« La femme a toujours été, sinon l’esclave de l’homme, du moins sa vassale ; les deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité ; et aujourd’hui encore, bien que sa condition soit en train d’évoluer, la femme est lourdement handicapée. En presque aucun pays son statut légal n’est identique à celui de l’homme et souvent il la désavantage considérablement. »
Cette phrase pourrait être écrite en 2020. Elle est pourtant issue du Deuxième Sexe, paru en 1949. En presqu’un siècle, tant la condition des femmes en France que les mesures censées l’améliorer, n’ont pas bougé. Ce alors que, chez les femmes, les discours convergent, les langues se délient, les scandales éclatent, les chiffres s’affinent et parlent toujours mieux d’eux mêmes.
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Aujourd’hui encore, un journal national qui a pour emblème une femme dévêtue peut commander un sondage à l’IFOP sur les tenues vestimentaires des femmes à l’école (et en dehors) dans un objectif de contrôle de leurs corps. Aujourd’hui encore, les femmes en vacances peuvent être sommées de se recouvrir par des gendarmes parce qu’elles bronzent seins nus sur une plage, de nouveau dans un objectif de contrôle de leurs corps. Aujourd’hui encore, les femmes politiques, représentantes du peuple et élues démocratiquement, peuvent être traitées de sale pute par leurs homologues masculins, comme Alexandria Ocasio-Cortez a pu en faire les frais. Aujourd’hui encore, leurs propres corps comme les espaces publics dans lesquelles ceux-ci se meuvent – civil, politique, médiatique - n’appartiennent simplement pas aux femmes.
Sans que cette question soit prise sérieusement et frontalement par nos représentants, en premier lieu par le ministère chargé de l’égalité, ministère dont c’est précisément le travail et l’ambition.
Aujourd’hui encore, les femmes sont épuisées. Outre tous les critères de validation sociale auxquelles elles doivent depuis toujours se plier – être à la fois mère, amante et ménagère –, les femmes doivent réussir professionnellement et économiquement pour être socialement admises. Elles ne doivent pas non plus oublier d’être présentables, et en cela, les codes esthétiques qui les gouvernent pour pouvoir exister dans le monde se sont aussi musclés : ils sont, malgré les apparences, plus contraignants que jamais. Il faut désormais avoir des rondeurs, mais seulement à quelque endroit précis (seins, fesses), ce qui plonge une bonne quantité de femmes dans un gouffre financier pour tantôt recourir aux coachs sportifs tantôt au bistouri, enrichissant au passage l’économie mensongère mais prospère de la jeunesse éternelle des femmes. Rien d’étonnant dans une société de l’apparence, mais l’omnipotence des réseaux sociaux fait intervenir ces codes dès le plus jeune âge (voir TikTok, qui frôle la pédopornographie, et Instagram), raccourcissant encore les années d’innocence des filles, des femmes, sur leur propre condition. C’est ainsi que les plus braves d’entre nous persévèrent dans un couloir très étroit de contraintes sociales avant que ces dernières ne les achèvent quelque part entre plafond de verre et inexorables signes de vieillissement, autour de 50 ans pour les plus chanceuses, soit la moitié d’une vie d’homme.
Sans, encore, que cette question soit prise sérieusement et frontalement par nos représentants, en premier lieu par le ministère chargé de l’Égalité, ministère dont c’est précisément le travail et l’ambition.
Ce vaste chantier qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes avait pourtant été annoncé comme « la grande cause nationale du quinquennat ». Or, rien dans la politique menée par Emmanuel Macron ces trois dernières années n’a mené, de près ou de loin, à une amélioration des conditions des femmes.
Les femmes à l’épreuve du Covid
Ces récents mois, l’épidémie du Covid-19 a rappelé avec force l’inaltérable inégalité entre les femmes et les hommes : les restrictions de mouvement obligées par la pandémie ont entraîné une hausse accablante des violences domestiques. Une écrasante majorité des femmes a multiplié et étiré sa charge mentale et physique entre vie professionnelle, familiale, sentimentale et ménagère au quotidien, ce six mois durant. Le confinement a opéré comme une loupe grossissante des dysfonctionnements structurels de notre société. Ainsi, pendant le confinement, 83% des femmes vivant avec enfants ont consacré plus de 4h par jour à leur progéniture, contre 57% des hommes. Parmi les personnes en emploi, les mères ont 2 fois plus souvent que les pères, renoncé à travailler pour garder leurs enfants (21% vs 12%), au risque de perdre leur emploi. Plus grave encore : parmi les personnes en emploi n’ayant pas bénéficié de l’autorisation spéciale d’absence pour garde d’enfant, 80% des femmes passaient plus de 4h quotidiennes avec les enfants (versus 52% des hommes) et 45% assuraient une double journée vs 29% des hommes.
Sans, encore, que cette question soit prise sérieusement et frontalement par nos représentants, en premier lieu par le ministère chargé de l’Égalité, ministère dont c’est précisément le travail et l’ambition.
Ce vaste chantier qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes avait pourtant été annoncé comme « la grande cause nationale du quinquennat ». Or, rien dans la politique menée par Emmanuel Macron ces trois dernières années n’a mené, de près ou de loin, à une amélioration des conditions des femmes. C’est d’ailleurs une promesse qui ne peut qu’être vaine si l’on s’en tient aux symboles politiques les plus forts que le gouvernement ait pu donner en la matière : les nominations de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur et d’Éric Dupont Moretti au ministère de la Justice au moment du remaniement ministériel de juillet 2020 écrasent le reste. Elles sont d’un sexisme sans nuance, un sexisme d’État. Mais c’est peut être la tiédeur de la réaction de l’opinion à cet enchaînement de positions officielles qui est la plus grave : ces dernières n’ont créé tout au plus des remous de rue de quelques femmes rapidement tues. Jamais ce remaniement de la honte n’a été disqualifié.
La mascarade du féminisme du gouvernement
Ce alors même que ces nominations révèlent la farce de la Macronie sur la question, et obèrent le mouvement de libération de la parole des femmes, puisqu’elles le rendent vain. Depuis 2017, le mouvement #MeToo semble donc moins avoir été catalyseur de politiques publiques radicales pour la cause féminine qu’une boîte de Pandore à scandales. Alors que les violences envers les femmes – toutes les formes de violence, comme la nomination d’un ministre accusé de viol – se faisaient dans l’ombre, elles sont désormais, sinon connues de tous, exercées publiquement, comme ce fameux sondage IFOP pour Marianne qu’Elisabeth Moreno n’a même pas daigné condamner, sinon commenter.
Sans, donc, que cette question soit prise sérieusement et frontalement par nos représentants, en premier lieu par le ministère chargé de l’Égalité, ministère dont c’est précisément le travail et l’ambition.
La question se pose : à quoi peut bien servir notre ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes !? Les institutions mises en place par Emmanuel Macron font bel et bien défaut sur les processus d’inégalisation des femmes dans la société, par manquement, par silence, ou même délibérément (rappelons-nous la très fraîche tentative de censure du livre Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange). Il faut dénoncer cette mascarade.
Mahaut Chaudouët