//« Un coup de sonde dans le poème palestinien le plus contemporain »// : ainsi résume Eric Brogniet dans sa préface l’ambition de cette anthologie bilingue. Une poésie que l’on qualifie de « nouvelle vague », libérée déjà de la rhétorique ancienne par le rebelle Mahmoud Darwich, qui a compris que le « nous » passe par le « je », une poésie qui fait l’homme, qui dessine son identité.
« Nous sommes venus mais le lieu n’y était pas » ...
//« Combien de palmiers
Combien de rêves
Combien de déserts il y a en nous. »//
L’exil, la patrie, le retour des héros composent avec une langue réinventée, libérée de ses mythologies, disciplinée par un quotidien qui qualifie une poésie des choses. Comme cet inventaire du sac à main renversé par une inconnue dans le bus, ce moment resté inoubliable pour un poète qui retrace la vie dans un souvenir de « rouge à lèvres marron » , //« Il y a deux ans et demi je t’ai vue une fois dans le bus
Et je ne t’ai plus jamais revue »//.
Ou ce « Café à Ramallah », rythmé par le « je » au début de chaque strophe : « Je n’ai pas de nom , « Je n’ai pas de voix , « Je n’ai pas d’amis , « Je n’ai pas de chance »//, avec une chute dramatique :
//« Je n’ai pas de mémoire ;
Je l’ai perdue
D’un coup de soleil. »//
Sans grandiloquence, des aveux qui hantent :
//« Maintenant
A propos de mes amis morts
Il n’y a plus de problèmes
Sauf lorsque je croise leurs parents
Soudain
Et que je suis encore en vie. »//
Un recueil nécessaire pour comprendre, de loin, ce lieu de chair, de sang et de poussière, où l’arbre « pense à la pluie » et le silence est rare ; où pousse « l’herbe de l’obscurité/ au vert sans pareil/ car aucune herbe ne peut être aussi verte sans/ Sang » .
J.M.
Le poème palestinien contemporain , édition bilingue arabe-français, choix de textes et présentation de Ghassan Zaqtan, traduction de Antoine Jockey, Le Taillis Pré, 17 euros.
Paru dans Regards n°58 janvier 2009