. Chantal Jouanno, avec ses douze titres de championne de France, vient de voler à David Douillet un poste qui lui semblait promis et pour lequel il n’avait cessé de postuler en sous-main. Bref, une nouvelle pensionnaire à la tête des muscles tricolores, et encore un changement de statut. Le sport regagne son propre ministère, après le purgatoire d’un secrétariat dépendant de la Santé, qui au passage disparaît en tant que tel.
Pourtant il ne faut ni se tromper, ni trop se réjouir. Le modèle sportif français connaît et va connaître de profonds bouleversements, bien au-delà de la mesurette de circonstance ou du rabotage de déficit. Si Chantal Jouanno troque sa passion écologique pour les pelouses synthétiques, elle n’arrive dans ce nouveau poste, hautement exposé médiatiquement à défaut d’être politiquement décisif, que pour continuer le travail de sape déjà entamé.
En attendant 2012, il fallait gérer l’intendance et surtout virer une Rama Yade qui utilisait son secrétariat comme un tremplin médiatique et politique. La nouvelle préférée du Président se retrouve aux commandes d’une administration qui a vu son budget chuter de 40 % depuis 2003, ses antennes départementales être intégrées dans le grand fourre-tout de la cohésion sociale. De plus les réformes qui affectent en profondeur le sport de masse (comme la réforme territoriale) se régleront hors de son périmètre de compétence.
De fait, tout est globalement bouclé, y compris le financement de l’Euro 2016 : en braquant le CNDS, un fonds censé aider les fédérations et clubs « amateurs ». Les raisons de ce changement de tête sont ailleurs. La différence de profil entre les deux femmes, surtout leur parcours professionnel et politique, saute aux yeux. Le choix de cette native de l’Eure, ex-conseillère en communication de Sarkozy dans les Hauts-de-Seine, souligne que, malgré le titre ronflant de ministère autonome, le sport constitue une patate chaude dans la comédie des chaises musicales et des strapontins. Une occasion aussi de maintenir, à peu de frais, l’illusion de la parité, à défaut de diversité.
L’ambition de Rama Yade s’était engouffrée avec appétit dans l’univers du sport et de sa surexposition télévisuelle, quitte à payer l’addition post-Knysna. Ce qui finit par énerver un petit Nicolas guère partageur en matière de visibilité et considérant le sport comme son jardin. Il fallait remettre de l’ordre dans la maison à l’approche des échéances « des grandes personnes ». Chantal Jouanno, femme de dossiers et bonne gestionnaire, risquera moins de se servir que de servir tout en apaisant les inquiétudes actuelles du petit monde du sport. Le pire est de toute façon déjà passé. A moins qu’elle encaisse une déception supplémentaire, comme avec la taxe carbone. En attendant, elle devrait passer beaucoup de temps sur les bancs des stades...
Nicolas Kssis