L’annonce avait été faite le 16 janvier. Il faut attendre le Canard enchaîné du 24 janvier, pour apprendre la décision de l’INSEE de reporter la publication des chiffres annuels du chômage en 2006, après les élections présidentielles. Du jamais vu. Les chiffres mensuels sont basés sur le bilan des activités mensuelles de l’Anpe, c’est donc, selon l’hebdomadaire satirique, « des populations entières » qui « ne sont pas prises en compte, notamment les chômeurs prêts à accepter un CDD ou un travail à temps partiel". C’est pourquoi l’INSEE réalise chaque année une enquête statistique auprès de 70 000 personnes, pour évaluer réellement le nombre de chômeurs selon la définition du BIT : une personne sans travail et à la recherche d’un emploi.
Les résultats de cette enquête sont invariablement publiés en mars de l’année suivante. La décision a pourtant été prise de repousser l’annonce des résultats de six mois, soit après les élections : car selon le Canard, le travail de l’Insee montrerait que le chômage est resté à son niveau de 2005, soit 2,5 millions de chômeurs ! Le taux de chômage en France serait donc de 9,2 %, et non 8,7% comme annoncé par le gouvernement.
Radiations et sanctions à la pelle !
Si le gouvernement tente de dissimuler ces chiffres, il n’en reste pas moins que ceux-ci sont déjà peu reprèsentatifs de la réalité. C’est pour dénoncer la non prise en compte de centaines de milliers de chômeurs (1) que le collectif ACDC (2) s’est créé : le nombre de chômeurs en France tournerait autour de 4,5 millions depuis 1995. Lundi 29 janvier, le collectif tenait sa deuxième conférence de presse. Il a été expliqué comment l’explosion des radiations et des sanctions de l’Anpe et des Assedics jouent un rôle dans la pseudo-baisse du chômage.
En effet, 26 000 demandeurs d’emploi quittent l’Anpe chaque mois, mais seulement 5000 d’entre eux au motif de la reprise d’un emploi. Les 21 000 restants sont donc radiés ou ne se réinscrivent pas par découragement devant des dispositifs de harcèlement, selon le collectif (convocations, contrôles, lourdeurs administratives, etc). Les chiffres des radiations sont éloquents : le PARE (3) et le suivi mensuel (le chômeur est convoqué tous les mois, sous peine de radiation) ont permis de tripler le nombre de radiations depuis 1999. Et depuis 2003, les radiations ont augmenté de 40 %. De façon globale, les sanctions à l’Anpe ont été multipliées par 7 en 10 ans, et aux Assedics, les sanctions ont augmenté de 75 % depuis 2005.
Si un chômeur sur deux n’est pas comptabilisé dans les chiffres du chômage, il faut souligner également qu’un chômeur sur deux inscrit à l’Anpe, ne reçoit aucune indemnisation. Ce sera l’objet de la prochaine conférence de presse du collectif ACDC. Affaire à suivre...
(1)On peut citer les 410 000 chômeurs de plus de 55 ans, les 450 000 demandeurs d’emplois en « activité réduite », les 320 000 chômeurs en stage, formation ou arrêt maladie, les 870 000 demandeurs d’emploi à temps partiel, ou encore les chômeurs des départements d’outre-mer, au nombre de 220 000 et tout simplement ignorés des statistiques.
(2)Il regroupe des associations de chômeurs et précaires, des chercheurs, des syndicalistes de l’Insee et de l’Anpe.
(3)« Plan d’aide au retour à l’emploi » : il a notamment instauré une convocation obligatoire du demandeur d’emploi tous les six mois.