Les images de torture en Irak ont bouleversé le monde. Elles obligent à réfléchir, au-delà de l’horreur. Depuis la guerre du Golfe, on nous parle de la guerre moderne, propre, technique, au service d’une éthique de l’ordre international. Nous savons un peu plus, désormais, qu’une guerre est sale par essence, qu’elle stimule les pulsions les plus viles, à partir du couple pervers de la vengeance et de l’impunité.
Depuis le 11 septembre, les Etats-Unis considèrent que la lutte contre le terrorisme légitime l’usage de tout moyen propre à le réduire. La mise entre parenthèses du droit des gens est devenue la règle et le droit d’exception fonctionne comme une norme. Quand un Etat, au mépris de tout droit, se permet officiellement d’ouvrir des Guantanamo, comment ses ressortissants ne pourraient-ils pas, eux aussi, penser que l’impunité couvre individuellement leurs actes ?
Depuis toujours, la violence des interrogatoires, les techniques de torture les plus cruelles ont été propagées, des Etats-Unis vers le tiers monde, au nom de la lutte contre le Mal. Les gouvernements américains ont fait silence sur cela : comment s’étonner que perdure ce que l’on a refusé de voir. Les tortionnaires américains d’Abou Ghraib poursuivent ce que leurs collègues des années 70 ont amorcé en Amérique latine ou ailleurs. La torture n’est pas dans l’esprit du peuple américain, mais elle est dans celui des croisés de l’ordre impérial. Ils sont aujourd’hui en Irak. Et demain, où seront-ils ?
Que l’on ne nous dise pas, maintenant, que les cas de torture ne sont que « dommages collatéraux ». Ils sont l’essence même des choix de George Bush et des bellicistes américains. Face à cela, soyons clairs. Ce n’est pas en moralisant la guerre que l’on ira de l’avant. La guerre impériale ou le droit international, l’armée des Etats-Unis ou l’action concertée de l’ONU ? Il est plus que temps de choisir. Et, dans l’immédiat, l’occupation américaine doit cesser. R.M.