Le pionnier : Rifondazione
En 1991, le Parti communiste italien se scinde
en deux : d’un côté le Parti démocrate de
gauche et de l’autre, le Parti de la refondation
communiste. À Rifondazione, la ligne politique
prend un coup de jeune : l’eurocommunisme
est promu et une nouvelle articulation avec les
mouvements sociaux est recherchée. Fausto
Bertinotti prend rapidement la tête du parti qui
remporte quelques timides succès électoraux.
Ces derniers ne s’expriment pas vraiment dans
les urnes mais plutôt dans des alliances avec
le centre-gauche. Avec seulement 5,8 % aux
élections de 2006, Rifondazione obtient 41
postes au parlement et Fausto Bertinotti est
élu président de la chambre des députés. En
contrepartie de ce succès négocié, Rifondazione
participe au gouvernement du centriste
Romano Prodi. Les élections de 2008 voient
l’élimination de la totalité des élus, dont tous les
parlementaires sortants. En 2009, Rifondazione,
des syndicalistes et des partis anticapitalistes
subsistants lancent la Fédération de la gauche,
sans succès, pour le moment malgré un fort
appel aux mouvements sociaux qui ont gagné le
référendum sur l’eau en 2011.
L’espoir déchu : Die Linke
En 2007, deux partis, l’un de culture communiste
et l’autre plutôt social-démocrate, fusionnent. Ils s’appuient rapidement sur un leader bien connu
pour ses talents tribuns, Oskar Lafontaine. Ce
rassemblement ouvre bien des espoirs qui se
transforment dans les urnes aux élections 2009. À
la différence du Front de gauche, Die Linke choisit
une forme de parti très structurée : un directoire
paritaire et coprésidé par deux représentants
des forces principales, la possibilité de créer
des courants internes, et des sections locales et
régionales. Quelques revers électoraux plus tard
(le Parti pirate passe devant Die Linke à Berlin
en 2011), Die Linke est en perte de vitesse.
Les crises internes sont sérieuses, les accords
politiques entre les communistes et les sociaux-démocrates
se concluent dans la douleur. Au
niveau local, les sections s’entre-déchirent et des
adhérents rendent leur carte. L’actuel président,
Linsler, réputé pour son autoritarisme, envoie un
message sympathique aux élus locaux : « Vous
manquez d’expérience. » En 2012, Die Linke
choisit une bien curieuse candidate aux élections
nationales, Beate Klarsfeld, qui apportera, au
lendemain de son investiture, son soutien à
Nicolas Sarkozy. Une bien étonnante voie pour
Die Linke, un bien mauvais score aussi.
Le Front de gauche attendu au tournant
Le Front de gauche procède avant tout d’un
accord réalisé en 2008 entre le PCF et le tout
jeune Parti de gauche. Cette nouvelle alliance
prend soin des mots qu’elle emploie : il s’agit
d’un « partenariat » qui s’adresse « à tous ceux
qui veulent construire une autre Europe en
rupture avec l’orientation libérale du traité de
Lisbonne ». Des petites forces anticapitalistes
rallient le Front de gauche, certains en
discutent encore, d’autres non. Après un léger
frémissement aux élections européennes de
2009 (6 %), en 2012, Jean-Luc Mélenchon
va mener une campagne présidentielle qui
rassemble largement prouvant qu’unis, on ne
s’additionne pas, on se multiplie. La force de
cette campagne tient sans doute au charisme de
son leader mais aussi à une dynamique amplifiée
à la fois par de grands meetings rassembleurs et
par la campagne de proximité des assemblées
citoyennes. Thématisée de manière assez
classique, marquée par de nombreuses
références à la Commune, elle trouve un écho
particulier auprès des syndicalistes qui sortent
d’un mouvement des retraites particulièrement
fort mais de forme assez traditionnelle. Face au
ras-le-bol du sarkozysme, elle marque par sa
capacité à rouvrir des possibles politiques en
contrepoint au vote utile. Après avoir tutoyé des
hauteurs inattendues, les sondages retombent.
Le score de 11 % paraît, dans un premier temps,
un peu pâle mais rapidement, il s’impose comme
un outil pour reconstruire durablement une
nouvelle gauche d’alternatives. En s’abaissant
au niveau de celui des Européennes (6,5 %), le
résultat du premier tour des législatives surprend,
la stratégie de Mélenchon à Henin-Beaumont
échoue, le groupe de députés Front de gauche
à l’Assemblée perd des élus moteurs pour la
reconstruction. Aujourd’hui, la perspective d’un
parti unique semble écartée. La question des
adhésions directes est posée. Une culture de
rassemblement partitaire est à inventer.
L’inattendu : Syriza
Tous les espoirs des gauches radicales
européennes se portent maintenant sur Syriza.
Malgré son échec aux élections du 17 juin –
remportées de justesse par Nouvelle démocratie
– ce jeune parti unitaire s’impose maintenant
comme la première force de gauche en Grèce. Le
parti socialiste, le Pasok, pro-austérité, a pris un
sacré coup dans l’aile. Syriza est composé d’un
seul parti, le Synaspismos et d’un rassemblement
large d’individus. Le parti communiste grec,
le KKE, contre l’appartenance de la Grèce à
l’Europe, mène sa vie en solitaire. Syriza est incarné par un trentenaire Alexis Tsipras dont la
force est de savoir dialoguer à la fois avec les
mouvements syndicaux, altermondialistes et les
virulents mouvements de jeunesse. Lorsqu’il
l’accueille à Paris, Mélenchon ne se trompe pas :
« Nous ne sommes pas identiques, mais nous
sommes comparables. »
Ailleurs en Europe, une autre gauche radicale émerge
Dans les années 1990, les gauches radicales européennes se développent avec la montée de
la mondialisation et la permanence d’une Europe
qui dérégule les acquis sociaux, déréglemente
les services publics… « Curieusement, l’extrême
gauche apparaît d’abord dans les pays qui n’ont
pas de tradition communiste comme la Norvège
ou la Hollande. Régulièrement, des alliances
rouges-verts de ces pays s’acheminent vers les
10 % », constate Christophe Aguiton, militant
syndical et associatif. Et de citer l’exemple
récent du Bloc de gauche au Portugal « il s’agit
d’une espèce de mythe, une union de trois
composantes, où il existe une clé de répartition
des décisions qui ne peuvent pas être prises si
l’une des composantes fait blocage ».
Le petit dernier : Parti Pirate
Personne n’aime le Parti pirate. Pas plus que les écologistes en leur temps. Un « rassemblement
juvénile », d’« informaticiens autistes » ne peut pas
constituer pas un parti sérieux. Ils ne sont même pas
anticapitalistes ! Sauf que voilà, le Parti pirate suédois
obtient deux eurodéputés en 2009, le Parti pirate
allemand obtient 15 sièges au parlement de Berlin en
2011, et 30 sièges aux élections régionales de 2012.
Le Parti pirate français s’affirme lors des dernières
législatives en présentant plus de cent candidats. Il est
maintenant présent dans 63 pays dans le monde.