Accueil > idées/culture | Par Marion Rousset | 1er mars 2009

Créativité contestataire. Guy Groux : « La "microconflictualité" a augmenté »

La mobilisation secteur par secteur semble forte. Qu’en pensez-vous ?

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Guy Groux. La situation est très ambiguë. Le dernier mouvement du 29 janvier a été un immense succès du point de vue de la manifestation, mais on connaît une baisse du nombre de grévistes, au regard des grands mouvements de 1995, 2003 et 2006. La grève est de moins en moins massive. En revanche, on a vu apparaître des grèves de 59 minutes à la SNCF. Et on constate que la « microconflictualité » a considérablement augmenté : 20 % des établissements de plus de 20 personnes étaient confrontés à de « microconflits » il y a cinq ans, aujourd’hui, ils sont 30 %.

De quoi s’agit-il ?

G.G. C’est la pétition, le refus des heures supplémentaires, l’absentéisme qui, répété, ressemble plus à un mouvement collectif qu’à un simple retrait individuel. Ça peut être des choses plus graves et illégales comme des microsabotages, par exemple un coup de pied dans une voiture sur une chaîne de carrosserie, voire le détournement de la production. Incontestablement, ces conflits dit « aveugles » sont en augmentation. Le pouvoir de nuisance de ce type de grève est parfois plus important qu’un conflit ouvert, mais il peut être géré. On peut le prévenir et gérer l’après-conflit, avec, par exemple, les accords de prévention des conflits à la RATP. En revanche, les pratiques plus ou moins occultes, qui révèlent une mobilisation de microgroupes, voire d’individus, neutralisent tous les dispositifs de gestion du conflit dont disposent les directions d’entreprise, en les contournant : négociation, prévention, échange occulte avec les représentants syndicaux dans les ateliers ou les bureaux pour essayer d’évaluer le climat... Répétées à l’envi, ces pratiques deviennent un acte social.

Ce qu’on voit aujourd’hui également, c’est que ces mobilisations contournent les syndicats...

G.G. Exactement. Les « microconflits » échappent assez largement aux syndicalistes présents dans l’entreprise, qui n’en ont pas la maîtrise et refusent de s’associer à certains types de pratiques. Par ailleurs, cette ressource que constituait le syndicalisme, visant à encadrer les mécontentements collectifs qui pouvaient déboucher sur le conflit ouvert et la grève, s’est beaucoup dévaluée à cause même de sa faiblesse. D’où le recours à d’autres types d’action, car les motifs d’insatisfaction au travail demeurent. Par ailleurs, la situation de l’emploi, avec la précarité, la flexibilité et le chômage, a réduit les possibilités de la grève et du conflit social. Les pressions sur l’emploi et la dégradation des conditions de travail, qui a maintenu l’état des revendications existantes, ont développé une imagination ou une créativité contestataire qui n’a cessé de se développer au cours des trente dernières années.

Quelle est l’efficacité de ces actions ?

G.G. Ce sont souvent des conflits en proximité avec les petits groupes ou les individus, et qui donnent lieu à une pluralité extrême des revendications portées. La créativité protestataire est plus proche du local, le social nucléaire, et du coup permet l’expression de revendications multiples difficiles à gérer. Prenons les occupations d’espaces publics : le DAL, par exemple, peut obtenir le relogement des 60 familles mal-logées qui occupent la rue de la Banque, sans que ça ne résolve pour autant le problème du mal-logement en général. Lorsque le conflit des travailleurs sans papiers ou des caissières des grandes enseignes, qui porte des revendications importantes, sociétales, existentielles et souvent spécifiques, est résolu, il l’est au cas par cas. Propos recueillis par M.R.

Paru dans Regards n°60, mars 2008

Lire aussi notre reportage : http://www.regards.fr/article/?id=3914 . Et un entretien avec le sociologue Lilian Mathieu : http://www.regards.fr/article/?id=3913

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