C’est la polémique de ce mois de février : à Trappes, dans les Yvelines, Didier Lemaire affirme être devenu une « cible possible d’assassinat » depuis la publication en novembre, dans L’Obs, d’une tribune suite à la décapitation de Samuel Paty. Selon ce professeur de philosophie, Trappes serait gangréné par l’islamisme. « Ils sont partout », va-t-il jusqu’à avancer.
Depuis ce témoignage, l’emballement médiatique est énorme. Exemple : le principal canal d’informations d’extrême droite en France, CNews, est entré dans un tunnel de débats/commentaires. Dans son édition du mercredi 10 février, Quotidien racontait que la chaîne en était à plus de 13 heures de direct depuis lundi sur ce sujet.
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Comme pour l’affaire Mila, ce qui passionne ici, c’est le fait que ces « hussards de la République » doivent vivre sous protection policière, à l’instar des survivants de Charlie.
Sauf que…
La menace fantôme
Si Didier Lemaire était sous protection policière, ce n’était pas parce qu’il avait reçu des menaces de mort. De son propre aveu, il n’a d’ailleurs jamais reçu de telles menaces, mais ce serait la police nationale qui l’aurait informé de la virulence des critiques à son égard sur les réseaux sociaux. Une enquête a bien été ouverte en janvier pour « menaces sur personne chargée de mission de service public » après que « des inquiétudes vis-à-vis du professeur à l’encontre duquel des menaces auraient été proférées » ont été signalées au parquet de Versailles, lit-on sur le Huff Post. Nul journaliste, ni personne d’autre n’a pu trouver trace de ces menaces. Finalement, on apprendra que la protection policière en question « a été instauré "à titre préventif" après l’article de L’Obs, insiste-t-on dans l’entourage du préfet », tel qu’on peut le lire sur Mediapart.
« À chaque fois que je monte en voiture, je vérifie que mes portières sont bien fermées, que je ne suis pas suivi. Je ne veux pas vivre dans la peur », explique Didier Lemaire. Mais toutes ses déclarations indiquent le contraire : Didier Lemaire a peur, et sa peur rejaillit sur son environnement. Ses élèves savent qu’il a peur, ses collègues, l’Éducation nationale, la mairie de Trappes, la police municipale… Tout le monde sait que le professeur a peur. Alors, tout le monde se met à avoir peur pour lui et les autorités locales, craignant un Samuel Paty bis, prennent la décision de sécuriser les abords de son domicile ou de l’établissement scolaire où il enseigne.
Mais comme le dit Ali Rabeh, le maire Génération.s de Trappes, à L’Obs : « Les autorités ont des éléments tangibles des services de renseignement, qui leur ont indiqué qu’aucune menace avérée n’a touché Didier Lemaire. » Et le maire n’est pas le seul à alerter sur le comportement du professeur : le préfet des Yvelines Jean-Jacques Brot déplore un « irresponsable » qui « met de l’huile sur le feu ». Une contre-enquête du journal Le Monde vient également montrer l’incompréhension des responsables éducatifs et politiques locaux. Puis, comme le souligne Arrêt sur images à propos de cette contre-enquête : « [Elle] ne fait pas l’impasse sur les progrès du djihadisme à Trappes. [...] Mais ce n’est pas assez pour convaincre ses lecteurs. Du moins ceux qui s’expriment dans les commentaires sous l’article, et dont la majorité accusent le journal de déni de la gravité de la situation. [...] L’article et ses réactions ne disent peut-être pas grand-chose du djihadisme à Trappes, mais beaucoup sur l’impuissance de toute version émanant d’autorités, face au récit des chaînes d’info bollo-zemmourisées qui ont accueilli le prof de philo. »
Darmanin magicien
Sans dire qu’il n’y a aucun problème avec l’influence du religieux dans notre société, Didier Lemaire semble vivre dans un monde parallèle, fait de paranoïa et de xénophobie. Mais c’était sans compter sur Gérald Darmanin.
Le ministre de l’Intérieur a les moyens de rendre ce monde fantasmé réel. Il l’a fait. Ainsi tweete-t-il : « Didier Lemaire bénéficiait depuis plusieurs jours d’une protection des services de police des Yvelines. Je lui ai proposé cet après-midi de bénéficier également d’une protection rapprochée. L’État est au rendez-vous de sa protection. »
La parole politique performative poussée à son excès le plus vicieux.
Mais voilà qui va peut-être permettre à Didier Lemaire de mieux dormir. Ses élèves aussi, vu qu’il vient de démissionner de l’Éducation nationale. Voilà qui va lui donner plus de temps pour écumer les plateaux de télé pour promouvoir le parti politique dont il est secrétaire national : le Parti républicain solidariste – un concurrent de plus au Printemps républicain.
Pendant ce temps-là, les vautours tournoient. Ils pointent de leurs serres les lâches, les complices, les collabos, etc., etc. Ceux-là n’ont pas besoin de faits. Des menaces fantômes ? OSEF [1]. Personne ne peut dire qui a fait quoi, qui a dit quoi, ni rien prouver du tout ? OSEF. Ce qui compte, ce n’est pas l’islamisme, la radicalité, les radicaux ou les islamistes, ce qui compte, ce sont les islamo-gauchistes.
Ce n’est pas du monde qu’il faut protéger Didier Lemaire, c’est de lui-même. Et de ceux qui le poussent à aller plus loin, quitte à le mettre réellement en danger.
Il faut mieux vous renseigner. M. Lemaire était sous escorte policière suite à un signalement de menaces ("il sera le prochain Samuel Paty") par une journaliste néerlandaise qui l’avait interviewé. Merci d’éviter de diffuser de fausses informations, qui ne contribuent pas à la formation d’une opinion éclairée sur ce sujet assurément épineux.
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