Thomas Huchon est journaliste et réalisateur pour Spicee.
Regards. Qu’on se le dise, cette interview n’est qu’un rouage de l’entreprise de délégitimation des lanceurs d’alerte d’un complot mondial, c’est bien ça ?
Thomas Huchon. Exactement ! C’est notre petite pierre à la grande entreprise de manipulation des masses... [rires] Il ne faut jamais oublier que les journalistes sont systématiquement les complices du mensonge, pour les complotistes.
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Les théories du complot fonctionnent si elles comportent un minimum d’éléments véridiques. Avec le risque que les spectateurs ne fassent pas le tri entre le vrai et le faux, malgré les énormes incohérences...
Une théorie du complot, c’est comme une recette de cuisine, il faut des ingrédients différents : des mensonges mais aussi du vrai – du moins des choses qui ont l’apparence du vrai, qui se rattachent un peu à la réalité. Une théorie du complot trop ancrée dans des choses lunaires marchera moins bien : par exemple l’histoire de la Terre qui serait plate. En fait, ce sont des croyances et des mensonges qui se parent de la réalité et de la rationalité. C’est donc une immense inversion du système de valeur. Le risque, en effet, c’est que les gens ne soient pas capables de faire le tri. Ce film joue sur les émotions et la peur – et non pas sur la réflexion et sur des faits concrets –, donc on va réfléchir avec émotion. On a tous peur face à cette situation très contraignante, très difficile à vivre, alors nous cherchons des solutions. Et, comme bien souvent, celui qui amène des réponses simplistes, simplifiées, à de fortes chances de gagner la bataille. Quand on observe ces mensonges, on le fait de notre point de vue : avec une forme de rationalité. C’est une erreur, car on imagine alors que ceux qui disent n’importe quoi le font avec rationalité. Prenons un exemple, celui des élections américaines : les républicains sont en train de gagner le Sénat, ce qui veut bien dire qu’ils ont suffisamment de votes pour battre les démocrates. Or, le bulletin de vote est le même que celui qui sert à élire le président des États-Unis. Ceux qui accusent les démocrates de tricher pour faire élire Joe Biden affirment donc qu’il y aurait une manipulation sur les votes pour les présidentielles, mais pas de manipulation pour les sénatoriales alors que les voix proviennent des mêmes bulletins de vote. Je crois qu’il y a quelque chose qui ne colle pas dans cette théorie, et pourtant, des gens tombent dans le panneau.
« C’est le cauchemar de Jean-Luc Godard : la démocratie, ce n’est pas "cinq minutes pour les Juifs et cinq minutes pour Hitler". Eh bien si, et ça s’appelle Facebook. »
Comment fait-on pour lutter contre ?
La vraie seule solution pour lutter efficacement et à long terme contre tous ces phénomènes de désinformation, c’est l’éducation. Il faut développer l’esprit critique des plus jeunes, leur donner les capacités de vérifier les informations, mais aussi pour les plus vieux qui se font aussi avoir par ce genre de discours. On dit souvent que les jeunes sont les plus sensibles aux théories du complot – c’est sûr que leur manière d’accéder à l’information passe quasi exclusivement par Internet leur pose bien des problèmes – et pourtant, de nombreuses études sociologiques montrent que 60% des fake news partagées sur Facebook le sont par des gens de plus de 60 ans. Ce n’est pas tant un problème générationnel que notre chemin d’accès à l’information. Les jeunes vont grandir, mûrir, évoluer et leurs opinions aussi. Mais le fait qu’ils soient soumis si jeune à des phénomènes de désinformation aussi massifs, aussi puissants, qui utilisent autant de données personnelles pour les cibler à leur insu sur des caractéristiques psychologiques dont ils n’ont pas forcément conscience, ça pose un vrai problème. Si les générations d’avant ont pu passer de l’adolescence à l’âge adulte en évoluant sur un certain nombre de questions, c’est aussi parce qu’on avait accès à une information de qualité, qu’on lisait des livres, des encyclopédies, qu’on allait à la bibliothèque et que, quand on voulait se faire vacciner, on posait la question à son médecin et pas à Google. Il y a quand même quelque chose qui doit nous inquiéter, à terme, sur l’impact pour ces jeunes générations. Le problème n’est pas tant sur ce qu’ils croient ou ne croient pas que sur leur rapport à la valeur des choses. C’est le cauchemar de Jean-Luc Godard : la démocratie, ce n’est pas « cinq minutes pour les Juifs et cinq minutes pour Hitler ». Eh bien si, et ça s’appelle Facebook. La responsabilité des plateformes – qui gagnent beaucoup d’argent en laissant circuler n’importe quoi – est immense.
