En avril 2002, seul l’effondrement
spectaculaire de Lionel Jospin a
pu masquer le résultat médiocre
du Président sortant, Jacques
Chirac. Nicolas Sarkozy, encore
en semi-disgrâce, en a tiré la conclusion que la
droite devait se relancer autour d’un projet franchement
à droite. En 2007, son « libéral-populisme
» le propulse aux avant-postes de toute la
droite et marginalise le leader, vieillissant et usé,
d’un Front national dont il a récupéré une large
part de la symbolique. En bref, le nouveau Président
donnait l’impression qu’il avait réussi l’alchimie
qui permettait de conjurer l’incertitude et la
division collant à la peau de la droite depuis la fin
des années 1970.
Pari perdu… Le Front national a trouvé, en Marine
Le Pen, la personnalité qui lui permet de
tenter une stratégie à deux temps, sur le modèle
du parti néofasciste Italien de Francesco Fini :
banaliser les idées d’extrême droite et intégrer la
droite pour infléchir son centre de gravité. Talonné
par le Front, le Président estime qu’il n’a pas
d’autre choix que de réactiver, en l’accentuant, la posture de 2005-2007 : remise en cause frontale
des acquis sociaux de 1936-1946, démagogie
nationale et fibre sécuritaire.
Or la stratégie gagnante en 2007 est doublement
dangereuse en 2012. L’image présidentielle affaiblie,
la radicalisation à droite risque de conforter
l’héritière Le Pen, davantage qu’elle ne peut la
déstabiliser. La crédibilité de l’homme d’État qui
« peut » est bien lézardée, y compris en matière
de bilan sécuritaire. Par ailleurs, en se déportant
à droite l’équipe présidentielle déstabilise durement
la tradition conservatrice dite « modérée » et
les variantes persistantes du christianisme social.
Malgré son beau résultat de 2007, mais emporté
par la vague sarkozyste, François Bayrou avait
marqué le pas, voyant s’effriter par pans entiers
le substrat de notables locaux qui avait assuré
longtemps le succès de l’UDF giscardien et postgiscardien.
La crise et la percée de Marine Le Pen
lui redonne un nouveau souffle. Pour l’instant, la
dynamique à droite n’est donc pas autour du Président
sortant, mais des deux pôles extrêmes du
centrisme libéral et du national-populisme.
Schématiquement, la tendance que dessinent les
sondages pourrait être d’une droite des « trois
fois vingt ». L’équilibre n’a rien de mathématique :
comme disent les sondeurs, la marge d’incertitude
pour chacun peut les situer entre 15 % et
20 %. Mais, dans tous les cas de figure, l’évolution
en cours laisse se profiler une hypothèse en
deux volets complémentaires : incertitude pour
le premier tour (a priori les trois figures de proue
de la droite peuvent espérer être en tête de leur
camp) et risque de déperdition au second.
Politique et mathématique ne font pas toujours
bon ménage. En politique, trois fois 20 % peuvent
faire beaucoup moins que 50 %. Et la droite majoritaire
pourrait bien perdre. Sauf si la faiblesse
et l’indétermination à gauche du candidat socialiste
ne la sauvent in extremis.