« Barricades, canons, destructions, incendies,
cadavres et photos d’identité de prisonniers, tel
est le regard dominant et déformé gravement de
la photographie sur la Commune.
Il y a des origines sans doute techniques à cette
imagerie. Les photographes ne peuvent enregistrer,
alors, le mouvement, l’allant : donc pas
de manifestations des femmes, pas de foules
enthousiastes devant l’Hôtel de ville le 28 mars,
jour de la proclamation de la Commune de Paris,
pas de citoyens par centaines en assemblées,
pas de séances de la Commune où l’on dispute
sur l’avenir de la révolution, pas de guillotine brûlée…
Mais c’est aussi une photographie de vainqueurs
qui réduit, dans d’innombrables albums,
la Commune aux incendies ou à la destruction
de la colonne Vendôme quant elle ne recourt
pas à la photo truquée pour imager les exécutions
de l’archevêque ou des généraux. Il reste
quelques photographes qui, sensibles à la présence
du peuple sur les barricades, le fait difficilement
poser, laissant sur la photo la trace de
passants fantômes… »
« Les photographies des communards ont souvent
été réalisées par Eugène Appert dans les
camps de prisonniers, dans un but policier ou
d’anthropologie criminelle. “Place au Peuple !
Place à la Commune !” proclamait l’Affiche
rouge du 6 janvier 1871. En effet, si la Commune
compte nombre de fortes personnalités,
c’est d’abord le gouvernement du peuple par le
peuple. Ces visages nous rappellent aussi ceux
des 20 000 exécutés, des milliers de déportés.
Leur combat est le nôtre. »
« La Commune est un événement d’une incroyable
modernité. Ce qu’elle a produit comme
laboratoire d’idées reste encore totalement dans
le débat. Par exemple, la première décision de
la Commune a été de donner la citoyenneté à
un étranger. Aujourd’hui les citoyens étrangers, même aux élections locales, n’ont pas le droit de
vote ! La souveraineté du peuple est permanente
et ne doit pas disparaître entre deux élections. Là
encore, on est loin du compte aujourd’hui. Les
élus, pendant la Commune, sont révocables à
tout moment. La Commune instaure aussi l’école
gratuite et obligatoire, la Justice gratuite ou encore
la garde à vue limitée à 48 heures. On y enregistre
encore des avancées considérables et
tout à fait d’actualité, comme l’invention du droit
du travail, le débat sur la non-marchandisation de
la culture ou le droit au logement pour tous. »
Retrouvez les photos accompagnées de ce commentaire de Jean-Louis Robert dans Regards n°8 de mars 2011 et l’agenda des événements commémoratifs sur le site internet de l’association des Amis de la Commune de Paris