Qu’est ce qui vous a le plus interpellé avec « Hold-Up » ?
C’est vraiment un tout. C’est un méga combo de tout ce que les conspis ont fait depuis vingt ans. Il y a la forme, le fond, les méthodes, les mensonges, des gens qu’on crédite de choses qu’ils n’ont pas faites, des gens qu’on laisse passer pour des experts alors qu’ils ne le sont pas. On a même des personnes interviewées qui changent de profession au milieu du film. Du coup, on ne sait même plus quel est son boulot, s’il a un boulot. En tout cas, il n’y a pas 200.000 euros dans ce film. J’en fais des films, là, je ne les vois pas. Ça interpelle aussi sur la responsabilité des plateformes de financement, qui ont toutes pris des commissions sur l’argent qui a été levé pour ce film.
N’est-ce pas peine perdue ? De toute façon, toute tentative d’explication sera perçue comme un mécanisme de défense du système... Ne vaut-il pas mieux répondre par l’ignorance, voire la dérision, afin d’éviter un effet Streisand ?
L’humour, c’est toujours une bonne idée. Ça met un peu de distance et d’intelligence. Après, oui, ces débunkings, ces déconstructions, c’est peine perdue pour ceux qui croient à toutes ces histoires, mais elles ne le sont pas du tout pour le reste de la population. L’immense majorité de nos concitoyens n’est pas complotiste ! Pour tous ceux-là, il faut qu’il y ait un travail fourni pour expliquer ce qui se dit dans ce film, est-ce que c’est vrai, est-ce que c’est vérifié, etc., et les prémunir face à des délires. Prenons l’exemple de « Loose Change », le premier blockbuster complotiste de l’histoire sur le 11-Septembre, sorti en 2005. Si, à cette époque, on avait eu tous les médias de la place de Paris pour déconstruire les mensonges du film, on n’aurait pas passé dix ans à courir après les complotistes. Ce travail de fact-checking ne fait pas qu’opposer des arguments à ceux qui croient à ces théories. Il va aussi servir aux enseignants, qui sont démunis face à leurs élèves.
Prenons un peu de recul. Notre système politique chancelle. La démocratie va mal. Le débat, ou ne serait-ce que le dialogue, est devenu compliqué, pour ne pas dire impossible. Les réseaux sociaux nous pourrissent la vie plus qu’ils ne nous la rendent meilleure. Les politiques nous prennent pour des enfants. Les médias naviguent au fil des événements sensationnels. Tout ce climat délétère, n’est-ce pas le plus beau terreau du complotisme ?
C’est une partie du terreau. Bien entendu que les menteurs se nourrissent de nos erreurs, de nos approximations. Quand, quelques jours après les élections, Donald Trump prend la parole et dit n’importe quoi, les chaînes de télévision le coupent en direct, parce qu’elles estiment qu’elles ne peuvent pas diffuser cela. Elles ont raison de le faire, c’est leur rôle. Et qu’est-ce qu’il se passe ? En jouant le rôle d’arbitre, il passe pour toute une partie des Américains pour des partisans. C’est dans cette espèce d’horrible dynamique qu’il y a quelque chose de très désagréable et, surtout, de très dangereux pour nous tous. Sans arbitre, il n’y a pas de match de foot. Derrière l’idée que nos sociétés libres sont systématiquement et totalement libres, on oublie qu’il y a des règles, qui ne sont pas forcément des lois. Mentir, ça n’est pas interdit. On pense juste, collectivement, que la vérité, c’est mieux. Il y a bien l’article 27 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui punit le mensonge, mais elle n’a quasiment jamais été appliquée, car c’est quasiment impossible de prouver un mensonge. Je crois qu’il faut surtout qu’on arrive à recréer un lieu où l’on partage, débat, discute, vit ensemble. Le problème des théories du complot, c’est qu’elle crée un mur de Berlin entre les gens, une séparation totale de la société qui peut avoir des conséquences très graves sur tout un tas de choses beaucoup plus compliquées que le simple fait de regarder des films sur Youtube.
Propos recueillis par Loïc Le Clerc
La dictature arrive au bout du rouleau..
" Ils" feignent de bomber le torse, mais ils savent qu’ils sont cuits, et que la conspiration montée patiemment depuis plusieurs dizaines d’années par le Nouvel Ordre Mondial, (en fait à peine la fumée de la chute du nazisme retombée), a complètement foiré..!!.. ...
Dans pas longtemps, ils seront obligés de détaler en courant, comme les collabos en Août 1944...!!!..
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