Le handball l’a bien cherché (notons juste au passage, comme lors du Tour de France de 1998, qu’une fois de plus, c’est la justice et non les systèmes de régulation interne des fédérations qui jette la lumière sur des pratiques condamnables, ou tout du moins douteuses). Quoiqu’en pense ou affirment les bonnes âmes, cette discipline n’est plus seulement, et depuis un bout de temps, un jeu pédago aimablement lové dans les bras des compétitions UNSS. Il s’est professionnalisé, s’est doté de centres de formation et d’un modèle de développement en grande partie calquée sur le foot pro. Il court constamment après la réussite du ballon rond, cherchant ou exigeant la même reconnaissance médiatique et les revenus qui vont avec, se prévalant d’une exemplarité qui désormais, entre les frasques des JO et l’affaire des paris, a pris l’eau de partout. Ses plus grands joueurs (et nul doute qu’il s’agit d’une grande génération, c’est d’abord sur ce point que situe la vraie différence avec les bleus, davantage que sur des attitudes ou le savoir-vivre) ont quitté l’anonymat de la renommé locale d’Ivry ou de Sélestat pour venir s’enivrer dans les sommets des contrats de pub. Et si le salaire moyen tourne toujours autour de 5500 euros brut, un Nikola Karabatic approche maintenant le million de revenu annuel (ce qui en ferait potentiellement un des rares non footballeur à être concerné par les 75%).
Mais il y a un prix à payer. Le professionnalisme est un système capitaliste, certes spécifique (il tolère des formes structurelles de déficit ou d’endettement afin de faire tourner l’ensemble de la machinerie économique, les salaires peuvent monopoliser des pourcentages surréalistes du CA, etc.), mais qui comprend non pas des dérives, mais des logiques perverses inévitables. Aujourd’hui, l’aporie centrale s’appelle les paris sportifs (dans le cyclisme ce fut et reste le dopage), même si, pour autant que l’on sache pour le moment, nous sommes loin des révélations qui entachèrent la saison 2011 du Calcio italien. En effet, nous serions apparemment face à une forme de corruption artisanale, quand toutes les enquêtes semblent démontrer que, par exemple dans le foot, les « invasions mafieuses » se sont largement imposées au cœur du système. Toutefois, le constat ne s’en révèle quelque part que plus implacable.
Le plus incroyable reste que certains arrivent à s’en étonner. En autorisant les paris sportifs (certes, il devenait difficile de les interdire avec la mondialisation et internet), même surveillés à mort comme il le sont chez nous (cf. la loi de 2010, preuve en soi que tout le monde savaient très bien à quoi s’attendre) il s’avérait inévitable qu’ils recouvrent constamment du voile du doute le principe et le fondement de l’attractivité (et donc du profit) du spectacle sportif : l’aléa et le fair-play. Autant de concepts dont on sait parfaitement ce qu’ils valent sur le fond mais qui doivent impérativement être préservés comme mythe mobilisateur auprès du consommateur lambda.
Donc d’un coup, quand même dans la discipline vendue au français comme la plus belle, la plus pure – et bien que la majorité de nos concitoyens, en dépit de toutes les coups d’éclats d’un Nasri et autres jurisprudences Amstrong, préfère encore et toujours le foot et le vélo – des joueurs pas franchement dans le besoin se mettent à faire n’importe quoi autour d’un banal Cesson – Montpellier, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour imaginer ce qui peut et va se passer au niveau mondial avec des sports brassant des milliards d’euros. Et il n’y a pas grand risque justement à parier que nous n’en sommes sûrement qu’au début. Pendant ce temps, on annonce un budget 2013 en baisse de 5% sur le programme sport au nom de l’effort à fournir pour assainir les finances publiques.