Accueil > Société | Chronique par Nicolas Kssis | 30 décembre 2011

J’irai chroniquer sur vos tombes

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Le chroniqueur. Voilà bel et bien, avec
la star de télé-réalité, la grande invention
des années 2000 – à distinguer
de « l’expert », parfois tout aussi énervant. Le
rôle du chroniqueur est tout autre, il se positionne
essentiellement en donneur de leçons.
Généralement journaliste, un tantinet généraliste,
homme – rarement femme – de réseau,
multicarte, il hante les plateaux télé, de la TNT
à France 5, pour venir proposer, avec son
double-d’en-face-de-droite-ou-de-gauche, l’illusion
d’un débat d’idées.

Les chaînes d’info en continu en ont fait leur
produit d’appel. L’exercice est simple et rentable
 : traiter à peu de frais l’actualité en invitant
des confrères, souvent de la presse écrite ou
radio – qui découvrent, ravis, combien la télé
paie bien – à gloser sur les Bleus en Afrique du
Sud ou sur la crise en Grèce. Sans compter qu’
il est toujours possible pour compléter l’équipe
et gagner en légitimité, de demander à un universitaire
d’apporter un peu de crédit intellectuel
en l’introduisant avec le désormais fameux :
« Vous qui connaissez bien la question… » Ce
qui laisse au passage supposer que ce n’est
guère le cas des autres.

Des émissions comme C dans l’air fonctionne
à plein rendement sur ce principe de consanguinité
corporatiste, avec de perpétuelles redondances
de Pascal Boniface à Christophe
Barbier de L’Express. Ce dernier expliquant
ad nauseam combien la gauche a toujours tort
de ne pas être de droite. Pour se distinguer de
cette tendance dominante, certains ont donc
choisi de prendre le contre-pied. L’exemple
archétypal étant l’émission Ce soir ou jamais
où l’animateur Frédéric Taddéï, anticonformiste
professionnel de la petite lucarne (chacun son
fonds de commerce), prend un malin plaisir à
convoquer les « rarement invités », jusqu’à servir
la soupe avec une certaine complaisance
aux Alain Soral.

Il serait un peu facile de se limiter à ce sombre
tableau. Les intervenants pouvant parfois se
révéler passionnants ou pertinents, notamment
sur des questions annexes comme les faits
divers (Le Parisien fournissant toujours son
bon quota de spécialistes du Milieu). Mais il
reste un goût amer à voir les débats d’idées
à ce point confisqués, et surtout réduits à des
joutes verbales entre collègues qui suivent plus
l’air du temps qu’ils ne décryptent l’actualité.
À l’instar de n’importe quel objet télévisuel, la
confrontation d’idées s’envisage comme un
divertissement, et plus encore que dans les
autres registres du PAF (séries télé, etc.) les
directeurs de programmes sont soucieux de ne
pas déboussoler les téléspectateurs.

Évidemment, certains pourront toujours agiter
l’ombre d’un complot utilisant la télé, « puissant
organe d’endoctrinement du système libéral »,
pour orienter habilement l’opinion ou tout du
moins pour la conditionner. Nous signalerons
que lors de l’arrivée du Front populaire au pouvoir,
la quasi-totalité de la presse à grand tirage
était aux mains de la « réaction », voire du « fascisme
 » (le groupe du parfumeur Coty), idem
pour la radio et les informations au cinéma.
Cela n’empêcha pas juin 1936, mais à l’époque
les partis faisaient encore vaguement de la politique
en dehors des écrans et des postes TSF.

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