La défaite de la Bérézina, en Russie, ne fut pas l’acte final du Premier empire. Elle fut toutefois un signal. Napoléon Ier n’y vit qu’un effet de conjoncture. Il continua comme si de rien n’était. À l’arrivée, il y eut Waterloo. Depuis le début des années 1980, le PCF a connu quelques soirs de Bérézina électorale. Il peut encore éviter un Waterloo. Ce n’est pas de l’intérêt des seuls communistes. Même amputé, le trésor municipal communiste est le grand point d’appui territorial d’une gauche bien à gauche. Le faire vivre en gardant l’espérance de sa relance future devrait ainsi être l’objectif de tous ceux qui ne se résignent pas à une gauche d’abandon.
Mais le recul enregistré par les mairies communistes doit être interprété pour éviter sa reproduction. Et pour cela, il faut regarder la réalité en face, telle qu’elle est. Il ne suffit pas de déclarer que le recul de la gauche est de la responsabilité du gouvernement socialiste, même si celle-ci est décisive. Pour analyser et redresser la barre, partons donc des chiffres réels. Quelques-uns ont été fournis sur le site de Regards. En voici quelques autres.
1. Les communes de plus de 1.000 habitants
Les analyses précédentes, présentées sur le site de Regards, portaient sur les villes de plus de 3.500 habitants. Le tableau ci-après porte sur les communes de plus de 1.000 habitants, dont le maire était considéré comme communiste ou apparenté. L’échantillon porte ainsi sur 363 communes, soit la moitié du total des maires de 2008 (726). Le fichier utilisé est celui établi en 2008 par l’Association nationale des élus communistes et républicains. C’est en comparant ce fichier avec l’état au soir du second tour que les tableaux suivants ont été préparés.
En première analyse (sous réserve de vérifications ultérieures), le nombre de pertes s’élèverait à 103 et les gains à 9, soit un déficit de 94 communes (27 % du total de départ). La ventilation par taille de commune (tranches de nombres d’habitants) est la suivante, avec pour chaque tranche une régression de 25%.

Au total, sur l’ensemble des municipalités (de moins de 1.000 habitants comprises), les pertes de 2014 pourraient s’avérer parmi les plus importantes depuis trente ans. Entre 1983 et 1989, le PCF avait perdu la gestion de 336 communes (23 % des effectifs initiaux). Il en a perdu 251 (22 %) au scrutin de 1995, 87 (10 %) à celui de 2001 et 61 (8 %) à celui de 2008.

Le décompte pour 2014 de la totalité des communes de moins de 1.000 habitants n’a pas été fait ; pour l’instant le déficit se situe autour de 90-95 pour les communes de plus de 1.000. Si la tendance est la même sur les petites communes, la perte tournerait autour de 25 %.
2. Le cas de l’Île-de-France
La rétraction de l’espace municipal a été particulièrement sensible en Ile-de-France. Le graphique ci-après illustre le phénomène. On y indique le pourcentage de la population administrée par un maire communiste ou apparenté en 2008 et en 2014.

Évolution du PCF depuis 1977 en petite couronne
1983 : 8 pertes (Chatillon ; Levallois-Perret ; Sèvres ; Gagny ; Montfermeil ; Neuilly-Plaisance ; Rosny ; Joinville)
1989 : 10 pertes (Antony ; Le Plessis-Robinson ; Aulnay ; Dugny ; Noisy-le-Grand ; Villepinte ; Limeil-Brévannes ; Orly ; La Queue-en-Brie ; Villeneuve-Saint-Georges)
1995 : 2 pertes (Clichy-sous-Bois ; Sevran)
2001 : 7 pertes (Colombes ; Drancy ; L’Ile-Saint-Denis ; Pantin ; Romainville ; Arcueil ; Villeneuve-le-Roi) et 2 gains (Sevran ; La Queue-en-Brie)
2008 : 4 pertes (Aubervilliers ; Montreuil ; Noisy-le-Sec ; Pierrefitte) et 2 gains (Villepinte ; Villeneuve-Saint-Georges)
2014 : 7 pertes (Bagnolet, Blanc-Mesnil, Bobigny, Saint-Ouen, Villejuif, Sevran, Villepinte [1]) et 2 gains (Aubervilliers, Montreuil)
Un jour il faudra nous expliquer pourquoi l’implantation territoriale serait un "point d’appui" à une politique de gauche et sortir des idées toutes faites qu’on ressasse à cet égard comme si elles allaient de soi. Dans la dernière période, on a vu au contraire à quel point cette implantation et les brouillages qu’elle induit nécessairement ont constitué un frein à l’extension de notre influence politique. Ce sont là des idées d’élus locaux, pas des idées de militants politiques. Sauf à considérer que le seul moyen d’accéder au pouvoir par la voie des urnes est de reproduire les stratégies mises en oeuvre par le PS et la droite dans d’autres situations et d’autres temps pour répondre à d’autres objectifs que les nôtres, rien ne devrait nous conforter dans une telle approche intellectuelle qui nous condamne à l’échec en ignorant le fonctionnement réel de la société et en dévoyant nos énergies.
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