Seul représentant de la société civile dans les lieux de rétention français depuis 1985, la Cimade, service oecuménique d’entraide, dénonce dans la huitième édition de son rapport annuel la « course au chiffre » imposée par les récentes mesures sur l’immigration, et notamment l’instauration de quotas d’expulsion. Une logique de « gestionnaire » qui pousse parfois l’administration à recourir à des « méthodes contestables (interpellations à domicile, rafles, contrôles d’identité justifiés par des prétextes dérisoires comme la traversée en dehors des clous ou un crachat sur la voie publique...) ». Ces mécanismes conduisent « à une réduction constante des droits des migrants », s’alarme l’association.
Dans l’édition 2006 de ce rapport, la Cimade insistait sur les pratiques induites par la politique du chiffre et sur leur coût humain. « Ces pratiques ont pour la plupart perduré en 2007 et nous avons choisi de revenir sur leurs effets à la fois ubuesques et tragiques, pointe Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade. Au-delà de ces éléments, il nous a semblé primordial de montrer que cette logique de course au chiffre s’accompagne de la mise en place progressive d’un dispositif juridique qui tend à réduire les droits des étrangers ou à les priver de la possibilité pratique d’exercer ces droits ».
Atteinte aux droits fondamentaux
Pour sa part, Damien Nantes, responsable du service défense des étrangers reconduits, observe plusieurs projets ou évolutions de pratiques au début de cette année 2008 : la multiplication des périodes d’enfermement, la mise en place de l’obligation à quitter le territoire français (OQTF), le droit d’asile en rétention qui devient un droit virtuel, les audiences délocalisées du juge des libertés et de la détention, la possible mise en place d’une juridiction unique pour les étrangers. « Ces mesures viennent renforcer notre constat et notre inquiétude quant à la réduction du droit des migrants au nom d’une logique d’efficacité. La pression existante pour la mise en œuvre des expulsions semble aujourd’hui plus importante que le respect des droits fondamentaux », a-t-il déploré. .
En l’espace de quatre ans, les centres se sont multipliés ainsi que le nombre de places (786 places en 2003, 1 700 fin 2007) et l’annonce d’objectifs chiffrés d’expulsions (25 000 pour 2007 non atteint, 26 000 pour 2008) a eu des « effets dévastateurs », dénonce encore la Cimade. En 2007, elle a accompagné plus de 35 000 étrangers retenus, dont 242 enfants, dans les centres (CRA) ou locaux de rétention (LRA). La durée légale de rétention s’est allongée de 12 à 32 jours. Sur les 35 000 sans-papiers placés en rétention, 38% ont été effectivement reconduits vers leur pays d’origine, toujours selon la Cimade, soit 13 198 personnes. Auxquels il faut ajouter tous ceux raccompagnés à la frontière sans passer par ces centres.
Entretiens audio :
Pour écouter l’interview de Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade , cliquer sur
Pour écouter l’interview de Damien Nantes, responsable du service défense des étrangers reconduits , cliquer sur
Plus d’infos sur http://www.cimade.org/