Si notre gouvernement joue à fond la carte
de la peur de l’étranger, généralement
musulman, pour essayer de détourner
notre attention d’électeurs de la crise actuelle,
il sait encore faire la différence entre un émir et
un étudiant sénégalais en gestion. Pour preuve,
après avoir racheté le PSG avec l’aide précieuse
de l’Élysée, les Qataris,
via leur chaîne ou plutôt
leur immense groupe média
Al Jazeera, s’étaient emparés
partiellement des droits télé
de la Ligue 1. Or ils viennent
désormais de réitérer l’opération
en raflant le gros de la diffusion
de la Champion League
pour la France. Ainsi, comme
l’a très bien décrit l’excellent
blog « Moustache FC », nous
nous dirigeons tout droit vers
« une fracture cathodique du
foot ». Désormais, les amoureux
du ballon disposant
uniquement d’un accès gratuit
devront attendre la finale
– dont la diffusion en clair a
malgré tout été imposée par l’UEFA (trop généreuse)
– ou se résoudre à payer (pour regarder
l’ensemble des matchs) leur écot à Al Jazeera
Sport, ou encore à Canal Plus, mais seulement
pour les quelques matchs dits « prémium »
que la chaîne cryptée a réussi à piquer à TF1.
Comme le résume fort bien Jérôme Latta des
Cahiers du foot : « Les bouleversements sur le
marché des droits télé français ont tenu ces
derniers mois de la tectonique des plaques. »
La date de lancement de ces nouveaux canaux
n’est pas encore connue avec certitude, mais
elle semblerait se profiler pour juin.
Ce coup de filet sur l’espace cathodique sportif
est loin d’être une première pour Al Jazeera.
Rappelons qu’alors qu’elle détenait déjà les
droits sportifs de l’ensemble des ligues de football
arabes et maghrébines – ainsi que les droits
des JO et de la coupe du monde pour 2010
et 2014 –, elle avait initié sa véritable extension
au-delà de « son coeur
de métier » (l’information en
continue) en rachetant une
série de chaînes sportives au
groupe saoudien ART, inaugurant
alors Al Jazeera Sport
Channels (JSC). Mais qu’on
ne s’y trompe pas. L’engouement
soudain de la chaîne
pour le sport relève avant
tout d’une stratégie de développement
au niveau international.
De fait, il est plus facile
de séduire le spectateur
occidental avec des matchs
de foot et des programmes
jeunesse qu’avec de l’info
en continue, quitte pour cela
à devoir mettre la main au
porte-monnaie. Sans compter que les implications
idéologiques de la première league
anglaise sont généralement moins sujettes à
censure que la guerre en Irak ou le Printemps
arabe. En clair, Al Jazeera mise sur des contenus
culturels « mondialisés » et moins politisés.
Et si la chaîne a choisi la France comme
premier point d’ancrage en Europe, ce n’est
évidemment pas le fruit du hasard. À travers
l’hexagone, c’est le marché de l’Afrique francophone
qui est visé par ceux qui ont très bien
assimilé la logique du « make it local » pour
se développer.