant qu’assurance sociale ».
  • En second lieu, le gouvernement signe clairement l’ambition de revenir aussi vite que possible à la politique sociale et d’emploi d’avant la crise Covid. Celle des ordonnances Macron sur le code du Travail complétant la loi El Khomri, celle de la réforme des APL, de la réforme des retraites. Bref, celle de la politique de compétitivité par la « modération salariale », la baisse des cotisations sociales, la flexibilité de l’emploi et l’affaiblissement des pouvoirs de négociation des organisations syndicales. On était sur le bon chemin, explique ainsi François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, « indépendant » et en même temps entièrement d’accord avec le cap économique et social macronien. « La bonne nouvelle, explique-t-il dans le livre Retrouver la confiance en l’économie publié en février [2], c’est que globalement ces réformes ont porté des fruits : un million d’emplois nets supplémentaire créés entre 2016 et 2019. Un quart, soit autour de 250.000 emplois, est attribuable à l’effet des réformes selon les estimations de la Banque de France. Avec la baisse du coût du travail via les mesures fiscales et la simplification du droit du travail, les entrepreneurs avaient retrouvé l’envie d’embaucher. Il est essentiel, par- delà le rude choc Covid, de garder le fil de ces progrès collectifs ». Tout un programme que le gouvernement s’attache donc dès maintenant à mettre en œuvre. Quant à vouloir faire croire que c’est ainsi que l’on retrouvera la confiance perdue en l’économie, c’est un peu nous chanter la chanson du serpent Kaa du Livre de la Jungle.

 

La crise de la Covid n’est pas simplement une parenthèse extrêmement douloureuse. Elle a montré les dégâts qu’avaient produits cette politique sur les services publics, la capacité d’organisation de la puissance publique et sur l’économie en général. Certains parlent de déclassement de notre économie et d’impuissance de l’État. Ils sont aussi le fruit de cette politique effectivement aggravée ces dernières années.

Vouloir repartir sur la même voie, c’est-à-dire comme si de rien n’était, c’est pire qu’une erreur, c’est une faute majeure de politique économique. La priorité ne peut pas être la restauration des profits par la baisse des salaires « grâce » à la pression d’une dégradation de l’assurance-chômage et sa régression en un système d’assistance. C’est vouloir à la fois le beurre et l’argent du beurre : les profits et les débouchés. Et ceci d’autant plus que des secteurs particulièrement moteurs à l’échelle nationale (aéronautique, automobile, tourisme) font face à une remise en cause profonde de leur modèle productif. Comme l’affirme à juste titre l’économiste atterré Michel Husson, « il n’y aura pas de redémarrage de l’économie, ni de retour à une vie "normale" si ne sont pas effacées les cicatrices de la crise sur l’emploi et les conditions d’existence des salariés. Ce sont les pertes d’emplois qu’il faut récupérer, avant les pertes de profit ».

Ailleurs, aux États-Unis et en Asie, on mise prioritairement sur l’impulsion d’un plan de relance par la consommation massive. Comme l’explique le directeur de la recherche du groupe Xerfi, Olivier Passet. C’est une histoire que l’on a déjà connu après la crise de 2008-2009 : celle d’un retard à l’allumage même lorsque les vents sont porteurs. Et cela mine plus surement la croissance potentielle de l’Europe, dit-il, « que les réformes qu’elle n’aurait pas faite ».

Que faire ?

« Hier, aujourd’hui ou demain, pour vous, ce n’est jamais le moment de réformer l’assurance-chômage », a lancé la ministre du Travail au député Stéphane Peu qui osait critiquer son projet.

Au contraire, a commenté l’économiste Michael Zemmour spécialiste de la protection sociale sur Twitter : « Par exemple, ce serait le moment 1) d’étendre largement l’éligibilité, 2) d’allonger la durée d’indemnisation effective au vu du contexte, 3) de donner des vrais droits aux indépendant.e.s comme proposé dans le programme du candidat Macron ».

Et pour sa part, Henri Sterdyniak, souligne, à raison, l’actualité des propositions de réformes de l’assurance-chômage des économistes atterrés : « Rétablir les cotisations salariées à l’Unédic est la première des nécessités. La situation financière de l’Unédic serait rétablie si elle n’avait plus à financer Pôle emploi, et si l’État prenait en charge les coûts induits par le dépassement du taux de chômage d’un certain niveau (à partir de 7% par exemple). Chaque personne privée d’emploi, à la recherche effective d’un emploi à plein temps, devrait avoir droit à une prestation chômage fondée sur le salaire qu’elle touchait quand elle travaillait. Les jeunes à la recherche d’un premier emploi et les personnes en reprise d’emploi devraient avoir droit à une allocation d’insertion (permettant de cotiser pour la retraite). Les chômeurs de longue durée, sans espoir de retrouver un emploi normal, devraient avoir droit à une pension d’invalidité, à une retraite à plein temps ou à un emploi dans une collectivité locale, une association ou une entreprise à but d’emploi (en généralisant l’expérience des territoires zéro chômeur de longue durée). Le droit des syndicats à piloter l’assurance chômage devrait être pleinement assuré ».

