L’émergence des deux géants asiatiques, notamment de la Chine, ces dernières années, conjuguée aux difficultés rencontrées par les Etats-Unis dans leurs guerres irakiennes et afghanes, a parfois provoqué un certain emballement... Mais contrairement à ce que beaucoup souhaitent et même s’ils peinent à sortir d’une période économique et sociale difficile, les Etats-Unis ne sont pas - encore - redevenus une puissance « comme les autres ».
Et ce n’est a priori pas pour tout de suite, même si d’ici une trentaine d’année, la Chine devrait se situer à niveau égal de puissance économique, avec une masse démographique 4 ou 5 fois supérieure. Chacun des deux pays en a d’ailleurs bien conscience et, tout en faisant primer ses intérêts commerciaux, prend garde à maintenir des espaces de coexistence politique pacifiés [1]. Histoire de ne pas trop insulter l’avenir...
Vocation de shérif mondial
D’un point de vue militaire, la supériorité de l’arsenal des États-Unis n’est guère remise en question et ils devraient rester encore pour quelques décennies cette hyperpuissance seule capable d’intervenir sans mandat international où elle veut quand bon lui semble. A priori, ni Obama, ni McCain n’entendent renoncer à cette vocation, auto-attribuée, de « shérif » mondial de la « démocratie », à la fois constitutive de l’identité américaine et toujours très utile pour masquer et justifier l’accaparement de ressources, notamment pétrolières... Mais ils savent que Georges W. Bush en a largement abusé au cours de ses deux mandats et devront composer avec un bilan exécrable : enlisement en Irak et en Afghanistan, tensions avec l’Iran et le Pakistan, défaite d’Israël au Liban, frictions - par Caucase interposé - avec une Russie hérissée, frondes boliviennes et vénézuéliennes en Amérique latine...
Corollaire de ces situations dégradées, l’antiaméricanisme n’a cessé de progresser partout dans le monde. Poussant la Maison Blanche à réagir dès le début de la seconde mandature, selon Catherine Croisier : « En 2005, Condoleeza Rice a fait une tournée dans les pays européens pour tenir des discours d’apaisement ; ils ont renouvelé leur carte diplomatique en plaçant des ambassadeurs plus soft dans les pays avec qui les relations étaient crispées ; il y a eu, très tardivement, une tentative d’implication dans le processus de paix israélo-palestinien [référence au sommet d’Annapolis en novembre 2007, ndlr] ; et ils ont fait quelques concessions sur la question environnementale. »
Des « gestes » ridicules si on les juge à l’aune des dégâts causés par l’occupation de l’Irak et par celle, maintenue, de la Palestine par leur principal allié dans la région, Israël.
Bagdad-Kaboul-Ramallah
Car c’est là, en quelques années, entre Bagdad, Kaboul et Ramallah, que l’Amérique a vu son image se dégrader considérablement dans tout le monde arabe et au-delà. Et c’est là-bas, de Téhéran à Islamabad, que le prochain président va devoir faire très vite des choix importants.
Sur ce terrain, les différences entre les candidats sont claires : John McCain devrait poursuivre les guerres de Bush, il en conteste les méthodes mais pas le fond, et peut-être en engager d’autres (Iran). Dans son entourage figurent Robert Kagan et William Kristol, deux personnalités importantes de la mouvance des néoconservateurs.
Barack Obama est, lui, opposé à l’engagement de l’armée américaine en Irak et a promis un retrait échelonné des troupes. Pour autant, s’il se montre également plus prêt au dialogue avec l’Iran que son adversaire, il n’a laissé place à aucun espoir sur la question palestinienne, allant déclarer devant le puissant AIPAC (American Israel Public Affaires Committee) que Jérusalem devait rester « la capitale d’Israël ». Pas sûr que cet alignement sans nuances sur la position d’un Etat colonial soit la meilleure voie pour redorer l’image des Etats-Unis.