Entretien avec Christophe Naudin.
Quelles sont les raisons qui poussent à acheter de faux permis de conduire ?** **Christophe Naudin. Le permis de conduire est une pièce d’identité sur le territoire français, du coup beaucoup de personnes immigrées en situation irrégulière sont très intéressées par ce document. Mais il y a aussi beaucoup de Français, quelle que soit leur origine d’ailleurs, qui exercent des métiers comme taxi ou commercial... Ce sont généralement des personnes à qui on a enlevé le permis, et qui ne sont pas capables de le repasser. Dans 30% des cas, ces personnes ont plus de cinquante ans. On estime que plus de 3 millions de faux permis sont en circulation en France. Dont seuls 700000 servent pour la conduite, les autres ont uniquement pour fonction d’être des documents d’identité. Suivant la qualité du faux, les prix varient entre 300 euros et 2500 euros.
C’est beaucoup plus cher que le permis de conduire.** **C.N. En effet, mais le problème, justement, ne vient pas du prix de l’examen. Mais plutôt d’une incapacité à le passer. C’est un véritable problème social. Car le permis de conduire à un rôle d’intégration sociale et, dans bien des cas, ne pas l’avoir, c’est ne pas pouvoir travailler.
Il est de plus en plus difficile de passer son permis ces dernières années, y a-t-il une recrudescence des achats de permis ?** **C.N. Oui, clairement, l’examen du permis de conduire à été complexifié, avec beaucoup de questions pièges pour juger de la capacité d’analyse des candidats. C’est injuste et pas vraiment justifiable. Ce que l’on doit demander à un candidat, c’est de connaître le code de la route et d’appliquer des procédures !
Existe-t-il un réseau d’entraide ?** **C.N. Il y a eu le cas d’un étudiant des Beaux-Arts de 19 ans qui, avec un petit réseau, a voulu créer un système d’entraide pour les personnes en situation clandestine. Il produisait de faux permis, des cartes d’identité, des titres de séjour... Mais le résultat n’était pas bon. Et il a été arrêté. Lorsqu’il s’est défendu, il a prôné l’entraide internationale. A ma connaissance, c’est la seule tentative de réseau de solidarité. Le marché des faux permis de conduire est tenu par de vraies organisations criminelles qui n’ont rien d’artisanal.
Recueilli par J.F.
Paru dans Regards n°55 octobre 2008