 

Bernard Marx

BONUS. Trois mauvais arguments

Sans surprise, le décret a trouvé un défenseur en la personne de l’économiste et expert Stéphane Carcillo, le chef de la division Emploi et Revenus de l’OCDE, complaisamment interviewé sur BFM Business par Nicolas Doze.

 

LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>>
Gangrène de l’Université : la chasse au variant jésuito-gauchiste

 

Réduire l’indemnisation quand ça va bien

En premier lieu, réduire « l’indemnisation quand ça va plutôt bien », en voilà, selon lui, une idée qu’elle est bonne. « C’est bien pour accélérer la baisse du chômage. Parce que contrairement à ce que disent certains partenaires sociaux, toutes les études empiriques, dont on dispose, montrent que les chômeurs sont très sensibles à la durée d’indemnisation du chômage. Ils intensifient leur recherche d’emploi à l’approche de leur fin de droit ». Certes « cela marche moins bien lorsque l’économie est dans la situation actuelle », mais le décret organise la dégressivité dès lors que « le taux de chômage va passer en dessous d’un certain seuil . » Et ça, « c’est la très bonne approche ».

Sauf que cela dépendra de la rigueur effective des critères de retour à bonne fortune de la situation de l’emploi qui devrait correspondre à une baisse. Comme dit Henri Sterdyniak, « nous pourrions être tentés de dire "chiche" : quand le taux de chômage sera passé en dessous de 5%, avec une baisse importante du halo du chômage et du travail partiel contraint, une renégociation de l’indemnisation du chômage sera possible ». Mais évidemment ce n’est pas du tout ce qui figure dans le décret gouvernemental. Et surtout, l’idée que les chômeurs sont très sensibles à la durée de leur indemnisation, et que toutes les enquêtes empiriques le montrent, nous ramène à l’apostrophe présidentielle « Je traverse la rue et je vous en trouve du travail ». L’économiste Clément Carbonnier souligne, à juste titre, les limites et les effets pervers de ce genre d’analyse : « Des études empiriques trouvent effectivement une corrélation entre la générosité des systèmes et la durée du chômage, cet effet reste quantitativement très faible ». Il donne l’exemple d’un article récent sur les effets d’un rallongement de neuf semaines de l’indemnisation en Autriche. L’augmentation moyenne d’indemnisation de deux jours a été de seulement deux jours. « En revanche, explique-t-il, ce même article montre que le rallongement de l’indemnisation induit des salaires plus élevés à la reprise d’emploi, et surtout permet de limiter drastiquement la part des chômeurs retrouvant une rémunération bien plus faible qu’avant leur perte d’emploi. Bref ces deux jours supplémentaires en moyenne semblent ainsi permettre aux assurés de trouver un meilleur emploi, du moins un emploi mieux rémunéré ; on peut aussi espérer qu’il s’agit d’un emploi plus pérenne ».

Ce qui démontre, a contrario, que c’est la baisse des salaires et pas l’emploi pérenne qui constitue, selon Stéphane Carcillo, la bonne approche.

Les privilégiés de la permittence

Le deuxième bon point accordé au gouvernement par Stéphane Carcillo est qu’il met fin sans tarder au scandale des personnes embauchées répétitivement sur contrats très courts, ceux qu’on appelle les permittents. Ils et elles seraient plus de 1,7 million selon une étude de 2018 de l’Unedic. Et sans doute en fait plus de deux millions. Ce sont des allocataires qui travaillent : ils alternent petits boulots et périodes de chômage. Ce sont notamment les « extras » dans les restaurants, les hôtesses d’accueil dans les salons professionnels, les serveurs dans les mariages.

Or, ils bénéficient entre deux contrats d’indemnités chômage comme s’ils travaillaient à temps plein du fait des règles de calculs sur les salaires des jours travaillés et des conditions de recharge des droits. Il y a donc, explique Stéphane Carcillo, des gens qui vont avoir un revenu supérieur à celui des salariés à mi-temps en CDI et qui vont tirer de l’assurance-chômage un revenu au total supérieur à celui de leur activité. Une inégalité et un privilège insupportables. Cela n’incite pas les salariés concernés à rechercher des emplois stables à plein temps et cela coûte cher à l’assurance-chômage, affirme l’économiste de l’OCDE qui félicite le gouvernement de vouloir y mettre fin d’urgence car, selon lui, la reprise peut être forte dans les secteurs les plus concernés par le phénomène.

Sauf que, pour le Conseil d’État, c’est au contraire la suppression de ce système d’indemnisation qui constituerait une rupture d’égalité et qu’il l’a, de ce fait, rejeté.

