« Intermittents et serveurs, on est très nombreux dans la même situation. En un an, j’ai participé à seulement deux tournages, ce qui représente moins de deux mois de travail. Il faut donc trouver de l’argent pour tenir pendant les intermittences. Quand je ne tourne pas, les Assedic me versent 20 euros par jour, soit 600 euros par mois. Si je travaille légalement, je touche moins d’indemnités, travailler au noir devient presque une obligation. Le job de serveur réunit pas mal d’avantages. Nous sommes souvent payés au noir et comme les contrôles de l’inspection du travail ne sont pas très sévères, les patrons se sentent plutôt détendus vis-à-vis de ça. Par ailleurs, c’est suffisamment souple pour s’adapter à mes disponibilités aléatoires, en fonction des tournages. Enfin, c’est un secteur qui embauche beaucoup et où la rotation du personnel est très rapide.
On est deux, pour une grosse trentaine de couverts. Je suis payé 30 euros par service, pour bosser de 11 h 30 à 15heures ou de 19h30 à minuit. Les clients sont plutôt sympas. L’un des avantages d’être serveur, c’est évidemment les pourboires. Un mauvais jour, on peut ne repartir qu’avec 2 euros en poche mais, en général, c’est plus proche des 15 euros. Les rapports avec les clients sont assez agréables, ça m’arrive même de discuter avec eux à la fin des repas. Mon unique problème, c’est la carte. Les plats changent souvent et comme ils sont assez recherchés, je ne sais pas toujours avec quoi ils sont préparés. Mais en étant gentil les clients sont compréhensifs, et ça passe.
Mon parcours jusqu’à aujourd’hui se résume assez rapidement. Il y a deux ans, j’étais encore à l’Université américaine de Paris ou j’étudiais le business. Avant ça, j’avais raté deux fois mon bac, mais j’avais réussi à intégrer cette Université, en leur garantissant que j’obtiendrais mon bac américain en parallèle. Au bout de la seconde année je me suis rendu compte que je ne faisais qu’essayer de suivre la voie familiale, alors que je voulais faire du cinéma. Ma famille m’a alors presque vu comme un vilain petit canard... Le cinéma, c’est comme la restauration, c’est grâce à un ami qui travaille dans une maison de production que j’ai pu commencer. Jusqu’à maintenant, j’ai fait deux films où j’étais troisième assistant-réalisateur. En gros, le premier assistant, c’est le moteur du plateau, le second est l’assistant du premier, et le troisième, moi, j’assiste le réalisateur et qui en a besoin. J’ai même touché un cachet pour un petit rôle. Je me dis que j’aimerais bien devenir acteur. » Recueilli par Victor Sauvage
Paru dans Regards n°47, Janvier 2008