Les images tournent en boucle : mobilier urbain saccagé, concessions automobiles détruites, McDonald’s en feu. Pourquoi se priver ? Ce genre de scènes fait le miel des chaînes d’information en continu. Au-delà de l’instrumentalisation politique bien réelle, les faits sont là et ne peuvent être éludés, ce 1er Mai à Paris a bien été confisqué par la mouvance autonome et autre black blocs.
Exit la mobilisation sociale, les revendications contre la politique de Macron, place au spectacle désolant et totalement contre-productif d’une pseudo guérilla urbaine à bon compte. Tout de noir vêtu, cagoulé, muni de l’indispensable sac à dos, il y a tout de la burqa paramilitaire dans le dresscode des "vedettes" du jour.
Nihilisme régressif
La police a-t-elle sous-estimé, en amont, l’afflux de ces black blocs qui, pourtant, avaient annoncé de longue date vouloir faire de ce jour un lieu de confrontation ? La question est légitime. A-t-elle été débordée ou s’est-elle laissée déborder ? Le débat n’est pas sans importance. Lorsque le secrétaire national de l’UNSA police, David Michaux, indique que « Les consignes, pour la plupart du temps, étaient d’intervenir rapidement dès lors qu’il y aurait des mouvements, précisant que là, le problème est que l’ordre n’est pas venu tout de suite », on ne peut que s’interroger.
Qu’un pouvoir politique cherche à utiliser à son profit de tels agissement, cela s’est déjà vu. Mais à moins de sombrer dans un complotisme absurde et faux, ce n’est pas Gérard Collomb qui est à l’origine des débordements, mais bien une mouvance habituellement qualifiée d’"ultra gauche". Comme tout parasite, cette dernière vient se greffer sur des mobilisations en cours auxquelles à vrai dire, elle n’accorde que peu d’intérêt.
Quel bilan tirer de la journée d’hier ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Le gouvernement vacille ? Wall Street s’effondre ? Le Medef tremble ? À l’évidence non, au contraire. De plus en plus, certains hésiteront à se rendre à une manifestation en famille – avec quelques raisons. Vue de loin, cette violence nihiliste ne peut produire qu’une distanciation vis-à-vis de la mobilisation sociale et une aspiration à l’ordre, c’est à dire à de nouvelles régressions démocratiques. Quel succès !
Impasse stratégique
La violence envers l’État ne se manie pas impunément, elle doit être comprise, légitime. Rien de tout cela dans le cas présent, mais plutôt une fascination inquiétante pour la violence, voire une résurgence dégénérée de ce que fut le blanquisme en France au XIXe siècle : l’idée qu’un petit groupe déterminé, à lui seul, sans chercher à convaincre ni à rallier la masse de la population, pourrait obtenir des victoires décisives. Des narodniks russes à la fin du XIXe siècle, en passant par les Brigades rouges italiennes, on connaît de longue date l’impasse d’une telle stratégie.
Pourtant, il faut le reconnaître, celles et ceux qui accompagnent le "cortège de tête" étaient plus nombreux que d’habitude. Cela relève parfois d’une forme de voyeurisme, de curiosité malsaine, mais aussi pour une certaine frange de la jeunesse, d’une volonté d’accompagner ceux qui recherchent l’affrontement en ne partageant pas leurs méthodes, mais sans pour autant vouloir se dissocier d’eux. Ce constat est sans doute le résultat de trop longues années où les mobilisations traditionnelles ont été systématiquement défaites, faisant grandir tout à la fois un sentiment de rage et d’impuissance.
Au fond les black blocs ont la même fonction que les bandes qui détroussaient les lycéens – surtout de banlieue – il y a quelques années : celle de la destruction du mouvement social. Ceux qui, hier comme aujourd’hui, voient dans ces agissements une forme d’action, certes exagérée, mais qui serait le signe d’une radicalisation tout de même positive se trompent lourdement.
Après le lumpenprolétariat apparaît donc désormais un lumpenmanifestant, tout aussi nocif aux combats pour l’émancipation. Les mobilisations victorieuses ne pourront advenir à nouveau qu’en le combattant et le marginalisant politiquement.
C’est Le Point qui vous souffle vos titres ou ça vient tout seul ? (Diane, un peu éberluée.)
Répondre