Sauf que ces privilégiés le sont à ce point que le gouvernement a du leur accorder il y a juste trois mois, non pas une prime comme il s’en est vanté, mais un complément de revenus permettant d’atteindre de 900 euros mensuels.

Sauf que, l’étude de l’Unedic établit que ces privilégiés disposaient avant la crise Covid de revenus très modestes. Moins d’un sur deux cumulent en réalité salaire et allocation chômage avec un revenu moyen de 1480 euros. Les indemnisés, eux, disposent d’un revenu de 830 euros en moyenne issu de leur activité et 490 euros issu de l’allocation chômage, soit au total 1320 euros. Autre point notable, les femmes sont majoritaires. Les privilèges ça les connait !

Et, contrairement ce que prétend Stéphane Carcillo, ce ne sont pas les règles d’indemnisation qui font la précarité et ôtent l’envie d’en sortir. L’étude établit qu’« une grande majorité des allocataires en emploi souhaiterait travailler plus, ou de manière plus pérenne, cela quel que soit leur contrat actuel. » Cela ne dépend pas évidemment pas d’eux mais des employeurs et de l’écosystème de ces activités. Qui peut croire qu’ils vont, cet été, embaucher à plein temps parce que les règles d’indemnisation des salariés permittents qu’ils réembaucheraient seront durcies ?
Bref si les règles d’indemnisation sont plus favorables pour les permittents que pour les salariés à temps partiel subi, aligner les premières sur les secondes, c’est du dumping social et c’est évidemment l’inverse qu’il faudrait faire.

La dette, forcément la dette !

La troisième justification de la politique gouvernementale pour Stéphane Carcillo c’est…la dette de l’assurance-chômage. On atteint 70 milliards d’euros cette année. «  C’est monstrueux ! », commente sobrement Nicolas Doze. « Il faut la faire rentrer dans les clous », approuve Stéphane Carcillo. Certes, il est normal qu’il y ait un déficit en période de crise, comme aujourd’hui mais ce qu’il faut c’est le supprimer le plus vite possible et que l’assurance-chômage génère des « excédents en période d’excédents » (sic). Et comme ce ne sont pas les partenaires sociaux qui vont le faire, il est donc nécessaire d’étatiser la gestion du système.

Face à un tel argumentaire le plus sidérant fut d’entendre sur le plateau de BFM Business le silence de l’économiste Anne-Laure Delatte chercheuse au CNRS. Elle est l’une des signataires d’une tribune à la fois anti-annulation de la dette détenue par la BCE et en même temps anti-austérité. Cette tribune commence de la façon suivante : « Alors que la sortie de la crise sanitaire n’est pas en vue, la petite musique de l’austérité commence à se faire entendre. L’État s’est porté au chevet d’une économie entravée par les restrictions sanitaires, mais, selon certains, il faudrait déjà rembourser la dette nouvellement contractée par des coupes dans les retraites et les services publics, ainsi que par des hausses d’impôts pour le plus grand nombre. Rien ne serait plus mortifère. » Et là face à quelqu’un qui faisait entendre non pas la petite musique, mais le moteur déjà vrombissant de cette politique… silence !

De quoi donner raison aux collègues et amis qui prônent une annulation. Et pourtant même sans cela il y avait des biens des choses à dire, comme le fait du reste Henri Sterdyniak qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas un partisan de l’annulation :
que l’Unédic serait en excédent si l’État ne lui imposait pas la charge du fonctionnement de Pôle emploi.

Qu’elle le serait aussi si l’État prenait à sa charge les coûts financiers d’un taux de chômage supérieur à un certain niveau (7 ou 7,5%).

Qu’en 2020 face à la crise Covid l’État a encore chargé la barque, il a mis à la charge du système d’assurance chômage le tiers du coût du dispositif de chômage partiel mis en place durant la crise sanitaire. Autant de dettes que l’on pourrait qualifier d’illégitimes.
Bref pour dire quelque chose de gauche ou même pour dire quelque chose Anne-Laure Delatte aurait pu réclamer au minimum et d’urgence que le gouvernement intègre la dette sociale Covid (celle de l’assurance chômage comme celle des autres branches de la protection sociale) dans la dette publique d’ensemble et non pas de la traiter à part.

 

B. M.

Notes

[1Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo, Camille Landais : Repenser l’assurance-chômage : règles et gouvernance. Note du Conseil d’Analyse Economique, janvier 2021.
Pierre Cahuc, professeur à Sciences Po, est le sinistre contempteur du prétendu négationnisme des économistes hétérodoxes ; Stéphane Carcilo est chef de la division Emploi et Revenus de l’OCDE ; Camille Landais est professeur à la London School of Economics (LSE). Leur note a été très pertinemment analysée et critiquée notamment par l’économiste atterré Henri Sterdyniak et par Clément Carbonnier, professeur d’économie à l’université Paris 8 ().

[2François Villeroy de Galhau : Retrouver confiance en l’économie. Odile Jacob, février 2021

Vos réactions
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

Vos réactions

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.