Accueil > Société | Par Nicolas Kssis | 1er octobre 2005

Hypocrisie d’un rêve en jaune

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Ne nous le cachons pas, le résultat positif du contrôle de Lance Armstrong, bien que six ans après le prélèvement, ne surprend personne. Toutefois, la comédie va continuer. Le cycliste américain (vainqueur du Tour seulement trois ans après sa guérison miracle d’un cancer des testicules), proche de George Bush et qui pense à se lancer dans une carrière politique (chez les Républicains, évidemment, une sorte de Schwarzenegger à roulette), pourra tranquillement clamer son innocence et hurler au complot anti-américain, ourdi par des Français jaloux de son règne sur la grande boucle. Les autorités du cyclisme international prétendront, à leur habitude, qu’il ne s’agit que de tricheurs, et qu’il ne faut surtout pas généraliser. L’Équipe en profitera au passage pour s’acheter une bonne conscience rétroactive, et sans risque pour le principal concerné, après des décennies de silence bien compris dans l’intérêt de tout le monde. Et les pouvoirs publics donneront le change, faute de changer la donne.

Car dans le domaine du dopage, comme pour la corruption, ce sont les plus cons qui se font prendre. Nous ne sommes plus dans le domaine du délit, mais du systémique, du structurel. Le dopage est ancré dans le fonctionnement quotidien du sport moderne. Dans certaines disciplines (comme le cyclisme ou l’athlétisme, mais qui est dupe de l’absence de contrôle positif dans les sports collectifs lors des JO d’Athènes ?), l’ampleur de sa contribution aux performances justifie une omerta qui n’existerait pas si on n’avait affaire qu’à quelques mauvais joueurs.

Se tiendra-t-il un jour un véritable et authentique débat de fond ? Non seulement sur la manière de combattre efficacement des pratiques qui détruisent la santé des sportifs et contaminent l’ensemble des compétitions amateurs. Mais aussi un débat sans tabou sur la fonction que remplit le dopage dans la configuration actuelle du monde sportif. Faut-il l’encadrer médicalement comme le préconisent certains ? Faut-il le supprimer à tout prix par des transformations radicales des règlements qui le rendraient inutilement coûteux, quitte à ramener les chronos trente ans en arrière ? Un débat fort éloigné de la foire d’empoigne pour savoir si un méchant Américain nous a volé le Tour de France ou si des Frenchies revanchards manipulent les éprouvettes à rebours ? Enfin et surtout, les belles âmes devraient se demander pourquoi le public demeure si nombreux devant son écran. Qu’est-ce qui le pousse à se masser sur les bords des routes, en idolâtre de ses héros déchus comme Virenque ? La population est-elle vraiment si mal informée ? Est-elle manipulée ou s’en fout-elle royalement ? En guise de métaphore, pourquoi ceux qui, dans les quartiers populaires, accèdent à des centaines de chaînes par leurs paraboles regardent-ils encore TF1 ? Bref, ce rêve en jaune, dont tous connaissent l’hypocrisie, est-il dévoyé par le dopage ou, au contraire, est-il le symptôme de cette indulgence de plus en plus répandue dans notre société pour la tricherie (avec la crise de la morale civique que cela suppose), une sorte d’indifférence du « tous pourris » dont, au bout du compte, même nos hommes politiques finissent par profiter...

BREVES

L’EDUCATION PHYSIQUE EN DANGER

La rentrée est certes déjà bien entamée, mais il n’est pas inutile de rappeler que l’EPS scolaire est toujours menacée d’être vidée de l’école de la République, et cela au nom du nouveau totem de la pédagogie gouvernementale, « le socle commun ». L’an dernier, le SNEP-FSU avait réussi à mobiliser enseignants et parents d’élèves grâce à une pétition signée par plus de 400 000 personnes. La vigilance demeure... Rappelons que l’Education nationale demeure le principal et plus massif mode d’accès à la culture sportive, notamment les filles et les enfants des populations les plus défavorisées... http://www.snepfsu.net

DES MARQUES ET DES CHIFFRES

Quelques chiffres pour ceux qui pensent que les marques de sport ne sont que des sponsors. Nike dépense, simplement en marketing et publicité, 1,11 milliard d’euros par an, et Adidas, 878 millions (pour les deux leaders mondiaux). Le budget pour le ministère du Sport, de la Jeunesse et de la Vie associative proposé pour 2005 par Jean-François Lamour s’élève à 527,18 millions d’euros (auxquels on peut ajouter 260 millions du FNDS, financé par le loto sportif). Certaines sommes se passent d’explications...

Paru dans Regards n°22, Octobre 2005

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