C’était en 2001, lors du premier colloque Bioéthique et citoyenneté, que nous avions organisé avec Lucien Sève notamment, que j’ai rencontré Axel Kahn. Nous étions tous les deux opposés au clonage embryonnaire. L’année suivante, l’objet de notre engament commun fut l’opposition au brevetage du vivant. Nos routes se sont ensuite croisées régulièrement : de la solidarité aux sans-papiers à nos réserves communes sur légalisation de l’euthanasie, du droit au logement en passant par l’avenir de la gauche.
Je n’ai jamais partagé son laboratoire même si j’ai fait mon DEA (plein de retrovirus !) chez une autre grande figure de la recherche scientifique Anne Weber au sein de l’institut Cochin que dirigeait Axel Kahn. J’ai alors passé mes nuits au milieu des milliers de rats de son animalerie au sixième étage de la fac de Cochin...
Un intellectuel engagé
Ce grand chercheur est avant tout l’incarnation contemporaine de l’intellectuel engagé. Comme Voltaire en son temps, comme Zola, Marie Curie ou Simone de Beauvoir, Axel Kahn n’imaginait pas s’enfermer dans le silo de sa recherche. Jusqu’au XXe siècle, l’intellectuel engagé est un écrivain ou un philosophe. Marie Curie, Albert Einstein puis Frédéric Joliot marquent l’entrée des scientifiques sur la scène des engagé.e.s. Il n’y a pas de science sans conscience.
Dans leur lignée, Axel Kahn œuvrera pour que cette conscience soit populaire et débattue. Ce devrait être l’essence même de la bioéthique. « Et l’Homme dans tout ça ? », interrogeait-il en 2004 dans un livre préfacé par Lucien Sève que la participation commune au Comité national d’éthique avait rapproché. Je crois qu’il s’agit là de la boussole de cet humaniste de gauche. Humaniste parce qu’il plaçait l’intérêt général et la priorité à l’Humain au-dessus de tout autre considération.
Un débat populaire commence par donner la parole et écouter le peuple. C’est certainement ce qui a conduit Axel Kahn à faire sa « grande marche » au cœur de la France. Et c’est peu de dire, qu’il a entendu. Entendu la grande fracture, le sentiment d’abandon mais aussi les fantasmes qu’il a rapportés en 2014 dans Ma France, des Ardennes au pays basque. Sans doute, qu’il y avait dans ce bouquin beaucoup d’éléments de compréhension de ce qui allait advenir sur les ronds-points : le mouvement des gilets jaunes. A propos de grande marche, je veux faire un clin d’œil à ce marcheur émérite ! Il marchait beaucoup, toujours et très vite. Ses pas étaient gigantesques. Pour le suivre : pas d’autre solution, il fallait courir !
Une belle idée de l’humanité
A l’issue de ce voyage, je crois qu’on peut dire, sans trahir sa pensée, qu’il est revenu convaincu que la gauche avait le devoir de redonner l’espoir. C’est pourquoi, il était désolé du paysage politique de gauche à la présidentielle de 2017. Je n’ose imaginer ce qu’il pensait de celui qui s’annonce…
« Isabelle, vous le savez bien, je ne dis jamais non à une invitation du Parti communiste. » C’est marrant mais j’aimais comme il me disait ça. Pas que j’avais le moindre doute sur la critique radicale du communisme qui l’avait conduit à rompre avec le parti dans les années 70. J’étais tout simplement émue par cette pointe de nostalgie de l’ancien secrétaire de cercle au lycée Buffon devenue étudiant communiste – il ne manquait pas une occasion de le rappeler ! – qui gardait une certaine tendresse à l’égard de celles et ceux qui, bénévolement, sont par vents et marées disponibles pour défendre une belle idée de l’humanité.
Monsieur Axel Kahn, les échanges que nous eûmes, ont toujours été pour moi des moments de bonheur parce qu’ils m’élevaient, et aussi parce qu’ils m’émouvaient. Ils vont me manquer.
Ce naz était président de paris 7 Descartes
Le lieu de la morgue a 10 000 cadavres pourris sûr place
Science sans conscience ?
Enculé va
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