La ville de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) semble être bloquée dans les années 70. Le 9 janvier, après un teasing de plusieurs jours, celle-ci affiche fièrement sa nouvelle campagne de pub sur deux pleines pages du journal La Provence. L’édition marseillaise est choisie, la frappe est forte, comme le coût on l’imagine, probablement plusieurs milliers d’euros.
LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>> La « misandrie » : une hostilité édentée
Sur la première page, une femme en gros plan affiche fessier et string de bain. « Après cette année de stress, La Ciotat vous offre un instant de détente ! », propose la mairie, épicurienne. La seconde montre un homme en maillot long « parce qu’il en faut pour tout le monde... », explique-t-on moins enflammé. Visiblement satisfaite de ces œuvres, la municipalité les placarde sur ses réseaux sociaux, et le zoom lubrique sur le string de bain se retrouve sur le site de la mairie. Stupeur et tollé dans la ville en pleine crise sanitaire.
Bad buzz
Les réseaux sociaux s’enflamment, le buzz est là. Pas tout à fait cependant celui souhaité à l’hôtel de ville. En quelques heures associations et opposants communiquent unanimement leur indignation, même la Ligue des Droits de l’Homme s’en mêle. Et les médias locaux relaient le scandale. « Nous demandons à la Municipalité de jouer la transparence en matière d’utilisation de fonds publics. À combien s’élève cette campagne de publicité sexiste ? », demandent les colistiers de l’opposition de la gauche rassemblée (Plus que jamais La Ciotat nous rassemble). Le manque de goût de cette com’ préhistorique déclenche aussi toutes les ironies, les détournements d’affiches fleurissent sur Twitter, comme toutes sortes d’interprétations et de bons mots. « Nous sommes tout de même un peu déçus du point de vue dorsale adopté, on pourrait même se laisser aller à penser que les personnages quittent la ville plutôt qu’ils ne se réjouissent d’y venir... », ironise l’élue de gauche Mariann Chrétien.
Dernier pompon du StringGate : les prénoms « Louise » et « Benoît » inscrits sur les affiches. Il s’agit en réalité d’une reprise de gadgets de com’ déjà utilisés pour la campagne LR des municipales. Ces deux personnages fictifs étaient dans leur programme et personne n’avait rien compris à cette histoire. Étonnant donc de les voir réutilisés aujourd’hui avec les finances publiques sur des affiches de la ville. Contacté par nos soins, le responsable du service communication de la mairie, Antoine Rouzaud, n’a pas répondu à nos sollicitations, boîte vocale « pleine », nous dit-on. Ça l’affiche mal ! Sur Instagram et Facebook, tout est toujours en ligne. Solide comme un roc, la maison saumon ne fléchit pas face aux demandes de retrait des publications. Le monde d’avant ne se laissera pas intimider !
« Aurait-il fallu mettre pour la promotion d’une station balnéaire des personnes en vêtements de ski ou en burkini ? Je n’ai rien contre les gays, mais beaucoup contre les cons ! »
Patrick Boré, ancien maire de La Ciotat
Justifications lunaires
Comble de toute cette histoire : La Ciotat est dirigée par une femme, Arlette Salvo (LR), qui rase les murs depuis samedi dernier. On imagine mal en effet comment elle a pu valider une idée pareille. C’est de toute façon l’ancien maire, le sénateur (LR) Patrick Boré, qui se charge de répondre aux accusations sexistes sur la page Facebook de la ville. « Aurait-il fallu mettre pour la promotion d’une station balnéaire des personnes en vêtements de ski ou en burkini ? », demande l’élu, visiblement toujours patron en coulisses malgré son récent passage de flambeau pour rentrer au Sénat.
Dans un fatras d’arguments douteux, l’édile compare la démarche aux calendriers des Dieux du stade. Étonnante référence pour celui qui semblait bien moins gay-friendly il y a quelques années au vu de ses positions contre le mariage pour tous, et de son procès perdu en 2016 face à deux opposants dénonçant son homophobie. En roue libre total, il conclut son argumentaire avec autant d’élégance que ses affiches : « Je n’ai rien contre les gays, mais beaucoup contre les cons ! » L’invitation à la détente a trouvé preneur. Manque de bol, les visuels proviennent d’une banque d’images new-yorkaise, le photographe est biélorusse, la localisation... Bali. Rien donc de cela n’est possible à La Ciotat. Retour tout habillé au couvre-feu. Et accessoirement en 2021.
Jonathan Trullard